Une leçon politique de la NUPES. Olivier Faure sur France Info (28/03/23)

par Octave Lebel
samedi 1er avril 2023

Le premier secrétaire du parti socialiste était l'invité du "8h30 franceinfo", le mardi 28 mars, interviewé par Marc Fauvelle et Salhia Brakhlia (26mn).

https://www.francetvinfo.fr/replay-radio/8h30-fauvelle-dely/reforme-des-retraites-referendum-dissolution-et-mega-bassines-ce-qu-il-faut-retenir-de-l-interview-d-olivier-faure_5710016.html

Cette leçon est aussi une leçon de décodage de la part du secrétaire du parti socialiste de la présentation de l’information par des journalistes visiblement bien entraînés, qui à corps perdu, se font les gardiens zélés d’une certaine communication politique. Que ces professionnels portent la controverse sans concession à un responsable politique fait parti de leur rôle. Qu’ils reprennent à leur compte les mots et les procédés de la caricature est simplement inadmissible. Cependant qui est encore surpris même si nous sommes ici sur le service public de l’information ? La tristesse serait que nous nous habituions, voire que nous nous y résignerions ou pire, que nous ne nous en rendrions plus compte.

Des procédés courants.

Passons en revue les procédés les plus courants qui structurent un type d’interview comme ce matin-là réservé à certaines circonstances et/ou types d’invités. L’usage méthodique de questions fermées qui plus est circonscrites dans une simple alternative en bien, pas bien, imposé par l’interviewer. Accompagné par celui de couper très vite la réponse quand elle ne prend pas la direction espérée et de tenter d’imposer par un rythme haletant une autre question de même nature. Il y a ici quelque chose qui relève ici de l’infantilisation et du non respect de l’auditeur rendu complice et victime passive de ces méthodes. L’interviewé bien sûr n’est pas mieux traité. N’oublions pas que ces interviews sont méthodiquement préparées dans le cadre le plus souvent d’une conférence de rédaction. Ici se déploient les éléments de langage avec lesquels les médias tentent de fabriquer l’opinion publique. Laquelle et dans quels buts sur le service public ? Ici s’impose un cadre auquel toutes les questions ramènent en lieu et place de nous informer sur la complexité des choses et la diversité des points de vue. Comment en tant que citoyen pouvons-nous alors avoir une autonomie de réflexion nourrie par une information portant certes sur l’essentiel quand un journaliste s’arroge le droit d’en gommer des éléments décisifs ?

Les questions.

Passons donc en revue les jeux et le contenu bien sûr dont il semble que l’arène médiatique ne peut se passer. Avec l’apparence (l’alibi ?) d’un certain professionnalisme affirmé. Voici donc le déroulé des questions mot à mot.

* En qui croyez-vous ? La rue ou le Conseil constitutionnel ? * Dans le même temps vous dites à Laurent Fabius, qui vient de la même famille politique que vous, vas-y, censure le problème ? * Hier Emmanuel Macron a accusé la France Insoumise de vouloir délégitimer les institutions jusqu’au Conseil constitutionnel, pense le chef de l’Etat. Vous si le Conseil constitutionnel valide la réforme, vous allez accepter la décision ? * Vous serez quand même dans la rue même si le Conseil constitutionnel valide la réforme ?

*La dernière journée de mobilisation contre la réforme s’est soldée par des centaines d’arrestations et des centaines de blessés des deux côtés, côté manifestants, côté casseurs et côté forces de l’ordre, est-ce qu’il y a aujourd’hui un problème de maintien de l’ordre ? *C'est-à-dire, vous dites qu’il y a des violences policières systématiques ou ce sont des bavures ou des brebis galeuses ? *Ce qui a changé aussi, c’est le retour des casseurs. *On les a laissé se déployer ? *Vous dites, on les a laissé se déployer. *En Fait, vous dites comme Fabien Roussel qui a accusé E Macron de créer un climat de guerre civile pour retourner l’opinion, vous aussi, vous pensez vraiment qu’à l’Elysée on se réjouit à chaque fois qu’il y a un blessé ? *Vous pensez qu’il n’y a pas tant de violences que ça ? *Il y a 600 gendarmes et policiers blessés depuis 10 jours. * E Macron fait bien une différence dans sa dernière interview entre les colères légitimes et les factieux . *Vous serez dans les cortèges tout à l’heure ? *Vous souhaitez qu’il y ait le plus de jeunes possible ? *Vous les appelez à bloquer leur établissement ? *Pardon, vos collègues de la FI le font, ils appellent à bloquer les établissements. * Vous ne lancerez pas d’opérations pour bloquer les lycées ?

