US usés, pixels rebelles

par lisca
mercredi 13 mai 2009

"Des hommes politiques de premier plan ont évoqué la possibilité de voir des Etats fédérés faire sécession, au Texas en particulier. Comme on le voit, la distance entre la réalité de la première puissance mondiale et l’image qu’elle projette à travers les médias grand public est devenue absolument stupéfiante." Michel Drac.

C’est en lisant cette réflexion que toutes les fleurs du futur se sont ouvertes à mes yeux éblouis. J’ai vu un papillon bleu. Il s’est posé sur la carte ci-contre. D’où vient-il ?

Du 15 avril 2009, date du recueil des taxes aux USA auprès des états fédéraux.

Chaque année au printemps, le gouvernement US réclame aux états assujettis la manne taxifère qui lui permettra d’alimenter ses corporations et ses fonctionnaires. C’est ce jour-là qu’un papillon s’est mis à voleter dans la tête sérieuse d’un gouverneur
vassalisé.
 

Rick Perry, gouverneur du Texas, vient de lancer à la mairie d’Austin une "tea-party anti-taxes mercredi de même qu’un discours musclé contre le gouvernement revendiquant les droits des états, tandis que les participants criaient : Sécession ! … Perry a dit que les fonctionnaires de Washington ont abandonné les principes fondateurs du gouvernement limité, qu’ils étranglent les Américains aves leurs taxes, leur dépense et leurs dettes, que l’économie du Texas est en forme, si on la compare à celle d’autres états victimes de la prédation fédérale. De nombeux assistants portaient des pancartes tournant en dérision Obama et son renflouement aux corporations de 786 milliards de dollars."

Le Texas, grand comme la France, trois fois moins d’habitants, agricole et pétrolier se porte plutôt bien économiquement, malgré un taux d’obésité très élevé. Il est le seul état qui ait fonctionné un temps comme un pays indépendant. Et voilà qu’il en remet une couche.

Visualisons sans tarder l’image stupéfiante de cette Amérique qui se pixellise.

On l’a constaté : les Etats-Unis sont peuplés grosso modo de deux populations antagonistes du point de vue des valeurs, et qui, souvent, se distinguent aussi physiquement. L’une vote démocrate, l’autre républicain. La population R est plus enracinée, la population D plus cosmopolite. En 1988, au moment de l’élection de Reagan, la population R était majoritaire dans presque tous les états.

En 2008, on constate que la population D, au fur et à mesure des migrations et des bouleversements socio-culturels, a pris de l’importance : on la trouve principalement sur les côtes est et ouest et dans les états du nord, dont les industries anciennes ont été au fil des décennies délocalisées ou gravement plombées.

Si on en juge par les préférences électorales, le coeur de la fédération demeure fondamentalement républicain, ainsi que nombre d’états frontaliers du sud, confrontés aux tensions migratoires. L’influence des grands médias, du plaisir goulu de consommer et d’un pouvoir mondial encore très conséquent relativisent la rebellitude de ces régions : les masses sont souvent bien peu conscientes, et encore moins désireuses de le devenir. Mais procédons par grands traits et ne retenons des populations R et D que leurs éléments moteurs et l’énergie que ceux-ci dégagent. Benjamin Franklin l’a dit : " La rébellion envers les tyrans c’est l’obéissance à Dieu. " Or Dieu ne s’adresse qu’aux élites et en 2009, le Rebelle s’écrie avec Musset :
" Dieu parle, il faut qu’on lui réponde !"

Le Rebelle veut divorcer de son gros état fédéral pompeur et censeur, et même parfois pompier pyromane. Son gouvernement n’est-il pas en train de concocter à l’américaine une espèce de monstre hadopi, là, pendant que mai s’y met ?

Sécession, la seule réponse.

Est-ce bien légitime ? Oui ! répond Clifford F. Thies qui décrit dans le Mises Daily les trois raisons pour l’état rebelle de reprendre son tablier :
"1. le droit inaliénable à la sécession
2. la loi internationale de la sécession
3. la loi états-unienne de sécession.
Ces trois options autorisent toutes la sécession qu’un peuple a, plus que le droit, le DEVOIR de concrétiser quand sa liberté ou sa vie sont menacées par les comportements populicidaires de son gouvernement."

