Vibrions colériques

par Jacques-Robert SIMON
jeudi 17 février 2022

Il n’y a aucune relation entre la créativité, la capacité à innover et la frénésie. Pourtant et les États-Unis et la Chine transforment radicalement leur peuple en vibrions colériques. Pourquoi ? Pour un nouveau Monde probablement mais lequel ?

Avant d’essayer de discerner le comportement induit par le ‘progrès’ proposé aux vibrions qui forment les foules, il est souhaitable de cerner les contours du bocal 2.0 qui va les contenir.

Les États, les Nations, les Républiques aboutirent aux Démocraties sur lesquelles le peuple pouvait, imparfaitement mais réellement, exercer un pouvoir à travers des élections. Les augures les plus éminents prédirent le pire : le peuple ne songe qu’à son bien-être, ce qui ruine l’économie, le peuple est belliqueux et chauvin, ce qui conduit aux guerres. Pour atteindre le bonheur universel il fallait trouver un palliatif : l’Homme universel. Une valeur est commune à l’ensemble de l’humanité, (presque) tous et chacun se reconnaissent dans la richesse matérielle. Il suffisait donc que le progrès évacue les autres valeurs piliers de l’humanité. Il y a maintenant dans le monde plus de 100 000 multinationales. Parmi les cinq plus importantes, trois sont chinoises et deux sont américaines. Une des plus importantes est ‘State Grid Corporation of China’ qui distribue l’électricité à plus d’un milliard de personnes et qui compte plus de 1,5 millions de salariés. L’américain Walmart a presque le double d’employés. La puissance de ces entreprises concurrence voire remplace le pouvoir décisionnel des Nations qui ainsi sont appelées à disparaître à terme au profit non pas d’une gouvernance politique mondiale, impossible à établir, mais d’un consensus économique universel entre possédants.

Inhiber la possibilité de rébellion est le souci de tout dirigeant quelle que soit sa coloration politique. La coercition peut être encore marginalement employée mais l’autodiscipline est recherchée.

Le nombre d’internautes en Chine a dépassé 900 millions en mars 2020 (65% de la population). Les principaux réseaux sociaux américains y sont interdits. L’utilisation des réseaux sociaux permet d’imposer une logique binaire qui permet de ‘juger’ toute action à l’aune d’un tissu idéologique ambiant distillé par tous les moyens possibles de communication. En France, plus de 90% des habitants sont des internautes, presque tous possèdent un smartphone. Ils passent plus de 5 heures par jour sur Internet. Ils regardent la télévision durant 3h30. Les plus jeunes utilisent bien plus Internet que les plus âgés et c’est devenu un signe de modernité.

Le moyen de conditionnement des masses est donc circonscrit : ce sera Internet. Deux points de vue antagonistes seulement seront possibles : les « anywhere » et les « somewhere », les mondialistes et les souverainistes. Les premiers sont des disciples du ‘tout-marché’, les seconds sont attachés aux cultures locales, aux idéologies diverses, aux différences en général, donc à une sorte de proto-fascisme Les réseaux, puissamment aidés par les médias, sont en charge de stigmatiser les uns et de promouvoir les autres pour qu’un esprit sans nuances puisse s’installer.

Internet détruit essentiellement les liens sociaux réels pour les remplacer par d’autres virtuels pouvant s’effacer en un rien de temps. L’installation dans un monde virtuel est un processus fondamental qui s’apparente à l’imaginaire chrétien qui permettait de supporter un présent difficile ou insupportable, de pouvoir espérer alors que rien ne s’y prêtait. Chacun se fabrique sa bulle dans laquelle il évolue, où il exprime des avis, où il tempête contre autrui avec d’autant plus de véhémence qu’il reste blotti derrière son écran... ce qui lui permet de construire un espace virtuel de domination duquel il ne souhaite plus sortir. La notion même de vérité, incompatible avec son vécu, devient douloureuse et donc s’évanouit. L’individu virtualisé n’est animé que par son instinct, et ses humeurs constamment exprimées qui ne lui permettent plus d’être ne serait-ce que rationnel, et encore moins amoureux du vrai. Le simple fait de s’asseoir à son ordinateur ou de saisir son téléphone portable rend irrémédiablement captif de sa propre médiocrité.