*Elisabeth Borne promet une nouvelle méthode sans 49.3, sauf pour les textes budgétaires, est-ce que vous le prenez comme un signe d’apaisement quand même ? *La dissolution ? Quitte à jouer à pile ou face si on en croit les sondages, la NUPES et le RN à égalité ? Vous êtes prêt à lancer une pièce en l’air et tant pis si le RN arrive à Matignon ? *Vous êtes prêt au PS à repartir en campagne avec des affiches JLM premier ministre ? *E Borne a dit sa volonté d’élargir sa majorité sans dire de quel côté elle souhaitait le faire, est-ce que vous êtes absolument sûr qu’aucun socialiste ne rejoindra la majorité ? Il pourrait y avoir d’autres Olivier Dussopt.

*Sur la ligne du PS, on va en parler tout à l’heure, 47 gendarmes blessés à Sainte-Solines, ce weekend, est-ce que vous trouvez normal que des élus de la NUPES aient participé à une manifestation interdite ? *Parlons du fond, d'accord. On a déjà construit des bassines tout en demandant aux agriculteurs d’économiser l’eau et le niveau des nappes phréatiques a augmenté d’un ou deux mètres (répété 2 fois), ça c’est un argument qui fait mouche chez vous ou pas du tout ? *Il y a d’autres bassines et un premier bilan, les agriculteurs ont changé peu à peu leurs cultures et l’usage de l’eau a été moins important,c’est un contrat avec les agriculteurs. *Votre position c’est de dire, on n’en ouvre pas de nouvelles et on rebouche celles qui existent déjà ? *Mais du coup, qui doit trancher ? *Cette concertation à Sainte-Soline, elle a déjà eu lieu. Il y a des décisions de justice qui ont été prises. * En attendant, on ne les utilise plus ou on les rebouche celles qui existent un peu partout en France ?

*En Ariège, dans le cadre de la législative partielle, la candidate de la NUPES est arrivée en avance sur la candidate dissidente du PS, pourquoi appelez-vous à voter pour la candidate de JLM alors qu’il y a une candidate socialiste ? *Non pas toute la gauche. Carole Delga, Bernard Cazeneuve, votre bras droit appellent à voter pour la socialiste. * Vous êtes devenu le vassal de la France Insoumise. *Vous avez subi la stratégie de LFI à l’Assemblée. *Une candidate soutenue par la NUPES, une candidate socialiste mais dissidente, vous l’appelez au désistement républicain ? D’habitude, on appelle au désistement républicain quand on a en face un candidat RN, pas un candidat socialiste.

Les réponses.

Pas de chance, Olivier Faure, secrétaire du PS n’est pas du genre qu’on enferme facilement dans ce type d’embuscade et il a, avec beaucoup de patience, de clarté, de conviction et une pointe d’ironie à l’égard de ses interlocuteurs, rétabli l’essentiel de la réalité en apportant son point de vue. Afin de ne pas allonger l’article, j’ai synthétisé ses propos en suivant bien sûr le fil des questions et des réponses.

O Faure rappelle les contre-vérités finalement débusquées de cette loi, le cumul des abus de procédures (47.1, 47.2, 44.3, artc. 38 règl.sénat, 49.3) de nature à éclairer un Conseil censé être indépendant. Et il remémore le précédent du CPE, validé par le Conseil, promulgué puis retiré devant l’ampleur de la résolution de l’opinion publique comme actuellement.Pointant qu’il n’est pas le porte-parole de LFI, il recommande à ses interlocuteurs de s’adresser à elle pour l’explication de ses décisions tout en précisant qu’ils ont déposé ensemble le recours au Conseil constitutionnel.

