Vexation de l’Iran ou message au président Biden ?

par Dr. salem alketbi
vendredi 22 janvier 2021

Comme il fallait s’y attendre, une partie des missiles tirés par les forces du régime des mollahs iraniens lors de récentes manœuvres ont atterri près d’un navire marchand dans l’océan Indien, à seulement 100 miles du porte-avions américain USS Nimitz. L’incident a été délibéré et visait à provoquer une escalade militaire avec les États-Unis dans la région du Golfe, ont avancé quelques analystes.

Je pense que oui, l’incident était délibéré. Cependant, de mon point de vue, il ne vise pas à provoquer une escalade militaire avec les États-Unis. Raisons à l’appui.

Tout d’abord, le facteur temps. Le choix du moment semble avoir été très prudent pour gérer cet incident. Les mollahs ont choisi une période de transition au cours de laquelle il serait compliqué pour le président américain sortant Donald Trump de prendre une décision en réponse à la provocation iranienne.

Ce n’est pas par manque de temps avant le transfert officiel du pouvoir au président élu Joe Biden. Plutôt, le président Trump est devenu, dans ses derniers jours, assiégé par des foules de problèmes et de troubles consécutifs à son échec à reconnaître les résultats des récentes élections présidentielles, puis par des démarches incessantes des démocrates pour le destituer suite à la prise d’assaut du Capitole le 6 janvier.

De plus, le timing dans l’atmosphère d’anxiété, de divisions et de controverses passionnées qui ont hanté la scène politique américaine ces dernières semaines et ces derniers jours a fait que Trump n’a été que menotté. En effet, mettre sur pied une frappe militaire contre l’Iran par ordre présidentiel serait loin de faire l’unanimité.

Deuxième point qui suggère que la provocation iranienne ne visait pas une escalade militaire : les mollahs ont choisi ce moment pour organiser un show militaire au lieu de mettre en œuvre leurs menaces.

Ces dernières, récemment multipliées, concernaient ce qu’ils décrivent comme une vengeance pour le meurtre du général Qassem Soleimani, commandant de la milice de la Force Quds des Gardiens de la Révolution iranienne.

Les preuves confirment que les mollahs préfèrent ne pas risquer d’être impliqués dans une opération militaire, quelle que soit sa taille et son objectif. Ils craignent que cela n’affecte négativement la détermination du nouveau président Biden à revenir à l’accord nucléaire dont Trump s’est retiré à la mi-2018. C’est vrai que cette manoeuvre permet aux mollahs de sauver la face devant leurs partisans. Ils peuvent prétendre provoquer le plus célèbre porte-avions américain, même avec des spectacles méticuleusement calculés.

Troisième facteur susceptible d’être un des motifs principaux de cet incident : donner au nouveau président Biden l’occasion de renverser son prédécesseur. L’occasion est donnée par l’accuser d’échouer à faire face à la menace iranienne et de mettre en danger la sécurité des Etats-Unis, de leurs forces et de leurs intérêts stratégiques par l’escalade de la tension avec les mollahs d’Iran, sans compter l’échec de la politique de sanctions strictes.

En conséquence, la voie sera ouverte pour que la nouvelle administration justifie l’abandon de l’approche de Trump pour traiter avec les mollahs devant l’opinion publique américaine. La provocation calculée permet à l’Iran d’atteindre son but sans mettre le président Biden dans un embarras politique complet au cas où des missiles iraniens toucheraient des porte-avions américains.

Dans ce cas, il aurait été difficile pour le président Biden de parler d’une approche diplomatique (le retour prévu d’un accord nucléaire) avec un régime qui se mettrait en guerre avec Washington.

En quatrième facteur, l’idée d’une réponse calculée est devenu partie intégrante du mode d’action des mollahs. Cela s’est déjà produit lors de l’incident, prétendument en réaction au meurtre du général Soleimani, où des missiles iraniens ont attaqué une base irakienne abritant des troupes américaines.

Par la suite, il est apparu clairement que le moment de l’attaque, sa taille et les missiles utilisés ont été signalés aux États-Unis par des canaux intermédiaires. Cela a permis d’éviter une contre-réaction américaine ou le déclenchement d’une guerre généralisée qui pourrait signifier la fin du régime des mollahs.

Maintenant, la question est de savoir si la frappe iranienne de missiles près du USS Nimitz a un lien avec le nouveau président Joe Biden. La réponse est probablement oui. En fait, les mollahs veulent faciliter la mission de Biden pour revenir à l’accord nucléaire en torpillant toute assertion d’efficacité de la politique de sanctions maximales menée contre eux.

Ils veulent également faire voir au nouveau président les limites de leur pouvoir militaire. Le président a hérité de profonds troubles dans son pays et à l’étranger. Il ne veut absolument pas s’engager dans une confrontation militaire précoce ou reportée avec les mollahs d’Iran.

En d’autres termes, les missiles transmettent un message au président Biden, dans un langage que les mollahs croient être pertinent pour le personnel du nouveau président, bien que la provocation soit un jeu avec le feu qui risque de pousser le président Biden à réagir à la menace iranienne plus tôt et plus fermement.

Toutefois, cette vision des choses est peut-être improbable compte tenu de la forte tendance de Biden à s’appuyer sur une approche diplomatique et à revenir à l’accord nucléaire comme mécanisme pour atténuer la menace iranienne. Le comportement des mollahs iraniens confirme la conviction qui prévaut dans la région quant à leur danger extrême et leurs intentions malveillantes.

Pour faire face à de telles ambitions, la meilleure stratégie ne peut pas être sans rigueur, sans intensité et sans «  big stick.  » Les expériences récentes et anciennes ont toujours prouvé que les mollahs font preuve d’imprudence et de condescendance face à toute stratégie qui privilégie la carotte sur le bâton.

En fait, ils comprennent mal les objectifs de tout effort visant à trouver une issue pacifique aux troubles chroniques générés par ce misérable régime depuis la révolution de Khomeini en 1979.

 


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