Vers une nouvelle Démocratie

par Jacques-Robert SIMON
jeudi 25 janvier 2018

Les démocraties s’essoufflent, s’émiettent pour ne plus garder que les élections pour donner un spectacle censé faire émerger des représentants du peuple. N’est-ce pas temps de s’interroger sur le futur que l’on souhaite : Homme ou Surhomme, Humaniste ou Transhumaniste ?

 L’argent-roi est la seule valeur qui rassemble le monde entier et est donc mis en avant pour rendre indistinctes les cultures, les économies, les politiques de tous les pays. La naissance, l’esprit républicain, le savoir voire le talent ont permis de constituer les élites qui président aux destinées des démocraties électorales actuelles. Ces formes d’accession au pouvoir sont sur le point de disparaître. 

 Une société est d’autant plus « avancée » que l’ordre en son sein est plus grand et que la division du travail par compétence est la plus achevée. L’ancêtre primitif de l’Homme était plus omniscient que l’Homo Sapiens moderne qui ne sait plus vivre en chassant, construire sa hutte ou décorer sa demeure sans architecte d’intérieur. L’Homme seul peut idéalement se comporter indépendamment des autres, l’énergie qu’il déploie peut alors être comparée à l’énergie calorique, la chaleur, la température. Pour qu’un travail apparaisse, c’est à dire une force appliquée sur une certaine distance, il faut une différence de température ; et plus cette différence est grande, plus la conversion de la chaleur en travail est efficace. Seul le travail permet d’engendrer de l’ordre, c’est à dire une disposition harmonieuse et efficace pour atteindre un but à partir d’entités aléatoirement agencées. L’élite se veut l’incarnation de la source chaude, la multitude qu’elle souhaite mener serait donc la source froide. Plus la classe dirigeante se distingue du peuple par les honneurs ou la compétence, plus la société peut aller de l’avant vers le progrès si aucune émeute survient. Mais les honneurs sont sujets à une morale, la compétence demande patience et efforts, la fortune permet de déterminer plus rapidement qui doit diriger quoi.

 Cependant, la Démocratie, que le monde n’a jamais vraiment connue, peut aussi voir le jour, à condition d’éviter le piège des élus en charge du bien commun : « La folie est chose rare chez l'individu ; mais elle est la règle pour les groupes, les partis, les peuples, les époques. » La formation d’un groupe fait perdre la quasi-totalité de l’esprit critique et de l’intelligence aux individus qui le composent. Il faut faire des compromis pour coexister en son sein mais surtout les décisions qui seront prises par le groupe serviront essentiellement à convaincre ou à vaincre les autres groupes en mettant en avant les rapports de force. De plus, si il y a un groupe, un chef de groupe apparaîtra inévitablement ruinant toute tentative que tous décident pour tous.

 Chaque jour progresse davantage l’individualisme dans les sociétés occidentales, on le regrette généralement mais il peut se révéler être une voie vers une démocratie effective. Les modalités envisagées doivent pouvoir faire apparaître un ordre sans différence de statuts entre les uns et les autres. La seule façon d’obtenir une égalité dans une société c’est que chacun obéisse à une même transcendance. Si je dieu-argent est écarté, cette transcendance ne peut être issue que d’un vote de tous sans délégation de pouvoir à des élus. Les brumes entourant les Hommes de pouvoir sont suffisamment dissipées pour que chacun ait pu s’apercevoir qu’il était peuplé de gens qui leur ressemblaient tant qu’il était hors de question qu’ils leur obéissent aveuglément. Les conflits entre le peuple et les élus sont constants, les décisions claires inenvisageables, l’intérêt commun ne se distingue plus de la somme pondérée des intérêts particuliers, les émois médiatiques servent à relayer les revendications personnelles ou communautaires, les familles décomposées se recomposent pour mettre le pied à l’étrier au conjoint, aux enfants, aux amis…

 Les référendums ont été écartés du champ politique sous prétexte que l’on ne répondait pas à la question posée mais que l’on jugeait celui qui posait la question. Neuf référendums ont été organisés sous la Ve république sans que l’on puisse vérifier si cette assertion est vraie. Les sondages d’opinion, beaucoup plus nombreux, relèvent du même principe de démocratie directe et le sérieux de leurs résultats peut être plus aisément vérifié. Ainsi pour Notre-Dame-des-Landes, les Français pensent que les pouvoirs publics doivent respecter le résultat du référendum (55% pour le « oui ») en Loire-Atlantique. Les Français mettent aussi en avant le respect de l’Etat de droit : six Français sur dix valident le recours aux forces de l’ordre pour permettre le début des travaux. Ni le courage, ni l’esprit de décision ne manquent donc aux masses populaires.

 Les moyens technologiques actuels permettraient d’organiser des sondages ayant valeur de référendum (sondages référendaires) qui devraient être la seule possibilité de validation des propositions de lois émises par les voies législatives traditionnelles. Les lois sont alors décorrélées du choix d’un Homme, d’un groupe d’Hommes, de toute idéologie, de toute morale puisque l’expression de la préférence ne concerne qu’un point particulier. À terme, les Hommes politiques, débarrassés du combat essayer d’être le meilleur pourront examiner les problèmes selon la seule optique du bien commun en délaissant les idéologies totalitaires. Mais pour que la force du référendum s’impose sans discussion possible, il ne peut pas concerner des territoires trop hétérogènes, trop disparates car il ne ferait alors que déterminer la moyenne des différences sans les amalgamer.

 Un irrémédiable divorce s’installe quant au monde futur désiré : les transhumanistes prônent l'usage des sciences pour augmenter les possibilités physiques et mentales des êtres humains, tandis que les humanistes se contentent de la nature et d’une sobriété heureuse. Les deux populations ne peuvent plus vivre ensemble.

 Dans cet esprit, il est nécessaire d’individualiser l’impôt payé par chacun des individus. Des lois à applications sociétales ont été prises ou sont envisagées qui, financées par tous, peuvent heurter le sens moral profond de beaucoup. La dépense associée aux lois sociétales devrait donc être précisément estimée et il devrait être possible de défalquer la somme correspondante de sa contribution aux impôts.

 Sans approfondissement, la démocratie ne survivra pas, si ce n’est par des simulacres d’élection pour choisir entre la droite extrême et l’extrême droite, la seule mission encore laissée à l’État étant de réprimer les récalcitrants. Le sacré est le seul qui puisse surpasser l’argent comme référence, la sacralisation de la Démocratie par son approfondissement s’impose donc.

 


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