Voilà... la leçon du gorille invisible...

par norbert gabriel
samedi 29 mai 2021

  Prolégomènes : Le test du gorille invisible (« The Invisible Gorilla ») a été mis au point en 1999 par Christopher Chabris et Daniel Simons, deux chercheurs en Psychologie cognitive de l’Université Harvard, surnommés depuis The Gorilla Guys.

La consigne donnée aux participants était de regarder attentivement une vidéo où deux équipes de joueurs de basket, l’une habillée en blanc, l’autre en noir, se lançaient un ballon, et de compter le nombre de passes entre les membres de l’équipe des blancs. Pendant la partie, une personne déguisée en gorille traversait la scène de droite à gauche en se frappant la poitrine avec ses poings.
On demandait ensuite aux participants combien de passes ils avaient comptées et s’ils avaient vu quelque chose qui sortait de l’ordinaire. Environ 50 % d’entre eux n’avaient pas vu passer le gorille.

Voilà voilà voilà, chanson française

L’Eurovision n’est plus, depuis au moins 30 ans, un de mes sujets favoris, néanmoins, je lis la gazette plus ou moins attentivement. D’abord la chanson sélectionnée qui représente la France, puis le résultat. Pour 2021, comme d’habitude, j’ai écouté la chanson de Barbara Pravi, comme à la radio, sans image, et sans idée préconçue… Ce que j’entends dans le premier couplet :

Écoutez-moi, moi la chanteuse à demi
Parlez de moi, à vos amours, à vos amis

Parlez leur de cette fille aux yeux noirs et de son rêve fou
Moi c'que j'veux c'est écrire des histoires qui arrivent jusqu'à vous


C'est tout..


Jusque là, je comprends assez facilement qu’elle parle d’elle. Ensuite vient le refrain,

Voilà, voilà, voilà, voilà qui je suis
Me voilà même si mise à nue j'ai peur, oui
Me voilà dans le bruit et dans le silence

Elle continue à parler d’elle, mais voilà-voilà-voilà , il y a comme une réminiscence de Padam padam, sur la répétition de ces deux syllabes, 4 fois, et ma foi, ça ne m’a pas spécialement intrigué à la première écoute, le vers est plus court, la mélodie n’a plus rien à voir avec

(Padam...padam...padam…) Il arrive en courant derrière moi
(
Padam...padam...padam…) Il me fait le coup du souviens- toi

J’en suis donc resté là, en jetant un œil sur une photo de la demoiselle, qui a une frimousse plus proche de Rika Zaraï que de Barbara, Gréco, ou Piaf, des brunes. Et en noir. Mais est-ce suffisant pour être identifiée à Edith Piaf ?

 

Et puis, il y a eu une série de communiqués, ou « analyses » la présentant comme une Piaf 2021. Et il me semble que pas mal de gens l’ont ensuite écoutée avec l’image de Piaf en surimpression, jusqu’à voir «  la petite robe noire de Piaf » dans la tenue bustier très court et pantalon de Barbara Pravi. Et dans la foulée, hurlant au plagiat de Padam padam dans cette chanson… Dont la mélodie et le texte n’ont pas de correspondances ni dans le fond ni dans la forme… Il suffit d’essayer de chanter la chanson en question sur l’air de Padam Padam pour s’en rendre compte. En approfondissant à la loupe, on note en effet ce qu’on appelle des citations en jazz, ou un riff musical, ou quelques notes qui résonnent, en clin d’oeil. On peut dire que c’est un procédé habile, mais qu’on retrouve assez souvent. Et si on doit considérer comme plagiat 5/6 mesures qui se ressemblent, la grande majorité des chanteurs de blues sont des plagiaires.

Pour faire bref sur mon « ressenti » en terme de plagiat, c’est comme si dans un grand tableau noir, on mettait 3 cerises au milieu, et qu’on considère que c’est un plagiat du « Temps des cerises  », ou, si on met un tournesol dans un coin, un plagiat de Van Gogh, c’est très exagéré. Est venue aussi la question de la gestuelle, copiée sur Piaf, avec un micro droit… Dans des spectacles récents de jeunes artistes qui n’ont rien de spécialement Piaf, sauf qu’elles chantent en français, beaucoup chantent devant un micro en pied, et bougent les bras dans une gestuelle expressive classique.. Qui est différente des gestes stéréotypés des rappeurs qui ont tous les mêmes tics.

Cette affaire mineure est un bon exemple de manipulation par détournement d’attention préalable ; comme dans l’exemple du gorille, on voit ce qu’on nous a suggéré de voir : Edith Piaf… Que Barbara Pravi ne lui ressemble en rien n’a aucune importance, l’opinion a été téléguidée, et chacun brandit son opinion comme parole d’évangile. Mais une opinion n’est pas un argument. On peut bien dire et opiner que la terre est plate, carrée, ou cubique et que le soleil tourne autour, c’est une opinion, idiote mais c’est le droit à l’ expression libre. Toutefois «  L’opinion de la majorité n’est pas forcément la vérité.* » Galilée en a su quelque chose…

Sur un plan général, la plupart des candidates de l’Eurovision sont formatées, un peu bimbo blonde qui chante en anglais les mêmes choses pour faire danser autant à Reykjavik qu’à Novosibirsk ou à Monaco… Les candidats sont taillés sur les mêmes modèles, un groupe de rock-punk-métal aura les mêmes codes qu’il soit anglais, autrichien ou italien. Why not ? C’est une option possible, tout le monde chanterait le même genre de chanson dans un œcuménisme musical où toutes les particularités locales seront escamotées pour un meilleur des mondes aseptisé et sans frontière. Adieu les dinosaures des temps révolus, Brassens, Anne Sylvestre, Félix Leclerc, Hélène Martin, Ferrat, Brel, Ferré et Vigneault, ceux qui font des chansons qui racontent, faut que ça fasse bouger les fesses et les pieds, et pas encombrer le cerveau avec ce qui pourrait ressembler à des idées…

Exit aussi le swing, cette subtilité que Nougaro a bien définie : « Le swing, c’est ce qui fait balancer l’âme, pas le cul.  »

 

* Cocteau

 

Pour conclure revenons à notre gorille, cette étude montre que lorsque notre attention est concentrée sur une seule chose, il peut nous arriver de ne pas remarquer d’autres choses même très évidentes dans notre champ de vision. On peut ne pas voir ce que l’on est pourtant en train de regarder.

La suite ici –> https://www.afis.org/Le-test-du-gorille-invisible


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