Unis dans la séparation

par Nathan
mardi 15 avril 2008

Est-ce que Facebook, le plus grand réseau social au monde, reflète le nouveau monde social ou bien s’agit-il encore d’une évolution de l’ego condamné à décevoir et à éloigner davantage les gens ? Voici une analyse fondée sur la philosophie de la Kabbale.

Que n’a-t-on pas déjà dit sur Facebook, qu’il est le réseau social le plus populaire au monde, qu’il représente sur le papier environ quinze milliards de dollars, qu’y naviguent déjà des millions de personnes du monde entier, que la société Microsoft a déboursé 240 millions de dollars pour une part de 1,6 % du site, où déjà presque deux millions de Français y sont inscrits, et quoi d’autre encore ?...

Cependant derrière les chiffres, le succès et les mots pompeux une petite question pas facile émerge : pourquoi ?

Pourquoi préférons-nous gérer nos relations sociales via des messages, textos, annonces et jeux sur des sites plutôt que de sortir et se rencontrer dans le vrai monde ?

Facebook est sans aucun doute la chose la plus « in » sur la toile. Tout le monde y invite ses amis, joue sur de nouveaux programmes, télécharge ses photos, se filme, fait connaissance, et mille et une autres activités de toutes sortes incluant le « toast virtuel ». Nombreux sont les surfeurs qui confessent qu’ils sont accros.

Cependant, est-ce que Facebook répond aux véritables besoins sociaux ou bien est-ce encore une fuite en avant de la réalité vers un monde imaginaire dans lequel nous avons des dizaines, voire des centaines d’amis, un monde de jeux, un monde meilleur dans lequel mes photos sont retouchées et impeccables, un monde sans heurts sociaux (du moins, pour l’instant).

Ce sentiment de « ensemble » oppresse

Nous sommes des créatures humaines, et en tant que créature créée uniquement dans le but de recevoir, nous aimons flatter notre ego et montrer aux autres combien nous sommes beaux, intelligents, et avec beaucoup, beaucoup d’amis. Voir et être vu. Le réseau social nous offre une excellente scène pour le faire. D’une part, voir le monde et, d’autre part, paraître le mieux du monde. Etre un héros, avec de belles photos, avantageuses, séduisantes et très suggestives, mais qui cachent peut-être un véritable besoin. Un besoin qui dans la sagesse de la Kabbale appelle l’union.

La Kabbale parle beaucoup des relations entre les individus. Elle explique que, pour comprendre l’essence du lien entre nous, nous devons connaître la racine dudit lien. Selon les kabbalistes, nous étions tous autrefois unis en une seule âme collective, une sorte de grand corps composé d’un nombre interminable de cellules (âmes) qui ont entre elles un lien de réciprocité continu.

A un certain moment dans le processus de la création de la réalité telle que nous la connaissons aujourd’hui, l’âme générale se brisa en des milliers de fragments. Par cette brisure, nous avons perdu la sensation de lien de réciprocité entre nous. Cette séparation entre les fragments de l’âme collective, c’est-à-dire entre nous, a entre autres créé en nous une sensation de vide, et depuis nous cherchons des substituts à cette sensation de perfection vécue autrefois.

En fait, les systèmes sociaux que nous avons créés cherchent dans leurs racines, inconsciemment, le chemin pour revenir à l’ancien lien disparu. Ancien souvenir qui nous ramène à notre racine spirituelle.

L’acteur-clé dans la formation de la rupture entre les fragments de l’âme collective est l’ego qui s’est imposé au centre de la scène, et ces cent dernières années il n’a fait que s’amplifier. De nos jours, il a atteint de nouveaux sommets et, à côté du développement auquel il nous pousse et qui éveille un certain émerveillement, il semblerait également qu’il ouvre un grand vide dans nos cœurs et détruit jusqu’au fondement de tout lien humain et chaleureux qui existait en nous.

L’égoïsme nous fait ressentir que nous dépendons les uns des autres pour satisfaire nos besoins, nous pousse à manipuler autrui, nous en servir et, une fois chose faite et qu’il ne nous sert plus, cette personne disparaît tout simplement de notre vie.

C’est pourquoi il nous est pénible de supporter le fait que nous sommes unis malgré nous. Ce sentiment de « ensemble » est oppressant et, parfois même, écrasant. Cette sensation nous amène à chercher différents chemins pour nous y opposer et pour renoncer à cette union qui nous maintient ensemble et à laquelle, en fin de compte, nous devrons retourner.

Le type des liens qui se développent entre nous sont l’expression de cette situation compliquée. Si nous les observions sous cet angle nous pourrions découvrir qu’ils symbolisent ces deux situations sensibles opposées.

D’une part, nous voulons être avec tout le monde et, d’autre part, nous voulons rester protégés derrière un écran d’ordinateur ou un téléphone portable. Il s’avère, et cette compréhension commence à se généraliser, qu’internet ne relie pas vraiment les gens, mais leur permet d’être unis en se séparant les uns des autres.

C’est précisément cette sensation de séparation, s’amplifiant avec le temps, qui dévoile un autre besoin, un besoin d’union véritable. Une union qu’il n’est pas possible de faire avec des câbles ou dans une quelconque réalité virtuelle. La réponse à ce besoin est la mise à jour de notre réseau de liens en des liens plus profonds, intérieurs, une sorte de réseau qui se baserait sur la participation des pensées et désirs qui vagabondent naturellement entre nous.

Connecting people ?

Notre époque est à une période avancée dans le développement de l’humanité. A la fin du processus se tient le but de s’unir à nouveau en une seule âme. Aujourd’hui, nous sommes plus proches que par le passé de découvrir que l’essence du monde n’est pas la matière, mais la connaissance infinie qui dirige tout ce qui se passe dans notre entourage.

La Kabbale parle de l’union et dans une seule langue pour tous - un langage intérieur, basé sur le ressenti et la profonde compréhension de ce qui nous entoure.

Yéhouda Ashlag, éminent kabbaliste du début du XXe siècle, écrit dans un de ses articles que l’homme pourra véritablement aimer son prochain lorsqu’il vivra dans une société où les individus arrêteront d’agir pour satisfaire leurs besoins personnels et ne se soucieront que de veiller à ce que l’autre ne manque jamais de rien.

De la description de Yéhouda Ashlag, il découle que pour parvenir à de telles relations entre nous, il est nécessaire de réaliser un changement fondamental dans notre perception de la réalité. Au cœur de ce processus, se trouve un besoin de changer la nature égoïste avec laquelle nous sommes nés, en un attribut de don envers autrui. Ce faisant, nous mériterons de vivre une nouvelle réalité, spirituelle cette fois.

Nous ne pourrons renoncer à notre éternel souci de nous-mêmes que si les autres se soucient de nous, de la même façon dont nous nous préoccupons d’eux, comme dans une petite famille où chacun se soucie de l’autre. Ce système relationnel harmonieux est décrit en détail dans les écrits de Yéhouda Ashlag. Une fois que l’homme est libéré de son souci personnel, il s’élèvera pour ressentir une nouvelle dimension de la nature et de l’univers.

Pour le moment, nous continuons à être assis derrière l’écran, incognitos et libérés, libres de sentiments tout en nous efforçant de ne rien montrer en public et, pour cela, trouvant un refuge temporaire. La prochaine étape sera de faire tomber les masques et de s’unir vraiment, dans le cœur.


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