Il explique que non, il ne met personne dans la rue parce que, pour la mobilisation, il s’agit de s’en tenir aux décisions de l’intersyndicale comme annoncé dès le début.Il condamne toutes les violences en spécifiant que la violence légitime de l’Etat n'est pas censée produire de débordements tels que signalés par le Conseil de l’Europe, Amnesty, le défenseur des droits, la Ligue des droits de l’homme et documentés par des journalistes et des vidéos.Il attitre l’attention sur le changement de consignes, sitôt le 49.3 utilisé, avec le retour des nasses, celui des casseurs, présents depuis le début mais tenus en respect, qui retrouvent soudain de la liberté de mouvement, une montée des interpellations donnant lieu en fait à très peu de judiciarisation, le double jeu avec les blakblocks en vue de disqualifier un mouvement. Et tout cela après deux mois d’actions pacifiques.Il déplore qu’un ministre de l’intérieur cherche à entretenir les peurs par ses outrances verbales .Que le président,emporté par un orgueil démesuré, tentent d’amalgamer finalement tous les désordres et violences en opposant une foule illégitime à un 49.3 qui serait légitime.Concernant la place des jeunes dans le mouvement, il redit sa position de suivre l’intersyndicale et est obligé à nouveau de renvoyer directement à LFI ses interlocuteurs pour les questions qui la concerne en affirmant sa pleine compréhension de l’implication des jeunes vis-à-vis de cette réforme. Par inquiétude pour leur avenir et par solidarité intergénérationnelle.

À Propos de la proposition d’apaisement d’E Borne aux conditions d’une reddition en ligne , O Faure explique que le vrai signe sera un retrait ou le recours au peuple par une dissolution ou un référendum. Parce qu’il s’agit de trancher une mise en impasse entre le pouvoir et une très grande partie de l’opinion. Il précise qu’a été aussi déposé par les groupes du sénat, de la gauche et de l’écologie un recours à un référendum d’initiatives partagées devant le Conseil constitutionnel. Il rappelle que le PS actuel a choisi la clarté de dire qui il défend et pour qui il combat, le travail et les travailleurs contre cette logique purement libérale.

Concernant, la présence d’élus à Sainte-Soline, il signale que, porteurs de leur écharpe, ils ont protégé des blessés de la mêlée, ce qui est tout à leur honneur de députés. Il insiste pour que le problème des bassines ne soit pas occulté par la seule mise en avant des violences. Il précise que le vrai sujet est la gestion collective de l’eau, un bien commun, réservé ici pour 4 à 5% d’agriculteurs de l’agriculture intensive dans un contexte de minoration des efforts en faveur de l’agroécologie et de l’agriculture bio. Que le problème de l'évaporation doit être clarifié. Qu’il y a par ailleurs des bassines illégales (16) toujours en activité qui n’ont pas droit elles à l’attention de monsieur Darmanin . Que le problème doit être reposé de l’aveu même de ceux qui l’ont porté en raison de la non prise en considération de la question climatique au moment de l’élaboration et la mise en œuvre de ces projets.

Concernant l’élection partielle de Bénédicte Taurine en Ariège, O Faure rappelle que tous les partis de gauche, ceux qui soutiennent la NUPES qui a permis au PS d’avoir 151 députés contre 26 précédemment, la soutienne alors que le véritable danger qui se profile est la montée du RN lorsque les voix d’extrême-droite et de la droite macroniste ou autre se mêlent et s’épaulent. Que hors ce sursaut et cette alliance, faute d’opposants, la réforme de la retraite aurait été adoptée comme une formalité par une majorité largement macroniste. Que ceux qui socialistes ne respectent pas la ligne du dernier congrès en réalité jouent le jeu de la droite et de l’extrême-droite en recherchant leurs voix dont ils seront redevables. Il précise qu’il fera le point avec son adjoint en rappelant que son groupe ne fait pas parti des instances de décision.Il précise que ce vote de la NUPES est le vote républicain par excellence, celui pour le candidat de gauche le mieux placé. Qu’en réalité, tout jeu de court terme et d’arrière-garde serait irresponsable et ferait le lit du RN et de la droite. Il avertit que ces gens sans un rassemblement clair et lucide nous conduiraient à nouveau à la défaite alors que le PS est comptable en tant que socialiste d’un avenir plus social, plus économique et plus démocratique.

La fabrique de l’opinion publique.

Que dire ? Qu’il semblerait saugrenu d’interpeller ces gens de presse sur une quelconque déontologie du service public de l’information, tellement il apparaît que ce savoir-faire et ces procédés font parti de ce qu’il faut montrer maintenant dans le métier pour exister, et qui sait, espérer une promotion ou faire une carrière. À l’instar de ce qu’il y a de mieux sur les chaînes d’info au service des intérêts de ceux qui les possèdent. Passons. La question de fond qu’amène ce type de dérives nous renvoie à un authentique et nécessaire rétablissement démocratique et au travail qu’il y aura à faire concernant la mise en place des conditions et des fonctionnements lui permettant d’exister et de perdurer. Notamment concernant la presse, les médias, les outils de diffusion de la culture (éditions) et la concentration financière. Il n’y a plus de temps à perdre parce que ceux qui veulent l’empêcher y travaillent sans répit, profitant de toutes occasions et circonstances pour nous tenir en respect, nous égarer et nous diviser comme ici.

