Une politique incohérente

par Louis Dalmas
jeudi 24 avril 2014

On reste de plus en plus abasourdi devant l'incohérence de nos gouvernants. Soudain frappé par la lumière, Manuel Valls, adoubé par Hollande, prend conscience du danger du recrutement intégriste dans le tumulte syrien. Son plan promet virilement que "l'Etat prendra toutes mesures pour dissuader empêcher, punir, ceux ou celles embarqués dans la guerre sainte. La France déploiera tout un arsenal, en utilisant toutes les techniques, y compris la cybersécurité". Son ministre de l'Intérieur, Bernard Cazeneuve, non moins subitement musclé, annonce "le développement de cyberpatrouilles sur les forums islamistes pour endiguer la diffusion de leur propagande". Il envisage de mettre au point à Londres, le 30 avril prochain, avec ses homologues britannique, belge et allemand "des outils de coordination et des initiatives à prendre à 28 (les pays de l'UE) à destination des opérateurs du net."

Félicitations (enfin). Mais tout de même, on croit rêver…

Voilà des gens qui se lancent dans quelques maigres précautions antifanatiques après avoir soigneusement détruit tout ce qui pouvait s'opposer au fanatisme. Merveilleux, non ? Non seulement ils ont présenté pendant des mois la rébellion contre le laïque Bashar al Assad comme la croisade des chevaliers blancs de la démocratie, et ils ont encouragé les aides apportées aux insurgés par les pays les plus rétrogrades de la planète (les arabes du Golfe), mais ils ont appelé à une intervention militaire pouvant écraser le régime de Damas. En Egypte, ils dénoncent la persécution des musulmans. En Centrafrique, ils protègent les musulmans contre les chrétiens. Et tout cela après avoir éliminé de façon sinistre les chefs des seuls bastions solides de la résistance au djihad à l'intérieur même de l'islam, Kadhafi et Saddam Hussein. Autrement dit, après avoir brisé sur les ordres de Washington toutes les oppositions à la guerre sainte, nos apprentis sorciers s'aperçoivent que les fous de Dieu sont de plus en plus actifs, nombreux et décidés. N'y a-t-il pas de quoi s'étonner de ce mélange de cynisme et d'aveuglement ? 

 

Autre sujet de stupéfaction. Nos dirigeants sont-ils incapables de faire une différence, à la portée d'enfants à l'école, entre offensive et défensive ? Ne peuvent-ils pas se poser quelques questions d'une simplicité évidente ?

- Où et quand la Russie a-t-elle pris l'initiative de bombarder un Etat souverain, d'agresser et d'envahir des territoires étrangers, de fomenter des insurrections dans des pays indépendants, d'encercler un rival international avec des bases militaires ? En Georgie, elle a répondu à l'attaque de Saakashvili, en Ukraine elle a réagi à l'essai d'annexion du pays par l'Union européenne. Nulle part, à aucun moment, elle n'a entrepris une opération d'implantation impériale de son propre chef.

- Où et quand le gouvernement de Moscou a-t-il menacé d'envahir l'Europe ? Où et quand a-t-il rassemblé un nombre important de pays sous son influence pour former une OTAN orientale fortement armée, participant à la destruction de pays entiers et à l'occupation d'espaces conquis et colonisés par la force ?

- Où et quand les chrétiens ont-ils déclenché des guerres, formé des groupes militarisés, entraîné des combattants, transformé leur fanatisme en suites d'attentats, de combats meurtriers et d'exécutions ? Même en Centrafrique, les milices antibalaka n'ont fait que contrer la coalition seleka qui cherchait à les éliminer. En, Egypte, Abdel Fattah al Sissi n'a fait que briser un pouvoir musulman qui voulait faire du pays un califat religieux. Nulle part, à aucun moment, on ne constate dans la chrétienté l'existence d'un équivalent du djihad.

Certes, toute défensive peut commettre les atrocités inhérentes à la bataille, aussi impardonnables que celles de ses ennemis, ou imaginer des répliques du même ordre que les mesures qui l'ont suscitée. Il n'empêche qu'il y a une différence fondamentale entre celui qui frappe le premier et celui qui réagit aux coups. La responsabilité n'est pas également partagée. Ne pas le constater est le signe d'un préjugé dangereux ou d'une surprenante stupidité.

 

Faut-il plus de preuves de l'incohérence de notre politique étrangère ? Au moment où l'on devrait soutenir le dernier combattant efficace des filiales d'Al Qaeda, on continue à idéaliser les adversaires de Bashar al Assad. Au moment où l'on pourrait s'affranchir de la tutelle américaine, on se délecte d'une russophobie inepte. Au moment où Obama ressuscite les délires de la Guerre froide, on le suit sans mot dire. C'est-à-dire qu'on prend position contre Poutine, qu'on ignore les remarquables insubordinations en Amérique Latine, qu'on ne voit en Iran qu'un effrayant tripatouilleur nucléaire et qu'on ne s'intéresse à la Chine qu'en tant que marché à explorer.

On peut se poser la question. Est-ce une incohérence consciente ? Nos dirigeants qui, par définition, ne devraient pas être idiots, comprennent-ils les objectifs de l'impérialisme US ? Sont-ils volontairement complices d'un plan machiavélique consistant à soutenir les pires fondamentalistes musulmans pour pouvoir les détruire plus tard avec l'appui de l'opinion publique ? Sont-ils tordus au point de compromettre notre existence pour aider Washington à conquérir le monde ?

Ou nos élites sont-elles simplement pourries au point de sombrer dans une criminelle inconscience ?

Probablement un mélange des deux. Laurent Fabius est un bon exemple de cette combinaison franchouillarde de myopie, de vantardise et de servilité. Son anagramme est "naturel abusif". Ce n'est peut-être pas par hasard. Il y a longtemps qu'il a dépassé la ligne rouge de la nocivité. 

Grâce à lui, entre beaucoup d'autres d'hier et d'aujourd'hui, ce n'est pas une balle que la France se tire dans le pied. C'est une rafale de coups de canon.

Louis DALMAS.

Directeur de B. I.

 


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