Une offensive israélienne sur Internet

par Leila
vendredi 20 août 2010

Le conflit israélo-palestinien ne se joue pas seulement sur le terrain, il se joue aussi sur Internet. Deux organisations israéliennes cherchent à prendre la main dans les débats sur la toile en lançant un cours de formation à l’intention des sionistes qui écrivent sur Wikipedia.

Rachel Shabi et Jemima Kiss font d’intéressantes révélations dans le Guardian du 18 août.
Le Yesha Council, qui représente le mouvement des colons juifs, et le mouvement Israel Sheli (Mon Israël) ont tenu cette semaine à Jérusalem une première réunion de travail afin d’enseigner aux participants comment réécrire et réviser certaines pages de Wikipedia parmi celles qui sont le plus fortement discutées. « Nous ne voulons pas changer Wikipedia, ou en faire une arme de propagande, » dit Naftali Bennett, le directeur du Yesha Council. « Nous voulons seulement montrer l’autre face. On pense généralement que les Israéliens sont des gens méchants qui tous les jours ne pensent qu’à faire du mal aux Arabes. »
On notera que cette déclaration confond indistinctement tous les Israéliens, qu’ils soient habitants des colonies, citadins sans idées politiques, où militants des droits de l’homme. Il me semble que personne en France ne considère les Israéliens comme des gens méchants.
Wikipedia est l’un des sites Internet les plus populaires, et ses 16 millions d’entrées sont ouvertes à tout le monde pour éditer, réécrire ou même effacer. Le problème, selon madame Ayelet Shaked, porte-parole de Israel Sheli, c’est que sur Internet les activistes pro-israéliens sont largement minoritaires à côté des voix pro-palestiniennes. « Nous ne voulons pas donner cette arène à l’autre camp, » dit-elle. « Mais nous sommes si peu, et eux sont si nombreux. Aux Etats-Unis et en Europe, les gens n’eentendent jamais parler du côté d’Israël, avec tous les arguments corrects et les bonnes explications. »
Comme les autres militants impliqués dans ce projet, madame Ayelet Shaked estime que lorsque son gouvernement explique Israël au monde entier, « il ne fait pas du bon travail. » Elle pense qu’il y a beaucoup de travail à faire sur Wikipedia.
Pour commencer, prenons la page sur Israël. « La carte d’Israël est représentée sans les hauteurs du Golan, ou la Judée et la Samarie, » dit monsieur Bennett, faisant référence au territoire syrien annexé et aux territoires de la Cisjordanie occupés par Israël en 1967.
Un autre point de controverse est la référence à Jérusalem comme capitale d’Israël, dont le statut, à entendre monsieur Bennett, serait altéré sur Wikipedia.
D’autres pages qu’il demande de rééditer sont celle concernant les biens autorisés / interdits à l’importation pour Gaza, et celle concernant les territoires palestiniens.
Ensuite se pose le problème de ce qu’il faut appeler un certain voisinage. « Ariel est-elle une ville ou une colonie ? » demande madame Shaked au sujet de la zone habituellement décrite par Wikipedia comme « une colonie israélienne et une ville au centre de la Cisjordanie. » Cette question fait l’objet de plusieurs milliers de mots d’un débat très animé sur un fil de discussion de Wikipedia.
Madame Shaked et ses collègues disent que l’idée n’est pas d’entrer comme un ouragan, de mettre la pagaille et de se faire sortir à coups de pieds dans le derrière. La communauté des éditeurs de Wikipedia est sensible, basée sur le consensus, et il faut du temps pour bâtir la confiance.
« Nous avons appris ce qu’il ne faut pas faire : ne pas sauter immédiatement dans les eaux profondes, ne pas argumenter, réaliser que c’est une communauté semi-démocratique étrangère, savoir comment ne pas se faire interdire, » dit Yisrael Medad, l’un des participants à la formation, de Shiloh.
Shiloh est-elle en Cisjordanie occupée ? « Non, » soupire-t-il, patiemment. « C’est Shiloh dans la région de Benjamin, de l’autre côté de la ligne verte, ou dans des territoires qui pourraient être disputés. »
Un éditeur basé à Jérusalem, qui n’a pas voulu que son nom soit cité, a dit que le fait de rendre l’initiative publique n’est peut-être pas une si bonne idée. « Dans le passé, l’effet a été négatif, » dit-elle. « Nous sommes en guerre et malheureusement notre façon de combattre doit rester secrète. »
En 2008, des membres de l’organisation belliciste Watchdog Camera qui avaient secrètement prévu d’éditer sur Wikipedia ont été interdits du site par les administrateurs.
 
Cependant, Yesha constitue un groupe de travail pour engager la discussion avec de nouveaux médias en postant des informations à des sites tels que Facebook et YouTube. Ils disent qu’ils ont 12.000 membres actifs et que le nombre augmente de plus de cent chaque mois. « Il se trouve que les gens ont soif de cette activité, » dit monsieur Bennett. « Le public israélien est frustré de voir comment il est dépeint à l’étranger. »
Les organisateurs des cours de formation pour Wikipedia préparent déjà un concours du « meilleur éditeur sioniste », avec comme premier prix un voyage en montgolfière au dessus d’Israël.
Tensions sur Wikipedia
On voit souvent monter des tensions entre des éditeurs de Wikipedia qui se font concurrence. Il peut arriver que des articles soient édités pour piéger des journalistes. En 2005, le directeur de USA Today a découvert sur Wikipedia qu’il aurait été impliqué dans l’assassinat de JFK.
Les éditeurs peuvent rester anonymes, mais les conflits passent devant un comité d’arbitrage. La scientologie par exemple est régulièrement restée une source de conflits sur Wikipedia jusqu’à ce que le comité bloque ses écrits.
Au moins, grâce à Internet, nous voici prévenus.
 
http://www.guardian.co.uk/world/2010/aug/18/wikipedia-editing-zionist-groups

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