Imaginons une Salhia Braklia de gauche, s’affranchissant de toute déontologie, interviewant un Bardella, imaginons la nature et la forme des questions que l’on aurait pu entendre. Sans oublier la répétition de ce genre de traitement de l’information un peu partout et repris dans la presse quotidienne régionale. On aurait entendu moultes interrogations sans fin autour des alliances objectives concernant les mandats partagés et les votes portés en commun par la famille des droites. Et sans aucun doute commenté ensuite le reflet de ce travail sur l’opinion dans les sondages. Il apparaît décidément que, dans l’esprit de ce type de journalistes, il s’agit avant tout d’occulter la principale force d’opposition du pays, au premier rang de la réflexion, des propositions et du combat politique pour l’avenir du pays. Au profit du marais de la droite, ses brumes et son joker, l’extrême-droite. Serait-ce trop tôt encore, pas opportun dans ce contexte d’un mouvement social qui déborde, de s’appesantir sur un détail de l’actualité resté discret qu’ils se gardent bien de mettre sur la sellette de notre attention. Alors, parlons-en.

Le RN au pouvoir serait devenu maintenant un « risque nécessaire » d’après le patron du MEDEF Geoffroy Roux de Bézieux. Ceci est révélateur et à  prendre au sérieux d’urgence si nous voulons comprendre ce qui se trame et pouvoir repérer comment les médias vont s’y prendre pour mettre en condition ce qu’ils appellent l’opinion publique. Medias dont l’essentiel de l’activité, sondages compris bien sûr, consiste à la modeler et l’orienter. Nous le savons sans toutefois pouvoir totalement échapper à leur influence bien évidemment. C’est intéressant notamment pour ceux qui, de nature confiante, n’ont pas encore bien compris à qui et à quoi nous avons réellement affaire.C’est bien le MEDEF, le syndicat patronal des grands groupes du CAC40 (pas celui des TPE-PME ni des artisans ou commerçants ou indépendants) qui nous dit où se situe selon lui l’enjeu et sur qui il compte en dernier ressort pour défendre les intérêts de ses mandants.

 

L'interview de Geoffroy Roux de Bézieux (26 mn).Réforme des retraites, loi immigration, salaire de Patrick Pouyanné... ( 28 mars 2023, matinale de France Info)

https://linsoumission.fr/2023/03/28/alliance-rn-medef

https://www.francetvinfo.fr/replay-radio/8h30-fauvelle-dely/reforme-des-retraites-loi-immigration-salaire-de-patrick-pouyanne-ce-qu-il-faut-retenir-de-l-interview-de-geoffroy-roux-de-bezieux_5708426.html

 

Repères pour l’avenir parmi bien d’autres : Pas de résignation ni de fatalisme, le temps est venu d’une remise à plat démocratique faisant un sort aux fonctionnements et habitudes qui lui nuisent.

L’addiction des politiques aux sondages confidentiels

Le gouvernement a dépensé plus de 16 millions d’euros pour des études d’opinion entre 2019 et 2022. L’appel d’offres pour ces enquêtes sur les quatre prochaines années prévoit une hausse de 54 %.(Le Monde, par Luc Bronner, 27/03/23,Temps de Lecture 8 min.)

 https://www.lemonde.fr/politique/article/2023/03/27/candidats-partis-gouvernement-les-zones-d-ombre-et-le-marche-florissant-des-sondages-confidentiels_6167082_823448.html

Qui paye l'addition (des sondages) ? Qui y a recours ? ( Fanny Blanc,28/03/23, Le Journal des Femmes).

« Lorsqu’un candidat atteint les 5% des suffrages, il se voit rembourser ses frais de campagne... y compris les sondages ! On découvre ainsi qui ont été les candidats les plus gourmands en terme de sondage : Valérie Pécresse est première de ce classement avec 101 280 euros, suivie par Marine Le Pen avec 94 320 euros, Yannick Jadot avec 60 600 euros, Anne Hidalgo avec 41 400 euros et Eric Zemmour avec 10 800 euros.

On apprend que Jean-Luc Mélenchon, lui, n'apprécie pas ces outils et n'en a pas commandé. »

https://www.journaldesfemmes.fr/societe/actu/2906549-emmanuel-macron-sondage-retraites-argent-elysee

 


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