Validation par le Conseil d’Etat de l’arrêt des soins d’une jeune fille : une limite à l’autorité parentale ?

par JosephActu
lundi 15 janvier 2018

La juridiction administrative suprême a refusé, vendredi 5 janvier 2018, d’accéder à la requête des parents de la petite Inès, 14 ans, qui demandaient le maintien de leur fille dans l’état végétatif dans lequel elle se trouve, depuis juin, après avoir été victime d’une crise cardiaque. La juridiction valide ainsi la décision du tribunal administratif de Nancy qui avait, près d’un mois plus tôt, conforté les médecins dans leur possibilité de mettre fin aux soins de l’adolescente.

L’autorité parentale peut être vue juridiquement comme « l’ensemble des droits et des obligations » que détiennent les parents pour pouvoir agir dans « l’intérêt » de ce dernier. Dans ce champ s’inscrivent aussi bien l’éducation que la santé, notamment.

Mais voilà qu’une jurisprudence administrative vient bousculer ce quasi-monopole parental. Si celui-ci avait déjà été bousculé par le vote en 2016 d’une loi interdisant « les violences corporelles » sur enfant, certes censurée, il n’en demeure pas moins qu’il vient de subir un échec cuisant avec la possibilité pour les médecins, réunis en formation collégiale, de décider de la fin des soins dont bénéficie un enfant plongé dans un état végétatif depuis plusieurs mois. Au détriment de la volonté des parents qui était la poursuite des soins.

Dans son argumentation, le Conseil d’Etat affirme que le maintien de l’enfant dans cet état relève d’ « une obstination déraisonnable » contraire à la loi sur la fin de vie car les soins « apparaissent » en l’espèce « inutiles, disproportionnés » ou apparaissent comme n’ayant « d’autre effet que le seul maintien artificiel de la vie ». Ainsi, la plus haute juridiction de l’ordre judiciaire ne remet pas en cause le principe selon lequel il appartient aux parents de l’enfant mineur de décider de la suite à donner en matière de santé vis-à-vis de ce dernier, mais fixe une exception lorsque la volonté des parents en la matière prend la tournure d’une « obstination déraisonnable ». Le juge précise ensuite les critères de cette expression en prenant pour base légale la loi sur la fin de vie. Cependant, l’inutilité et la disproportion de ces soins, prévues notamment par la loi, ne peuvent être vus comme étant précis. En effet, on peut se demander à quel moment les soins deviennent inutiles ou disproportionnés.

Devant la juridiction, les parents ont tenté de faire valoir le fait qu’il s’agit des soins apportés à leur fille et qu’ils doivent pouvoir seuls décider de la gestion de sa situation. Car ils sont habilités en tant que détenteurs de l’autorité parentale à agir dans ce qu’ils estiment être l’intérêt de leur enfant et pensent que le Conseil d’Etat s’est approprié ce pouvoir d’action que les parents croyaient détenir de façon absolue, ce qui serait illégitime. En fin de compte, cet absolutisme a été balayé par la justice qui met en avant le critère de raison et qui met en place une échelle : au-delà d’un certain niveau, on peut affirmer que l’on a dépassé les limites de la raison et qu’on est entré dans le « déraisonnable » et que, à partir de là, l’absolutisme parental cesse pour donner tous les pouvoirs, conférés par le Conseil d’Etat, aux médecins qui deviennent seuls capables de prendre une décision sanitaire concernant l’enfant mineur.

Quoi qu’il en soit, cette affaire n’est pas encore close puisque les parents ont prévu d’intenter un ultime recours devant la Cour européenne des droits de l’Homme.

En 2017, dans le cadre de l’affaire « Vincent Lambert », la plus haute juridiction administrative avait également pris la décision de mettre fin aux soins de l’homme en question qui se trouvait en état végétatif, mais s’était montré plus prudent en prenant notamment comme critère « la volonté exprimée par M. Lambert » avant de décider que le médecin en charge de patient pouvait mettre fin à ses soins. Ainsi, dans la décision rendue dans le cadre de l’affaire de la petite Inès, il n’est plus question d’une quelconque volonté préalable du patient qui pourra voir ses soins interrompus au bout d’un certain temps s’il n’a pas exprimé de volonté. Le pouvoir du médecin se trouve ainsi accru.


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