Une sape délibérée du nucléaire français : la forfaiture de trop

par PELLEN
mercredi 8 octobre 2014

En spoliant délibérément la Nation d’une ressource vitale aux motifs réels les plus inavouables, le pouvoir politique suprême aura scellé dans quelques semaines une obsolescence déjà patente de la 5ème république. 

Il l’aura fait en achevant de démontrer qu’un Président de la république française peut parfaitement dévoyer les prérogatives attachées à sa charge, pour restaurer des mœurs politiques que la constitution de 1958 avait pourtant sanctionnées.

Quand, à l’aube des trente glorieuses, le désintéressement du locataire de l’Élysée et le génie de la fine fleur des élites françaises donnaient à voir un modèle de conjugaison rationnelle des talents et des efforts, l’incompétence le dispute aujourd’hui au clientélisme pour nous doter d’une gouvernance sous influence exclusive des jeux de pouvoir. Pendant que nos immatures tuteurs politiques consacrent leur potentiel indigent à entretenir le tintamarre du Landerneau, la prospérité et le statut de la France se désagrègent à une vitesse alarmante.

Pareil symptôme de la fragilité d’institutions taillées sur mesure pour le Général fut observé en 1998, quand le pouvoir fraichement sorti des urnes saborda le surgénérateur Superphénix avec préméditation électorale. Depuis cette époque, des arguments souvent imparables démontrent scientifiquement, technologiquement, économiquement, socialement et écologiquement que la casse partielle ou totale de notre outil électronucléaire et de la R et D associée n’a ni justification rationnelle, ni fondement honnête. En vain : le cynisme gouvernemental, alors opposé à ces arguments, ne s’est jamais senti aussi libre de ses outrances ; au point de revendiquer au diagnostic partisan de passer outre l’expertise de l’Autorité de Sûreté Nucléaire (ASN), outre celle de diverses instances habilitées, de tel Office parlementaire et même de la cour des comptes.

Ainsi, mise officiellement en demeure de nous épargner un « Fukushima sur Rhin » à Fessenheim, l’ASN a-t-elle pris ses responsabilités, sans toutefois condamner le site. Qu’à cela ne tienne : La centrale alsacienne ou une autre n’en sera pas moins la probable entame sacrificielle d’une « transition écologique » que les oracles du panthéon médiatique ont souverainement prescrite.

Parlons en justement de cette sacro sainte transition ; à commencer par celle faisant aujourd’hui les délices de nos voisins allemands. Disposer aussi opportunément d’un banc d’essai à échelle nationale doit d’autant plus réjouir Ségolène Royal que le retour d’expérience statistique, résumé dans les deux planches attachées (1), devrait être de nature à lui faire toucher du doigt « la chance » qu’elle promet à la France, conféré selon elle par le passage de 75 à 50 % de notre électricité nucléaire (2).

Songeons en effet à l’insigne privilège de voir éoliennes et panneaux solaires, constellant aussi esthétiquement son territoire, entrer pour tout juste 20 % de la production électrique du pays. Et apprécions toute la portée du privilège en observant que la puissance installée de ces éoliennes et de ces panneaux solaires équivaut à celle… de 68 réacteurs nucléaires, les mêmes qui, chez nous, ne se mettent qu’à 58 pour produire 75 % de l’électricité nationale !

Les mauvais esprits ne manqueront pas de pointer le caractère fossile des 80 % du restant de la production électrique allemande, couverts à 60 % par un « électro charbon » empoisonnant l’atmosphère de radicaux soufrés, et de souligner perfidement que le prix d’un KWh domestique toujours plus onéreux est déjà deux fois plus élevé outre Rhin qu’en France.

D’autres grincheux se gausseront de la rusticité d’un contrôle-commande et d’automatismes de régulation éolo solaires qualifiés de fantasques, qui plongeraient la conduite du système électrique national dans des phases d’exploitation de plus en plus périlleuses et ruineraient les équilibres marchands de l’espace continental. Sur ce dernier point, les pisse-froid iront même jusqu’à avancer que la prétendue dérive compromettrait gravement la planification du nécessaire renouvellement des parcs de production nationaux.

Rien que de très prévisible pourtant dans ce bilan bien réel et passablement brocardé de l’expérience allemande. C’est justement ce qui la rend effrayante et qui devrait amener les Français à ouvrir les yeux sur la genèse et sur le contenu d’une doxa environnementaliste imprégnant désormais la quasi totalité des consciences politiques. Qui ne voit, en effet, que c’est aux sectateurs médiaco partisans, responsables de cette imprégnation, que nous devons à notre pays de suivre servilement l’Allemagne sur un terrain énergétique aussi miné ?

L’urgence à rompre ce suivisme doctrinaire est d’autant plus grande que le chemin déjà parcouru par la France sur le délétère territoire des Bisounours électriciens a déjà coûté très cher au contribuable et au consommateur.

L’un et l’autre n’ignorent probablement pas, en effet, que le financement de cette gabegie idéologique s’impose sournoisement à leur budget par le biais d’une CSPE (Contribution au Service Public de l’Électricité) toujours plus chère. Mais mesurent-ils vraiment le potentiel durablement dévastateur de ce quasi impôt sur leur porte-monnaie et sur le dynamisme économique du pays ? Si besoin était, les chiffres ci-après devraient suffire à les dessiller :

Le montant de la CSPE est actuellement de 1,65 centime d’euro par KWh, alors qu’il n’était que de 0,45 centime d’euro par KWh en 2010, soit une multiplication par 3,7 en quatre ans ! En résumé, le prix moyen du KWh domestique étant de l’ordre de 14 centimes d’euros, ladite « contribution » qui n’en représentait que 3,5 % en 2010 en représente aujourd’hui 11,8 % !

