Une messe pour Charles Maurras

par Rémy Mahoudeaux
mercredi 4 janvier 2023

Charles Maurras n’est pas dans ma bibliothèque, je ne l’ai pas lu et je n’ai aucune intention de le lire. Erreur ou pas, tant d’autres livres d’autres auteurs me semblent prioritaires ! Je n’ai donc pas d’opinion sur la qualité de sa prose, et j’ignore si l’odeur de soufre qu’il véhicule dans l’église catholique doit encore persister 70 ans après son trépas. Je n’ai pas de problème avec le monarchisme et l’anti-maçonnisme, mais tout antisémitisme, toute xénophobie me répugnent. Si ses écrits ont séjourné à l’index, ils en sont ressortis en 1939. Dieu seul est infaillible pour sonder les cœurs et les reins, et peut déterminer si Charles Maurras avait assez de talents pour « entrer dans la joie de son maître  »1.

Les fidèles peuvent faire dire des messes à des intentions particulières comme par exemple pour un défunt. Le prêtre et les fidèles présents joindront cette intention à celles plus générales de la célébration. Ce n’est pas un coût exorbitant, l’offrande conseillée par la Conférence des Évêques de France étant de 18 €. Tout pécheur a besoin que l’on prie pour lui. Charles Maurras aussi, tout comme moi.

Une personne a demandé à la paroisse Saint Roch de Paris de dire une messe le 16 novembre dernier à l’intention de Charles Maurras, sans doute pour les 70 ans de sa mort. L’abbé Thierry Laurent, curé de la paroisse, a dit cette messe.

Le 10 décembre2, une réprimande était adressée à l’abbé Thierry Laurent par Mgr Michel Gueguen, Vicaire Général. Le prélat acte d’un désaccord : il affirme que cette messe avait « un contenu politique déplacé et provoquant », ce que le curé conteste. Il relève en outre que cette messe aurait suscité l’étonnement, voire le scandale chez des fidèles. Elle invoque comme source de droit l’obligation faite aux prêtre de «  maintenir la paix et la concorde fondée sur la justice  » (CIC 287 § 1), la responsabilité qui incombe au curé sur sa paroisse (CIC 519) et, pour la sanction du scandale par réprimande, le CIC 1339 § 2.

Quelques réflexions en vrac.

Si Charles Maurras a beaucoup péché, comme il est une créature aimée de Dieu, il convient que ses frères en humanité prient beaucoup et sincèrement pour lui.

Peut-être s’est-il dit pendant la prédication lors de cette messe quelque chose de scandaleux. Si c’est le cas, c’est pour ces propos scandaleux identifiés comme tels de façon explicite dans des attendus que l’abbé Thierry Laurent pourrait être sanctionné. Il me semble qu’infliger une sanction parce que le défunt aurait l’heur de déplaire à des fidèles ou à l’épiscopat, c’est instituer une discrimination au sein de l’Église. Encore une fois, la gouvernance de l’Église est piètre et pitoyable.

Sa cohérence peut elle aussi être battue en brèche : deux mitres pour célébrer les obsèques de Valéry Giscard d’Estaing, n’est-ce pas faire beaucoup d’honneur au responsable de la dépénalisation de l’avortement ?

Le scandale de dire une messe pour Charles Maurras peut être mis en perspective avec quelques passages évangéliques : la rencontre de Jésus avec la samaritaine (Jn 4), celle avec la femme adultère (Jn 8) ou avec le bon larron crucifié avec Lui (Lc 23). Est-ce aux fidèles de la paroisse Saint Roch de Paris ou à l’épiscopat parisien de dire quelles sont les brebis égarées à sauver et celles que l’on peut négliger (Mt 18) ?

Quand au scandale qui ferait se pâmer d’émotion les hypocrites qui ne sont pas dans l’église mais tentent de lui dicter son Magister et sa conduite, il me semble opportun de les envoyer gentiment se faire rôtir le popotin, mais non sans leur rappeler que des catholiques prient pour eux et pour leur salut, ainsi que pour les nocifs qui nous imposent de vivre dans ce siècle où toute vie spirituelle est honnie.

L’abbé Thierry Laurent demandait à ses paroissiens de garder «  toute mesure dans la réaction qu’ils pourraient en avoir ». Il y a trop longtemps que je ne suis plus ce paroissien très occasionnel des mercredi midi à Saint Roch, mais j’espère avoir respecté son injonction, sans pour autant me taire ni vouloir offenser personne. Mehr Licht3 !

 

1Mt 25, 14-30

2Lapsus calami  : La lettre est datée de 2011, soit 11 ans avant la commission des faits !

3Plus de lumière ! Derniers mots prononcés par Johann Wolfgang von Goethe

(Cliché studio Harcourt, domaine public)


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