Vaccins H1N1, les raisons d’un immense gāchis
par Bernard Dugué
lundi 4 janvier 2010
On s’y attendait, la France se retrouve avec quelques 80 à 85 millions de doses de vaccins dont elle ne sait que faire. C’est la période des soldes mais pas question de vendre à prix cassé le vaccin au Qatar, à l’Egypte, et en négociation avec l’Ukraine. De quoi récupérer quelques dizaines de millions d’euros. Des lots ont été offerts à l’OMS pour les pays pauvres. Mais au bout du compte, l’addition sera lourde. La France aura gaspillé quelques centaines de millions d’euros dans cette affaire. Il y a deux mois, les Socialistes ont réclamé une commission d’enquête parlementaire pour les sondages de l’Elysée dont le coût se situe autour de deux ou trois petits millions d’euros, une paille ; alors on peut légitimement penser que le ministère de la santé risque de se voir sous le crible d’une commission d’enquête parlementaire. Pour l’instant, Jean-Marie Le Guen, député PS, est le premier à réagir, ne réclamant pour l’instant qu’une mission parlementaire pour faire le bilan de ce qu’il nomme un échec du gouvernement. Tandis que le professeur Gentilini n’y va pas par quatre chemins, dénonçant la stratégie critiquable et dispendieuse du gouvernement, plus précisément un emballement lié à une stratégie du pire qui n’est pas forcément la meilleure, stratégie dénoncée du reste dès le mois de juillet 2009. Gentilini dénonce par ailleurs l’usage du Tamiflu en affirmant que la mortalité liée à la grippe actuelle est inférieure à celle de la grippe saisonnière.
Fallait-il, ne fallait-il pas acheter 96 millions de doses ? Telle est la question. La réponse est non mais les autorités feront valoir qu’au moment du début de la pandémie, la menace et l’incertitude justifiaient cet achat massif de vaccins. Pourtant, il n’y avait pas matière à s’affoler et le gouvernement a manifestement agi de manière intempestive et fébrile, à l’instar de ces gens qui à l’annonce d’un blocage de dépôt de carburant, se précipitent dans les stations services ou bien font des stocks de marchandise au supermarché quand un risque de pénurie se dessine dans les médias. Visiblement, les responsables de la santé ont eu peur de manquer de vaccins et ont signé un contrat démesuré sans prendre la mesure des besoins réels. On ne nous fera pas avaler que c’est la faute de l’OMS qui avait initialement préconisé deux vaccinations par personne. Admettons qu’une seule dose ait été jugée nécessaire en juillet. La France se serait retrouvée quand même avec 40 millions de vaccins à revendre.
Et donc, erreur ou pas de la part des autorités ? La version officielle argue que si le gouvernement n’avait pas agi ainsi, en cas de problème sanitaire effectif, l’opinion se serait plainte, comme elle le fit à l’occasion de la canicule. Mais en 2003, cette canicule était un phénomène avéré, pas comme cette hypothétique pandémie dévastatrice de 2009. De plus, les problèmes occasionnés par cette canicule ont été largement amplifiés par les médias qui ont joué sur les fibres émotionnelles des foules sentimentales. Ces mêmes médias ont servi la cause de la menace pandémique, n’hésitant pas à jouer sur le spectaculaire et l’émotionnel, interférant avec la raison scientifique et participant à leur corps défendant à cette propagande de bas étiage. On savait fin juillet que cette pandémie grippale était d’une gravité très mesurée. Il y a eu erreur et gaspillage. Sans doute incompétence, sans préjuger d’éventuels conflits d’intérêt. De quoi diligenter une enquête parlementaire et une analyse philosophique sur notre société devenue malade à force d’obsessions à combattre les microbes et toutes les menaces amplifiées par les médias de la peur et les experts en mal d’activisme et d’agitation bureaucratique. La machine sanitaire marche sur la tête. Elle opte pour des solutions avant de mesurer le problème. L’époque est devenue crépusculaire. Tout a été dit dans un livre (censuré par la plupart des médias) qui n’hésite pas à placer ce petit détail. A la date du 17 juillet 2009 on pouvait savoir que cette pandémie n’aurait pas le caractère dévastateur qu’on lui prédisait, en analysant le bulletin de l’InVS concernant l’hémisphère Nord. Les autorités françaises ont donc fait des erreurs flagrantes. Pour quelles raisons ? Hormis d’éventuels conflits d’intérêt, les raisons véritables sont que la société française est malade de ses élites, de ses peurs, de son esprit et de ses médias. Que la névrose du principe de précaution a engendré une hypertrophie dans la réactivité face à ce virus relativement bénin et moins grave qu’une grippe saisonnière. Que l’esprit de peur et de lynchage a joué dans le sens d’une hyperréaction des autorités qui ont voulu se prémunir contre une bronca médiatique de masse en cas d’un éventuel impair, à l’instar de ces esprits animaux propices aux affaires et décrits par Keynes. L’ère de la colère n’est pas propice aux décisions sereines. Ces vaccins, en fait, ils ont été commandés pour faire face à la pandémie de la peur et de la colère !