Thies analyse ces trois niveaux et a contrario l’hydre bipartite américaine où la moitié de la population US, dans tous ses états au propre comme au figuré, subit le joug de l’autre moitié. Il signale que les Etats- Unis, comme leur nom l’indique, sont constitutionnellement et historiquement une association d’états souverains politiquement comparable à la Suisse et non un état centralisé, de type jacobin. Il en ressort que "nous sommes face à une situation d’aliénation d’une moitié identifiable de la population par l’autre, dans un lieu identifié. Les conditions pour faire sécession sont réunies."

Et alors, le papillon bleu, quel rapport ? Le voilà. Si on superpose la carte électorale 2008 à celle des demandes d’indépendance des états par rapport au gouvernement fédéral, on y arrive. Voyez-le posé sur le gros état fédéral comme pour nous dire : je m’en occupe.

Les états sécessionnistes ou presque sont les suivants. Républicains : Alabama, Idaho, Nevada, Alaska, Arkansas, Kansas, Oklahoma, Missouri , Montana, Texas, Georgia. Démocrates : Illinois, + Hawaii, Colorado, Pennsylvania, Indiana, Maine, Washington, California, Arizona, Michigan, New Hampshire

Partons de l’idée que l’opposition à l’état fédéral a plus de chance de provenir des états qui ont voté "républicain" puisqu’un démocrate occupe depuis janvier 2009 le fauteuil présidentiel. Notre papillon pourrait représenter la géographie des opposants, non pas au gouvernement, ce dernier n’étant que l’expression en alternance républicain/démocrate du même complexe militaro-industriel, mais à son système actuel de valeurs.

Il se trouve que c’est la population D qui a actuellement son "représentant" socio-culturel au pouvoir. Elle ne peut espérer gouverner puisqu’on ne lui demande en fait jamais son avis, mais seulement imposer à l’autre population, via son élu, et par des mesures coercitives, un style de vie, un poids fiscal au profit de l’adversaire, une volonté de changer l’homme sans son accord, y compris physiquement, tout comme un épi OGM. 
On comprend qu’il y ait de la réaction du côté R.

L’augmentation des taxes est telle qu’elle devient une raison suffisante à elle seule pour faire sécession. Mais il y a des raisons encore meilleures car parfaitement légitimes : la restriction des libertés fondamentales, telles que la liberté de parole, la suppression de la presse qu’elle soit virtuelle ou de papier, la confiscation des armes, l’aliénation des enfants de leurs parents et leur formatage scolaire, idéologique et social, l’impôt du sang (plus de 4 000 américains tués, 12 000 blessés avec séquelles dans les guerres du pétrole).
Oui il y a beaucoup trop de raisons de casser le vivre-ensemble des états plus très unis.

Alors, révolutionnaires les républicains, et conservateurs les démocrates ? Certes non. Cinq états républicains et cinq états démocrates ont entrepris des démarches en vue de la sécession. Six états républicains et six états démocrates songent actuellement à les entreprendre. Sur la carte ci-dessus, pour les démocrates : sont représentés en rouge ceux qui ont entrepris ces démarches, en mauve ceux qui y songent. Seuls les états colorés en jaune sont à la fois, et de longue date, démocrates et contents : ils ne parlent jamais de faire sécession, le système, qu’il se traduise pour eux en retombées positives économiques ou en bénéfice psychologique, semble leur convenir. Ils abritent une population généralement cosmopolite, urbanisée, avec une forte proportion de catégories privilégiées et d’étudiants d’université sur la côte atlantique, et ouvrière ou sans emploi au nord. Ils se trouvent, à l’exception du Nouveau Mexique, sur la partie est et nord des Etats-Unis.

Voilà pourquoi nous abandonnerons les qualificatifs, dépourvus de clarté ou même de sens, de "républicaines" et "démocrates" pour qualifier les populations, et que nous leur préférerons R comme "révolutionnaires" et D comme "dominants". Sur la carte, le papillon s’étendra en tache jusqu’à couper les USA en deux parties distinctes. Il n’est que le début d’un mouvement inéluctable. Souvenez-vous, un frémissement de son aile provoque un cyclone à l’autre bout du monde.

