Une loi qui confond sciemment éducation et menace, coordination et délation

par Jurisconsult
mercredi 22 novembre 2006

L’intitulé du projet de loi, « Prévention de la délinquance », est pour le moins usurpateur. Ce texte procède essentiellement à des raccourcis, à des amalgames douteux et dangereux entre pauvres et délinquants, entre maladie mentale (fort heureusement, le volet psychiatrique a été retiré in extremis) et délinquance, entre difficultés d’ordre social, familial, économique, scolaire, affectif vécues par les jeunes et délinquance, et, désormais, entre gens du voyage et délinquants.

En réalité, il a uniquement pour objet de mettre en place un système autoritaire. Pour ce faire, il instaure un contrôle social à tous les niveaux de notre société. Tous les acteurs doivent y collaborer, à commencer par les travailleurs sociaux, auxquels on impose de partager le secret professionnel, et le maire, à qui on demande d’être à la fois shérif, procureur, juge, travailleur social, éducateur, policier, sans toutefois lui donner les moyens d’assumer l’ensemble de ces tâches.

Le projet confond sciemment éducation et menace, coordination et délation. Ce texte est fondé sur la défiance généralisée : d’abord, à l’égard des parents, en particulier des pauvres, qui seraient démissionnaires ; ensuite, à l’égard de certaines catégories professionnelles jugées incompétentes, comme les personnels du secteur social, médico-social, éducatif, ainsi que ceux de la protection judiciaire de la jeunesse ; enfin, à l’égard des juges des enfants, considérés comme trop laxistes envers les mineurs, car ils ne prononceraient pas assez de peines de prison ferme.

Ce faisant, ce texte remet en cause le fondement des politiques de prévention, menées, depuis des décennies, par les acteurs sociaux, les départements, les communes, les services de l’État, les caisses d’allocations familiales.

Si ce système pèche, c’est uniquement par manque de moyens adéquats, et non pas, comme on voudrait le faire croire à l’opinion publique, par incompétence, laxisme, corporatisme, que sais-je encore.

Loin de permettre d’obtenir un quelconque résultat en termes de prévention (mais était-ce réellement une priorité ?), ce texte, d’une part, se heurtera à de graves difficultés d’application et, d’autre part, aboutira à des confusions inquiétantes entre différentes institutions, qu’il s’agisse du conseil général, du maire, de la justice ou de l’éducation nationale.

Des moyens considérables doivent donc être débloqués pour inverser la tendance. C’est d’ailleurs ce qu’ont reconnu, contrairement au ministre de l’Intérieur qui s’est contenté de stigmatiser les populations, Villepin et le Chirac (alias super-menteur), le premier, comme je l’ai dit ce matin, lors d’une rencontre avec des représentants de Seine-Saint-Denis, toutes formations politiques confondues, le 15 novembre 2005, lors des violences de l’automne, et le second, dans la réponse qu’il a faite à un courrier du président du Conseil général, ce dernier réclamant justement lesdits moyens.

Mais un dénominateur commun doit être relevé : ces hommes politiques sont venus, ils ont écouté les habitants, ils ont « saupoudré », et puis plus rien...

Ce texte a pour seul objet la réorganisation de la société à la sauce libérale, à rebours des fondamentaux mis en place au lendemain de la Seconde Guerre mondiale.

Sarko 1er veut mettre en place son projet de société, caractérisé par la fameuse rupture, avec l’appui indéfectible du Medef.

C’est un projet inique, et tous les socialistes sont unanimes sur ce point (fait assez rare en ce moment), c’est un texte répressif, et non un texte de prévention. Il essaie de corriger l’échec de la politique menée depuis 2002, marquée néanmoins par une autosatisfaction constante, fondée sur des chiffres discutables. En effet, tant que ne seront pas prises en compte les infractions qui figurent dans les mains courantes, nous ne connaîtrons pas la réalité de la délinquance dans notre pays.

Je le redis : l’absence totale de moyens alloués à la Justice est criante : le texte prévoit que de jeunes mineurs pourront aller faire un stage d’un mois - ils vont s’y relayer sur un rythme rapide ! - dans des institutions qui n’existent pas encore. Avec quels moyens Sarkozy va-t-il en financer la création, le fonctionnement ? Il ne s’agit là que d’intentions, et nullement de mesures concrètes. C’est ce que j’appelle le populisme...


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