Une pente dangereuse

par Gustave
jeudi 2 novembre 2023

Les commentaires au sujet de la guerre de Gaza, selon le parti pris par les observateurs, tentent de départager les belligérants selon la « moralité » de leurs actes, jouant sans cesse sur les mots clés « Terrorisme » et « Crimes de guerre ». Mais la définition même de ces termes, on le sait, est partisane, et aucune autorité supérieure ne peut prétendre en donner une acception indiscutable, comme le montre assez bien le sort qui est fait aux « résolutions » de l’ONU selon qu’elles conviennent ou non aux parties en présence.

Il reste que la situation dans laquelle se place l’état d’Israël, sous l’effet du choc à la fois émotionnel et politique créé par les actes criminels du Hamas, risque fort de le conduire à des débordements parfaitement prévisibles, tellement prévisibles car tant de fois répétés.

En effet l’histoire moderne, hélas, n’est pas avare de situations similaires, conduisant à un constat inquiétant.

Lorsqu'un très puissant – imbu de sa force – prétend imposer un ordre perçu comme injuste, il se heurte immanquablement, à une échéance ou une autre, à une résistance.

Alors son hubris, sa volonté de maintenir son statut de puissant, lui interdisent de supporter cette mise en cause, l’amène exiger la destruction de cette opposition, et il se trouve irrémédiablement acculé à des solutions solutions injustes, bientôt criminelles, qu'il soit Prussien, Allemand, Français, Américain ou juif.

Dans une riposte sans cesse grandissante, il punit, il emprisonne, il parque, il construit des murs et des miradors, torture, puis terrorise, assassine, déporte. Et parfois tente de détruire totalement. Mais jamais n’y parvient, laissant des plaies béantes.

Ses actes terroristes, il les nomme alors « maintien de l'ordre », et les crimes de ses forces de répression il les appelle « effets collatéraux ». Et pour cela, il reçoit l’appui indéfectible d’autres puissants, bien conscients qu’ils pourraient tantôt rencontrer les mêmes défis.

Poussé par l’enchaînement des faits, contraint par ses propres déclarations vengeresses, il se trouve très vite acculé à étendre sans cesse le cercle de ses ennemis jurés – des résistants aux sympathisants, puis aux parents des sympathisants, puis à leurs voisins… Il s'avance petit à petit, inexorablement, sur le chemin hasardeux du terrorisme d’état, de l'épuration ethnique et du génocide, mais feint de ne pas le voir, retranché derrière son « devoir de puissance », contraint par son image et par ses opinions galvanisées.

On l'a vu aux États-unis avec la relégation des Indiens, en France occupée avec la traque des résistants, en Algérie avec la persécution des militants de l’indépendance puis avec l’ensemble du peuple algérien. On l’a vu en Afrique de l’Ouest où l’Empire Allemand naissant et pressé de s’agrandir tenta de faire disparaître le peuple Herero. Et Israël marche sur ce périlleux chemin semé de bombardements éradicateurs, de blocus dévastateurs, de rupture d’approvisionnements – en eau même – d’exodes forcés et de destruction d’hôpitaux soupçonnés de protéger des terroristes. Sur ce chemin, tout est rapidement nécessaire à la « victoire » recherchée, tout est rapidement permis.

Et aucune de ces forces dominatrices ne peut être dédouanée de ses crimes actuels par ses malheurs passés, sauf à ce que les crimes d’état se reproduisent à l’infini, sauf à ce que la dénonciation de la barbarie perde son sens.
Les Nazis se vengeaient de Versailles, les Prussiens d'Iéna, les Allemands se vengeaient des attaques des Hereros, et Israël entend se venger du Hamas...

Certes, comparaison n'est pas raison, mais la pente est glissante.

G. Collet


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