Et encore, les pouvoirs publics estiment qu’une CSPE de 2,25 centimes d’euro par KWh serait nécessaire pour couvrir « toutes les charges de service public »… en comptant sans doute leur défaut de dédommagement de la ruineuse obligation d’achat des KWh renouvelables, faite à EDF par l’Etat.

Non seulement ce mécanisme confiscatoire ne rémunère aucun service présent ou à venir, mais il est forcément appelé à devenir de plus en plus confiscatoire pour la raison évidente suivante : les outils de production qui en bénéficient étant condamnés à demeurer aux marges de la concurrence marchande, l’État n’a d’autre choix qu’obliger EDF à acheter leurs KWh entre 2 et 6 fois le prix du marché, de même que subventionner massivement leur construction, s’il veut imposer leur présence dans le mix énergétique national. Notons au passage que, ce faisant, les principaux bénéficiaires des largesses écolo énergétiques de l’État sont les investisseurs en renouvelables, qui voient la rentabilité des capitaux engagés évoluer entre 10 et 50 %... voire plus ! (dernier rapport de la CRE)

L’incapacité marchande de l’éolien et du photovoltaïque industriels vient du fait que ce ne sont pas là des outils de production autonomes, c’est-à-dire ne nécessitant pas le secours des outils de production thermiques pour subvenir aux caprices du vent et du soleil et pour suppléer leur inaptitude technique à stabiliser le réseau électrique. Une étude récente (3) rend compte du caractère intrinsèque de cette incapacité technique et marchande, à travers l’établissement des coûts de productions des différents KWh électriques mentionnés ci-après : 55 €/MWh pour le nucléaire en prolongation d’exploitation, 192 €/MWh pour l’éolien terrestre, 295 €/MWh pour l’éolien marin et 375 €/MWh pour le photovoltaïque avec tracker (avec suiveur).

Quand on aura précisé que le coût complet des KWh éoliens et photovoltaïques devrait intégrer le coût des innombrables kilomètres de réseaux électriques, requis pour les raccorder au système, la disqualification technico économique de ces technologies sera définitivement prononcée.

Si l’enfumage de la récente commission « d’enquête » parlementaire sur les coûts du nucléaire ne change rien à cette implacable réalité, il traduit une insultante défiance pour les auteurs du rapport de l’OPECST sur l’avenir de la filière nucléaire française, publié le 15/12/2011 (4)

En méconnaissant depuis trop longtemps les exigences de la rationalité technico économique, la politique électro énergétique française a fini par placer notre base nucléaire en situation d’ultime rempart contre le black-out. Aussi, sanctuariser cette politique irresponsable par une loi condamnant d’emblée plusieurs réacteurs – ou stérilisant durablement leurs filières de remplacement et d’évolution, ce qui revient au même – constitue-t-il un crime délibéré contre les intérêts supérieurs de la Nation. Pareil flagrant déni de réalité, reposant sur tant d’incompétence, ne peut qu’appeler une mobilisation de salut public à contrecarrer ce nouveau projet de sabotage industriel, ourdi par ceux dont la mission est précisément d’en prémunir le pays.

En conséquence, ingénieurs, techniciens et sympathisants de tous âges exhortent les exploitants de Fessenheim ou de tout autre site à une désobéissance civile consistant, le moment venu, à retarder le plus possible la chute définitive des barres – l’arrêt des deux réacteurs – et à prohiber toute intervention sur les installations, visant à mettre irréversiblement hors service les fonctions d’exploitations essentielles ; à savoir :

- Faire durer la dernière charge de combustible livrée, en interdisant, dès sa mise en service, que la puissance d’exploitation du réacteur concerné dépasse quelque 20 à 25 % de la puissance nominale, quitte à générer des effluents supplémentaires, quitte, s’il le faut, à recourir à la procédure de prolongation de cycle (stretch out). Tout ceci, bien entendu, dans le respect absolu des impératifs de sûreté, prescrits par les spécifications techniques d’exploitation.

- Exercer une vigilance sans faille sur les installations menacées, afin qu’aucun saboteur habilité ne puisse y sévir à la faveur d’arrêt(s) fortuit(s) et muni de consignation(s) on ne peut plus légale(s), comme ce fut le cas pour Superphénix.

En attendant ainsi la réhabilitation du nucléaire civil français, sur laquelle ils misent en 2017, ces personnels ont besoin du soutien de leurs compatriotes, le plus manifeste et le plus massif possibles. Il convient donc de l’exprimer sous la forme d’un avertissement sans équivoque, adressé au législateur par une représentation citoyenne la plus diversifiée et la plus vaste, car il en va d’un niveau de vie et d’un confort matériel des Français, durablement compromis par ce projet de loi inconséquent et nébuleux.

(1) En P.J, « mix énerg allemand 1 » et « mix énerg allemand 2 »

(2) La ministre, le 1er octobre 2014 dans son propos liminaire devant le parlement.

(3) Cette étude à la disposition du lecteur s’appuie sur les travaux du Centre d’Analyse Stratégique, sur ceux de la Direction Générale de l’Énergie et du Climat, de la Cour des Comptes et de l’Union Française de l’Électricité.

(4) Rapport de la mission parlementaire sur la sécurité nucléaire et l’avenir de la filière nucléaire du 15 décembre 2011. Président de la mission : M. Claude Birraux, député Rapporteurs : M. Christian Bataille, député et M. Bruno Sido, sénateur.

 


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