Quelques vérités sur le nucléaire : de quoi faut-il avoir peur ?

par Alright
jeudi 5 novembre 2009

Le nucléaire est une religion. Non pas pour ceux qui le défendent, mais pour ceux qui le dénigrent. En effet, ceux qui le défendent le font toujours sur la base d’arguments cartésiens, scientifiques, raisonnés et on est donc à l’opposé d’une religion. Alors que ses détracteurs en ont une peur bleue irraisonnée, incontrôlable, quasi mystique. Quiconque a essayé de discuter avec une personne farouchement opposée au nucléaire se rend très vite compte que les arguments, aussi étayés soient-ils, ne valent rien ; on est face à un mur, le détracteur détient la vérité, c’est tout, et défend sa position avec des lieux communs, des assertions entendues mille fois : les déchets, la Bombe… Parfois, il n’a même rien à dire du tout : récemment, ma banquière m’a demandé le secteur d’activité dans lequel je travaillais et lorsque j’ai répondu « le nucléaire », elle a frissonné et dit :« ouh là là, ça me fait peur ! » Que voulez-vous répondre ?

Cela dit, mon métier veut je sois bien placé pour parler du sujet. Et je ne travaille pas "juste dans le secteur d’activité", je suis au cœur même de ce secteur puisque je travaille sur le combustible d’uranium lui-même et me déplace régulièrement pour des interventions en centrale.

Je n’écris pas cet article pour tenter de retourner les anti-nucléaires, car je sais que c’est impossible. J’écris cet article face à la déferlante de contre-vérités et l’acharnement systématique des médias sur ce sujet depuis quelques années. Car autant on a parfaitement le droit d’être contre le nucléaire, autant pour pouvoir faire son choix il faut pouvoir faire la part des choses entre les vérités et mensonges qui gravitent autour du sujet.


Radioactivité : de quoi faut-il avoir peur ?

Commençons par le commencement. Car pratiquement tout le monde ignore en fait ce qu’est la radioactivité, et c’est de l’ignorance que vient la peur. Je ne vais pas entrer dans le détail technique, le but n’étant pas de faire un cours de physique. Mais très simplement, la radioactivité provient de la transformation (spontanée ou provoquée) de certains atomes (ces éléments qui constituent la matière). La radioactivité englobe alors deux choses dangereuses pour l’homme : l’émission de particules (alpha : un atome d’hélium ou beta : un électron) et l’émission de rayonnements (dits gamma). Ces particules ou ces rayonnements peuvent être dangereux pour deux raisons : à fortes doses, ils détruisent les cellules des êtres vivants. A faible dose, ils peuvent détruire des brins d’ADN ce qui est susceptible de provoquer des mutations (autrement dit des cancers) du fait de la régénération cellulaire.

Dit comme cela, ça a l’air terrible. Cependant, il convient de faire la part des choses. Concernant les particules, un rien les arrête : les alpha sont arrêtés par la peau, quant aux beta, un simple vêtement suffit. Le vrai problème, ce sont les rayonnements. Et là, les gens terrorisés par les radiations me font vraiment rire… lorsque je les vois coller leur téléphone portable contre leur tempe ! Car les radiations ne sont rien d’autre que des ondes électromagnétiques, le même type d’ondes qu’émet actuellement votre téléphone portable, le même type d’onde qui sort de votre box Internet wifi, posée à côté de vous. Evidemment, les rayonnements gamma sont de plus forte intensité que le rayonnement de votre portable. Cependant, la puissance d’une onde décroit au carré avec la distance. Et inutile de vous rappeler que votre portable, vous le collez directement contre le cerveau.

Personnellement, je bosse au cœur du nucléaire, j’ai déjà touché des pastilles d’uranium, mais ce qui me fait peur, c’est mon téléphone portable (qui est toujours coupé et dont je ne me sers qu’en cas d’extrême nécessité, et encore, avec une oreillette), et ma box wifi (j’ai désactivé le wifi et mes ordinateurs sont raccordés par le bon vieux câble Ethernet).

Un autre exemple de cette incohérence de la peur des rayonnements ? Je m’adresse à tous ceux qui vont bronzer sur la plage en été (ou pire, dans des cabines UV). Lorsque vous faites ça, ce n’est ni plus ni moins qu’une irradiation par le rayonnement ultraviolet que vous subissez !

Donc oui, on a parfaitement raison d’avoir peur des rayonnements (d’ailleurs, les politiques et industriels préfèrent parler "d’ondes" quand ils le peuvent, ça fait moins peur). Mais les rayonnements potentiellement issus d’un problème de sûreté nucléaire devraient être le dernier des soucis de toute personne normalement informée.

