Une réponse erronée à la crise occidentale, l’illibéralisme

par Jean-Paul Foscarvel
mardi 30 juillet 2019

Nous vivons une crise majeure de la société occidentale. Une crise globale qui touche tous les domaines. Le monde ancien semble l'écrouler tandis que le monde soi-disant nouveau nous fait retourner à la féodalité.

Par la privatisation généralisée de l'espace public, nous atteignons le point de non retour. Le monde de l'altérité, de la solidarité, de l'altruisme, du don, de la générosité, est remplacé par le marché omni présent.

Désormais, même les relations interpersonnelles sont marchandisées, surveillées, exploitées par des multinationales tentaculaires qui ne cherchent que la maximisation de leurs profits.

Les rues ne sont plus des espaces de convivialité où des liens peuvent se créer, mais des lieux de confrontation où chacun veut se garder dans sa bulle smartphonisée tout en espérant que l'autre va s'écarter à son approche. On ne reconnaît plus l'être en l'autre, l'ami potentiel, mais on voit en l'autre celui qui nous dérange et on se heurte, se bouscule, s'invective, se hait.

De plus en plus, les cartes n'indiquent plus le rues et les places, les monuments et les lieux publics, mais les entreprises, les magasins, les chaînes multinationales. On ne va plus au café, mais au Startruck, au restaurant mais au MicRé, on n'achète plus des chaussures, mais des Niques, etc.

L'espace public se restreint laissant place à la parcellisation des concurrences, aux chaînes capitalistiques, aux logos omniprésents.

Il en est de même des libertés. À la liberté du citoyen, conscient et responsable de ses actes, est préférée celle de l'individu identitaire qui prône sa liberté parcellaire et irresponsable, sans conscience des conséquences de ses actes.

C'est le même fondement qui en est la cause. Un capitalisme qui cherche sans cesse à augmenter ses profits, s'accaparer les espaces autrefois publics, remplacer la libre expression des citoyens dans un espace public par la confrontation des identités dans un espace privatisé.

Que dans le même moment le gouvernement réprime durement les Gilets Jaunes et crée un loi sur la PMA et veuille libéraliser la diffusion du cannabis relève de cette politique de privatisation, de création de profit, et de soumission de la chose publique aux intérêts individuels, tout en offrant des substituts aux contraintes sociales par des pseudo-libertés sociétales.

Pourquoi pseudo-libertés ? Parce que si tout est permis, pour la plupart des gens, rien n'est possible. Au fond, ces libertés nouvelles ne concernent que la partie économiquement immergée de la population. Le haut de l'iceberg social que voit les médias. le reste est immergé et invisible.

Une part de cette partie de la population, hors d'elle car sous les moyens décents de vivre voit justement dans les médias la jouissance infinie du haut de l'iceberg sans en goûter les fruits qu'elle-même produit.

Le pêcheur à la limite de la faillite ne mange pas le homard qu'il va pêcher !

L'idée, partagée par certains intellectuels, par exemple Jean-Claude Michéa, ou dans une certaine mesure Michel Onfray, est que la faute en revient au libéralisme, et par déplacement sémantique, à la notion même de liberté, voire de droits de l'homme. La révolution française, bourgeoise, aurait développé ce droit pour favoriser justement la partie haute de la population. Et serait donc à rejeter.

Une partie de la population se trouve attirée par des doctrines illibérales, ce qui a conduit à Trump aux USA, Bolsonaro au Brésil, Salivini en Italie, Orban en Hongrie et Johnson aux UK.

Dans la confusion des oppositions au macron, la France, le peuple français, se trouve à son tour attiré par le RN (ex. FN).

C'est une erreur fatale.

Le libéralisme sans limite, qui est celui que sert macron, n'est pas la cause de la crise, il en est le moyen. La cause fondamentale, celle qui fait que l'humanité actuelle est incapable de résoudre à la fois la crise environnementale et la crise sociale et finalement crée une crise sociétale, c'est la capitalisme, c'est-à-dire la recherche sans fin de la maximisation des profits.

C'est la recherche des profits qui entraîne les GAFAS vers une surveillance continue de l'ensemble des citoyens, via la vente des données collectées et le ciblage de la pub, c'est la recherche des profits qui fait privatiser l'espace public, c'est la recherche des profits qui tend à nous faire consommer davantage au mépris de notre santé et nous vend médicaments qui soignent les symptômes et pas les causes.

L'illibéralisme ne changera rien à cela, il ne fera qu'interdire davantage l'expression des citoyens comme on le voit au Brésil, en Hongrie, ou en Italie, et comme ce serait probablement la cas chez nous si la France basculait (macron ayant déjà bien anticipé la répression).

Au lieu de diminuer les droits sociétaux tout en limitant de fait les droit sociaux, il faut au contraire réouvrir les droits sociaux, déprivatiser l'espace public, et répartir l'impôt de façon à faire davantage cotiser les hyper-riches, et non surtaxer les hyper-pauvres (comme on vient de le faire avec les logements sociaux).

Si la gauche doit reprendre des forces, elle doit absolument se détâcher à la fois du libéralisme économique qui de fait est un "turbocapitalisme" des plus destructeurs, en prônant une économie où la quête du profit sera remplacée par le bien commun, en rétablissant les droits sociaux fondamentaux, comme celui à la santé, au travail, à la retraite et en réfléchissant sur des droits sociétaux comme complémentaires aux droits sociaux et non opposés, comme c'est le cas avec macron ou Hollande, qui dans le même temps suppriment les droits des travailleurs et ouvrent les droits des minorités de genre.

Au lieu d'entrer dans une phase de haine, de repli, de restriction des droits, il nous faut au contraire rétablir le goût de l'altérité, de la solidarité, du don, du partage, de la gratuité, et passer à une ère postcapitaliste.

 


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