Une « Montagne d’or » de la boue et du cyanure

par gruni
jeudi 23 mai 2019

Extraction minière responsable pour les affairistes ou catastrophe écologique pour les écologistes. La vérité est comme souvent entre les deux. Certes, pour plusieurs milliards de dollars le consortium russo-canadien (Nordgold et Colombus Gold) pourrait lâcher 300 millions d'euros d'impôts aux collectivités locales et à l'État français. 

Mais, imaginez en pleine forêt tropicale au sud de Saint-Laurent-du-Maroni, une "tranchée de 2,5 km de long sur 400 mètres de large et de 120 mètres de profondeur en moyenne" jusqu'à 300 mètres par endroit. Une monstruosité minière de 1500 hectares à seulement "quelques centaines de mètres d’une réserve biologique intégrale, où vivent de nombreuses espèces protégées". Forcément, la ruée vers l'or français de Guyane du milliardaire Russe Alexei Mordachov qui détient 55,01% des actions et du canadien Colombus Gold, fait peur à une grande partie de la population locale. 

La balle est maintenant dans le camp du président de la République qui prétendait il y a peu, que "le projet n’était pas acceptable en l’état". L'ex ministre de l'économie de François Hollande, qui est aussi un écologiste d'un vert très pâle, osera-t-il refuser cette montagne d'or avec à la clé 200 emplois directs pendant la construction, 750 pendant l'exploitation, plus 3000 indirects. Des chiffres qu'il faudra vérifier si le projet industriel se réalise dans un département où le taux de chômage dépasse les 20%, jusqu'à 60% chez les jeunes. La décision définitive pour ou contre la "Montagne d'or" devrait être annoncée après le déplacement au mois de juin en Guyane du ministre de la Transition écologique, François de Rugy.

La cyanuration

Elle consiste à rendre l'or soluble. Pour cela il faut ajouter 300 à 2000 grammes de cyanure par tonne de minerai. Seulement voilà, d'après le WWF la "Montagne d’or propose d’exploser un flanc de montagne pour obtenir 1,6 gramme d’or par tonne de minerai, alors qu’il suffit de recycler des téléphones pour obtenir 200 grammes d’or par tonne de cartes électroniques recyclées.".

Pascal Canfin, qui a quitté le WWF pour rejoindre LaREM et sa liste pour les européennes, pourrait parler rapidement à Emmanuel Macron, de "l'utilisation de la cyanuration dans l’industrie aurifère en Guyane et des impacts potentiels sur l’environnement et recommandations".

Car on sait le danger que représente "la présence de larges quantités de boues liquides chargées en produits dangereux, stockées derrière des digues" et les "effets désastreux sur l’environnement en cas de fuite ou de rupture de ces digues". Surtout si près du fleuve qui alimente en eau la population de villages à 100 km de la mine d'or.

Revoir le code minier qui dans l'état autorise de ne pas respecter l'environnement est une option. Mais les affairistes ne seraient pas spécialement pressés. Car "s’il ne sont pas soutenu par cette présidence, il suffira d’attendre des vents plus favorables aux prochaines élections". 

Nicolas Hulot, alors ministre de la Transition écologique, était contre la "Montagne d'or", mais peut-être pas tout à fait quand même, puisqu'il préconisait de "tout remettre à plat", une façon de gagner du temps avant d'aller voir ailleurs. L'ancien ministre, très sensible à la protection de la nature et toujours prompt à donner sa démission, se réjouissait qu'un débat public soit en cours sur le projet industriel de la Montagne d'or, ça c'est quelque chose de nouveau disait-il, "car contrairement au passé, aucune décision n'est prise, on doit d'abord écouter les citoyens, leurs inquiétudes". Faut-t-il lui rappeler que le gouvernement a déjà par le passé, donné la preuve qu'il écoute mais entend faire ce qu'il veut.

Enfin, Hulot n'a pas tort de dire que la Guyane souffre déjà de "terribles conséquences de l'orpaillage illégal, qui déverse mercure et cyanure en toute clandestinité dans les rivières".

Est-il besoin de prendre le risque d'en rajouter pour 95 tonnes d'or ?

 


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