On l’a vu, les 9e et 10e amendements de la constitution a méricaine garantissent aux états et au peuple tous les pouvoirs qui ne sont pas explicitement accordés par le gouvernement fédéral.
"Quand il deviendra clair qu’une majorité des états, parmi les plus productifs ont fait sécession, poursuit Clifford Thies, les autres états voudront reconsidérer leur statut : auront-ils le désir de renflouer les corporations, (...) les états en banqueroute du New Jersey et de la Californie, entre autres, quand le fardeau leur tombera dessus encore plus durement ?"

Observons la superposition bleue/mauve/rouge des volontés d’indépendance et des votes. Un état comme celui du Colorado, démocrate mais indépendant proclamé, ne peut à terme que suivre ses voisins dans la sécession. Le Nouveau Mexique resté loyal au gouvernement fédéral se verrait entouré d’états sécessionnistes, et dans sa position risquerait de devenir l’objet de proches convoitises, suivies de l’annexion guerrière au Mexique ou au Texas. Pourquoi dans ces conditions s’accrocher au gouvernement fédéral ?
Selon le Mises Daily, l’Alaska, la Floride et le Texas, parmi tous les autres, ont tout intérêt à faire sécession : ils en seront bien plus riches.

Développons un scénario pixel :
2022.
Tout l’ouest, grande partie du sud, et le centre des USA, constitués, à part le Nouveau Mexique, d’états démocrates et indépendantistes ou républicains, ne forment plus qu’un bloc d’états indépendants, le bloc R des confédérés, tandis que l’est et le nord continuent l’état fédéral, non plus depuis longtemps une Union de territoires autonomes, mais bien un seul pays pourvu d’une direction oligarchique plus qu’autoritaire, héritière de l’actuelle. C’est le bloc D des fédéralistes. Plus réduit, il bénéficie des restes d’une armée qui s’est dispersée puis recentrée, de réserves financières, ainsi que d’une côte lui permettant la continuation du commerce transatlantique.
L’Alaska a préféré à la guerre d’annexion une politique de bons échanges avec la Russie. C’est l’intermédiaire obligé entre les états confédérés et Moscou.

Ceux du bloc R ont abandonné aux états atlantiques la quasi totalité des relations avec l’Europe de l’ouest. Peu à peu cependant, il devient impératif pour les Européens de renouer les relations sectionnées avec les états confédérés, car les fédérés du bloc D continuent leur politique d’ingérence et d’humanitarisme gênant, pour ne pas dire pesant. Ils veulent être partout où on ne les attend pas. Il faut secouer ces habitudes, s’imaginent l’une après l’autre les nations européennes qui sortent d’épreuves sur lesquelles nous ne nous étendrons pas.

Les états confédérés de la côte pacifique se tournent vers l’Asie, les états agricoles du centre sur eux-mêmes. La meilleure façon de cultiver sans OGM ni éthanol, de récupérer les terres empoisonnées, les occupe infiniment. Ceux du sud, menés par le Texas gardent la frontière en permanence. La Floride a le choix soit de se détacher de l’état fédéral, de s’associer aux états voisins et de se tourner vers les Caraïbes, l’Amérique latine ou même l’Afrique, soit de rester quelque peu enclavée, pilier sud fortement hispanisé du gouvernement fédéral.

Pendant que les autres états retrouvent leurs racines et mentalités européennes, ceux du bloc D évoluent vers l’orientalisation voire l’afro-américanisation des mentalités. D’importants transferts de population s’exécutent volontairement d’un bloc vers l’autre, en fonction des affinités et schéma mentaux des individus.

Amaigris, les Etats-Unis se recréent peu à peu au sein du bloc R, plus homogènes, enfin libres.
Un bémol à cette félicité sans partage : après quelques années de coexistence difficile, la guerre éclate entre les deux blocs. Ceux du bloc D veulent retrouver ceux du bloc R et vivre ensemble comme avant. Les R sont si bien développés maintenant, en paix avec le monde. Et la liste de clients qu’ils ont ! On n’aurait pas dû divorcer, se disent les fédéraux D (goûtés). Ce n’est pas l’avis des R.

On ne connaît pas la suite.


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