Vers un fascisme rose ?

par Jacques-Robert SIMON
lundi 2 mars 2020

 Une centaine de manifestant·es a décidé qui doit avoir une récompense et qui n’y a pas droit lors d’une cérémonie dédiée au cinéma. Est-ce un épiphénomène ou un comportement de ce type correspond-il à une vague de fond ? Et laquelle ?

 Il est difficile d’imaginer qu’une quelquefois toute jeune femme emplie par sa beauté puisse offrir son corps et ses soins à un monstre sur le déclin de l’âge, bedonnant, amolli par les ans, éructant du haut de sa puissance des commandement dérisoires. Cette chose arrive cependant et Cora Pearl qui ne détestait pas les plaisirs charnel voulait avant tout s’enrichir grâce au duc de Rivoli, Victor Masséna, duc de Morny, le Prince Napoléon… La quête d’un statut social prestigieux à l’aide d’avantages naturels mais éphèmères relève du tout-venant.

 La puissance conférée par un statut social élevé est indubitablement un élément de ‘séduction’ et ce n’est pas la compagne de l’homme le plus puissant du monde qui peut dire le contraire. La séduction est bien une tentative d’emprise sur ‘l’autre’ et n’a rien d’illicite si elle est partagée, sinon les dérapages vers le harcèlement et les agressions surviennent inévitablement. Le viol, tout comme les autres types d’agressions sexuelles, sont punis par la loi. En 2015 on comptait environ 75.000 viols et 200.000 tentatives de viols en France. Ce crime représentait de l’ordre de 50% des condamnations en Cour d’assises. L’agresseur est passible de 15 à 20 ans de prison, peine nettement plus clèmente que celle recommandée par le code Hammurabi (1750 av. J.-C.) qui préconisait la mise à mort. La répression, quoique utile, n’arrive pas à extirper l’alliance domination-rapports sexuels.

 Une méthode semble-t-il beaucoup plus efficace est actuellement utilisée pour policer quelque peu les rapports homme-femme. Le mouvement #MeToo cible des personnalités connues des médias et du grand public et offre à leurs victimes une tribune afin qu’elles puissent dénoncer les abus dont elles ont été victimes. En octobre 2017, des enquêtes accusant Harvey Weinstein d'agressions sexuelles sont publiées. Harvey Weinstein est alors âgé de 65 ans. C’est l'un des producteurs les plus célèbres de Hollywood. Le retentissement fut considérable, tellement même qu’il engendra des émules dans beaucoup des pays du monde. Il n’est pas exagéré de prétendre que le comportement des hommes à l’égard des femmes en fut presque immédiatement changé en tout cas pour les viols ou agressions sexuels en milieu professionnel.

 Ce changement salutaire prit quelquefois des libertés avec le Droit. Il fut démontré au procès de M. Weinstein que beaucoup des jeunes femmes souvent ambitieuses qui rêvaient d’Hollywood voyaient en lui le moyen d’y parvenir. Cet ardent désir de célébrité conduisit l’une d’entre elles à rencontrer de nouveau son agresseur deux semaines après son agression. L’hyperdiffusion médiatique conduit inéluctablement à ce type d’approximations pouvant être jugées marginales compte tenu de la justesse et de la grandeur de la cause.

 L’utilisation de la caisse de résonance des médias et des réseaux sociaux permet de traiter les abus, lorsque ce sont des abus, en se passant de la justice traditionnelle trop lente, trop pointilleuse, pas assez efficace selon les initiatrices du mouvement. La mort sociale précède une éventuelle condamnation, comme la peine capitale, elle est irrémédiable. En conséquence une morale médiatique basée sur les grands nombres se substitue, au moins partiellement, à la loi.

 Un combat acharné pour se défaire d’un mécanisme de domination est presque toujours justifié. Il ne l’est plus lorsqu’il s’agit d’expulser les gens de pouvoir pour prendre leur place.

 « Jamais vous ne serez dignes du bonheur, tant que votre haine des apparatchiks viendra uniquement de votre besoin enragé d’être des apparatchiks à leur place. »

 L’idée générale d’un fascisme rose, dont #MeToo représenterait les prémisses, serait de segmenter autant que faire se peut les sociétés constituées sur une valeur (la nation, le régime politique) en clans, en clusters, dont les membres peuvent se reconnaître indépendamment d’une classe sociale. Il peut s’agir des femmes bien sûr (une minorité de 52,6%), les homosexuel·les, les gens de couleur, les hindous, les athées, tout groupement de personnes liées entre elles par de quelconques affinités. Il s’agit d’abandonner toute proposition politique universaliste censée rassembler l’ensemble (ou une majorité) de la population. Il faut ensuite oeuvrer pour que dans chacun des clusters une reconnaissance médiatique et financière soit développée. Un système de quotas censés représentés toutes les minorités peut alors être proposé au sein de tous les lieux de pouvoir. La démocratie, qui par essence inclut chacun et chacune avec ses différences, est la principale perdante du processus. La possibilité d’unir les forces des démunis pour réclamer une meilleure distribution des richesses ne peut évidemment plus aboutir.

 Ainsi on détruira toute idée d’Égalité, de Fraternité, de Liberté en tablant sur des saynètes débordantes d’émotion basées sur des enfants malmenés, des femmes meurtries, des vieillards agonisants pour créer des clusters visibles des pouvoirs. Chaque clan aura son ‘meilleur’ géographiquement, sectoriellement. L’humanité sera guidée par les meilleurs de tous les clans réunis en prenant soin de laisser la plèbe à l’écart, d’où les démocraties voulaient, avec un succès discutable, la tirer.

 Se débarasser des hommes est un objectif qui peut être proposé. Les hommes possèdent 10 fois plus de testostèrone que les femmes et, les mâles dominants, plus agressifs que les autres, tendent à en avoir encore davantage. La testostérone est l’hormone du désir sexuel, et toutes les enquêtes démontrent que les besoins féminins sont moins importants que ceux des hommes. Ceci a fourni de tous temps une arme à qui savait la manier, les réseaux sociaux la transforme en arme de destruction massive. 

 


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