Une novlangue permettant de concomitamment brouiller un peu plus toute pensée construite fut imposée. Jamais le tsunami des contre-vérités n’a atteint un tel sommet après que l’on ait inventé le ‘fact checking’. Jamais le conditionnement des masses populaires n’a été aussi grand qu’après que l’on ait créé le terme complotiste. Jamais les adolescents n’ont été aussi méprisants que lorsqu’ils créèrent les ‘baby boomers’... Le nouveau langage permit ainsi d’éradiquer non seulement les pensées mais même la pensée. Le citoyen s’est lui-même transformé en vibrion colérique et c’est lui qui va lui même exercer la pression sociale nécessaire pour enrégimenter les quelques individus encore dissidents. Mais la censure institutionnelle n’est pas négligée !

En 2016, Mark Zuckerberg affirme qu’il souhaite « créer le monde que nous voulons pour nos enfants ». La volonté de façonner la planète selon ses propres désirs ne fait donc pas mystère. Peu après le fondateur de Facebook lance un blog appelé ‘Questions difficiles’ et embauche plus de 150 experts pour analyser les images montrées afin d’empêcher des terroristes (ou autres malfaisants) d’utiliser le réseau social à leurs fins. Une justice animée de l’intérieur de l’entreprise et indépendante des instances nationales se met donc en place. Peu à peu 30 000 personnes travailleront sur la modération des contenus. Quels furent les résultats les plus probants ?

Le site prévoit l’interdiction de la nudité et plus encore de la pornographie. Les algorithmes et les modérateurs ont jugé bon de bannir (provisoirement) une photographie de la « Vénus de Willendorf », figurine vieille de 30.000 ans, chef d’œuvre de l’art paléolithique. Mais Facebook s’aventura sur d’autres sentiers. L’hydroxychloroquine est un traitement supposé du Covid. Ceci fit l’objet d’un commentaire d’un internaute qui « critiquait l’absence de stratégie de santé en France et affirmait qu’il existait un remède pour le Covid-19 ». Cette publication a été retirée par Facebook pour « Violence et provocation ». Mark Zuckerberg a rencontré Emmanuel Macron en mai 2019, pour discuter de la modération des contenus sur les réseaux sociaux. Les indicateurs contenus interdits sont en particulier évoqués : la nudité et les activité sexuelles, le harcèlement, les faux comptes, les discours de haine, la propagande terroriste. À ce titre, au premier trimestre de 2019, plus de 4 millions de messages ont été supprimés. Le point d’orgue de cette néo-censure restera cependant la suspension du compte Facebook de Donald Trump en 2021. Mais s’étonner d’une justice privée c’est donner raison à celui qui en a pâti dans la logique en cours !

Une idéologie prétendument universelle, une méthode de propagande, une justice parallèle... il restait à s’emparer de l’espace mental des individus : ils seront transformés plus encore en vibrions colériques.

Les nantis auront besoin à terme de 300 esclaves pour maintenir leur niveau de jouissance, auparavant en provenance des énergies fossiles ils deviendront faits de chair et de sang. Un esclave doit être conscient de son infériorité pour lui ôter toute velléités de rébellion. Pour qu’ils acceptent leur condition, il est possible d’installer une mendicité d’État qui les transforme en quémandeurs. La rémunération d’un travail, associée plus ou moins nettement à une utilité sociale, s’efface au profit de primes, de subsides, d’allocations exceptionnelles, voire d’un revenu universel sans contrepartie. Les champions de l’économie virtuelle, les actionnaires, les marchés, peuvent asservir à merci les sous-hommes qui animent le monde réel pour leur fournir ce dont ils ont besoin.

Dresser la liste des changements induits par le passage à une civilisation 2.0 est impossible puisque tout sera changé. USA et Chine ne se battent pas pour imposer leur modèle de société puisque c’est le même, ils se battent pour en être le maître.


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