Toujours pour mettre en perspective le problème, sachez également que les particules issues de la combustion des moteurs diesel sont extrêmement cancérogènes, à tel point que dans de nombreuses grandes villes de pays étrangers (Tokyo par exemple), les moteurs diesel sont interdits par la loi ! En France, le risque de cancers lié à la radioactivité ne touche que les travailleurs du nucléaire et de plus, il n’y a qu’une hausse d’environ 5 % du taux de cancers chez les personnes ayant travaillé toute leur vie dans une centrale nucléaire. Les particules diesel touchent tout le monde sans distinction et quid de l’augmentation du taux de cancer associé ? Le fait est que de nos jours, tout le monde finit sa vie avec son petit cancer…


Une centrale ne peut pas exploser !

Les gens ont peur du nucléaire car ils l’associent immédiatement à la Bombe. Et les médias sont les premiers à le faire. Une centrale serait alors une bombe atomique en puissance et s’il y a le moindre problème, on verrait s’élever le tristement célèbre champignon…

Voilà encore une idée fausse de bout en bout. Et je ne vais pas prétendre que c’est grâce aux systèmes de sécurité ou aux enceintes de protection qu’une centrale ne peut pas exploser. Non, ceux qui font ça ne savent rien du problème ; en vérité, c’est bien plus simple que ça. Une centrale ne peut pas exploser car l’uranium qui s’y trouve n’est pas assez concentré.

Pour faire une bombe, il faut de l’uranium concentré à environ 95 %. L’uranium des centrales électriques est à un taux de 4 % ! Donc même dans le plus terrible des scénarios, vous ne pourrez jamais voir de champignon atomique éclore au-dessus d’une centrale nucléaire. C’est physiquement impossible. Pour info, l’explosion de Tchernobyl n’était qu’une explosion de surpression de vapeur.

Le pire accident qu’il puisse y avoir, c’est une fusion du cœur, ce qui s’est produit à Tchernobyl, mais également à Three Mile Islands aux US (sauf que dans ce cas, la conception du réacteur et de l’enceinte a permis de contenir tous les éléments radioactifs).

Le secteur le plus surveillé au monde

"Ces sont des apprentis sorciers" est un commentaire récurrent dans la bouche des détracteurs du nucléaire. Cependant, cette technologie est déjà vieille de 60 ans et on compte actuellement environ 450 réacteurs commerciaux dans 30 pays. Tout ça pour combien d’incidents ? Combien de morts dus au nucléaire ? Le terme "d’apprentis sorcier" conviendrait plutôt aux OGM, aux nano technologies, ou même aux téléphones portables où on prend une génération complète comme cobaye.

Le nucléaire est le secteur le plus contrôlé qui soit, avec des Autorités de Sûreté (AS) indépendantes et présentes dans chaque pays où il est fait usage de cette technologie. Même aux Emirats Arabes Unis, alors que ce pays souhaite lancer la construction de 6 réacteurs, les plus grands pontes dans le domaine de la sureté nucléaire ont été débauchés pour constituer l’autorité de sûreté de ce pays. Et ces autorités sont réellement indépendantes : on a pu le constater encore très récemment sur l’EPR puisque les AS ont demandé une reconception du contrôle commande. Et à ce moment, alors que tout le monde devrait se réjouir de voir que l’industrie nucléaire est sérieuse, responsable et contrôlée, on assiste à une levée de bouclier où les journalistes et les associations crient au n’importe quoi.

D’autres industries, comme la pétrochimie sont bien moins surveillées mais pourtant potentiellement bien plus dangereuses pour la population. Je connais des personnes intervenant sur sites pétrochimiques et des incidents comme AZF ne sont rien comparés à ce qui pourrait se produire sur certains sites, dont beaucoup sont en plus situés proches de zones très urbanisées.

 


Retour sur les récents "incidents"

Depuis un peu plus d’un an, pour d’obscures raisons, les journalistes se sont mis à mettre en une le moindre incident dans le secteur du nucléaire, en déformant les faits et en montant en épingle des évènements qui sont en réalité complètement bénins. Retour en arrière et vérité sur deux incidents caractéristiques de cette désinformation en puissance.

 

ATPu Cadarache :

Le 15 octobre dernier, il est annoncé par tous les médias qu’à Cadarache, dans l’ATPu, 30 kg de plutonium avaient été perdus et ont échappé à toute comptabilité. On parle de manquement très grave, d’une quantité de plutonium permettant de fabriquer 5 bombes atomiques… Mais il s’agit d’une incroyable déformation de la réalité. La vérité est la suivante : à l’ATPu, on fabriquait le combustible MOX. Cette installation était à l’arrêt depuis 2003 et en cours de démantèlement. Pour fabriquer le combustible MOX, tout le travail se fait dans des "boîtes à gant" parfaitement scellées et hermétiques pour éviter que le personnel inhale des poussières radioactives. L’installation avait donc fonctionné pendant 39 ans, au cours desquels des poussières de plutonium se sont accumulées dans la multitude de boîtes à gants. Lors du démantèlement, une estimation de la quantité de ces poussières résiduelles avait été faite, faisant état de 8 kg. Il s’est avéré qu’en démontant l’installation, il y avait en fait probablement plutôt une quarantaine de kg de poussière accumulées dans les recoins inaccessibles. La façon de présenter les faits tels que l’ont fait les médias et les associations écologistes est tout simplement scandaleuse.

 

Socatri :

Voici un autre exemple de désinformation sur un incident dont on a beaucoup parlé, dans une installation de la Socatri : en juillet 2008, d’après les médias, 360 kg d’uranium se sont déversés dans l’environnement du site nucléaire du Tricastin. 360 kg d’uranium, c’est énorme. Sauf qu’ici, il s’agissait en fait d’uranium naturel, par définition non activé et très peu radioactif. Mais ça, personne n’a pris soin de le mentionner.

Et beaucoup d’autres :

Sinon, un florilège d’évènements complètement mineurs, n’ayant souvent rien à voir avec un danger nucléaire, font régulièrement la une des journaux. Exemple récent datant du 15-05-2009 : "Le site nucléaire du Tricastin est de nouveau pointé du doigt. Un accident s’est produit mercredi dans le bâtiment du réacteur de la tranche une. (…) Deux gueuses, pièces métalliques utilisées pour des tests de fonctionnement sur le pont de manutention, sont tombées d’une hauteur d’environ 15 mètres sans faire de blessés." Effectivement ce n’est pas bien de faire tomber des charges sur un chantier. Mais qu’on me trouve un autre secteur d’activité où une simple chute de hauteur, qui ne fait la moindre victime en plus, se retrouve en une d’un grand quotidien !!!

Soit les journalistes n’ont pas la moindre notion scientifique (ni même des métiers de l’industrie en général) et ne prennent même pas la peine de comprendre les tenants et les aboutissant du problème, soit les journalistes sont simplement des activistes. Je ne sais pas ce qui est le plus grave, mais une chose est sûre : dans les deux cas, ce ne sont pas des journalistes.


Bilan :

Dans les débuts du nucléaire, il y a certes eu une période où on a fait n’importe quoi, où on a joué aux "apprentis sorciers". Mais cette période est définitivement révolue. L’industrie nucléaire est dangereuse, c’est un fait, mais elle l’est exclusivement pour les travailleurs du nucléaire, qui sont eux extrêmement surveillés. Quant au citoyen lambda, il ne subira jamais le moindre impact réel lié à l’industrie nucléaire ; il faut en être conscient.

En comparaison, d’autres activités ont un impact quotidien potentiellement très grave et dont les conséquences sont parfaitement similaires à celles des radiations : ondes électromagnétiques, particules d’hydrocarbures pour ne citer qu’eux. Tournons donc notre regard vers les réels dangers modernes plutôt que de garder nos vieux croquemitaines.

Je l’accorde, il reste le problème des déchets. Mais est-ce vraiment un problème ? On ne peut pas dire que "ça pollue", la radioactivité étant à la base naturelle et inhérente à toute matière... La radioactivité est dangereuse pour l’homme, pas pour la nature ; pour nous protéger, il suffit d’isoler les déchets dans un coin, sachant qu’en plus ça ne représente pas des quantités gigantesques…

De plus, il va sans dire que le nucléaire est actuellement la seule solution concrète permettant de lutter contre le réchauffement climatique. Il ne sera jamais possible de produire autant d’électricité avec l’éolien ; l’hydroélectrique est déjà exploité au maximum ; le solaire n’est pas encore au point en terme de coûts/rendement et surtout n’est pas encore capable de produire en masse. Etre écologistes anti-nucléaire me semble un non-sens. La seule alternative viable existe du côté de la fusion, mais ce ne sera pas avant 50 ans au moins, et de plus, cette technologie a déjà ses détracteurs !

Donc la fin du nucléaire n’est pas pour bientôt : près de 300 projets de constructions de nouvelles centrales sont actuellement à l’étude. Il y a des arguments pour ; il y a des arguments contre aussi, je ne le nie pas. Mais la seule chose qui m’insupporte, ce sont toutes ces contre-vérités permanentes assénées par les médias et répétées par beaucoup.


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