« Vous n’aurez pas ma haine », réponse sereine à tous les terroristes

par Gervaise Thirion
vendredi 5 août 2016

Antoine Leiris, journaliste, chroniqueur culturel à France Info et France Bleu, a perdu sa compagne Hélène, l’amour de sa vie, dans l’attentat du Bataclan.

 

Sa lettre, postée le 16 novembre 2015 sur les réseaux sociaux, est l’un des chapitres de son livre portant le même titre.

Le chaos

Le hasard a fait que les « ambassadeurs de la haine », ont fait basculer avec un indicible brutalité l’existence de l’auteur dans la confusion la plus totale et la douleur la plus profonde.

On vit avec lui chaque instant de ses 12 journées qui ont suivi le 13 novembre, date à partir de laquelle « un père et un fils vont s’élever seuls sans l’aide de l’astre auquel ils ont prêté allégeance ».

L’absence vient brutalement s’installer, meubler leur vie. « L’absence qui n’est pas le contraire de la présence, mais l’omniprésence, une présence multipliée, une présence erronée… » fait remarquer judicieusement Yann Moix dans sa critique sur ONPC. On a rarement vu ce chroniqueur cruellement taquin aussi sincèrement respectueux, laissant son cynisme de comédie habituel dans la poche. C’est dire !

Quand un être cher disparait, celui qui reste s’effondre, meurtri, anéanti et, malgré tous les témoignages de condoléances, de compassion, de solidarité, tous les messages d’amitié plus ou moins habiles « les gros sabots des vivants », il se retrouve seul, dans son drame.

 C’est ainsi, il doit faire avec, et

 Vivre, malgré tout

 Reconstruire une vie non pas « contre » (ceux qui l’ont détruite) mais ensemble, « avec » Hélène, l’absente, et son fils, à trois.

Le papa doit accomplir tous les gestes quotidiens, tous les actes routiniers de la vie, les habitudes instaurées, avant, par une maman soucieuse de l’équilibre de son enfant.

Malgré toutes les urgences de la situation, le chagrin, sa vie dévastée, l’homme debout est obsédé par l’obligation de préserver son bébé, dont la seule arme est le jeu. « Le sommeil d’un bébé ne s’encombre pas des horreurs du monde ».

Penser les mots, trouver les mots.

Depuis quelques temps, des mots qu’on voudrait effacer, envahissent notre vocabulaire : barbarie, massacre, bain de sang, terrorisme, guerre, violence, mort, haine, peur, guerre civile, sécurité…L’auteur évite, de justesse le terme de « bouch… ». Nous ne le dirons pas non plus.

Tous ces mots, témoins des évènements, sont, en permanence, utilisés sur les réseaux sociaux, les chaines d’info en continu (ou pas) qui jouent « le grand concours du titre le plus racoleur, le plus pervers, celui qui nous maintient captifs. » Ces mots sont ressassés aussi par les politiciens qui, en toute indécence, font souvent dans la surenchère du tout sécuritaire, échéances électorales obligeant.

A tous, on a envie de dire ASSEZ ! « Taisez-vous et lisez ! »

Lisez ce texte sobre, poétique, fort, magnifique qui nous ramène à la douceur, à la tendresse, à l’intelligence, l’apaisement.

Parce qu’ « on ne sèche pas les larmes sur les manches de la colère ».

Antoine Leiris retrouve son esprit et les mots pour s’adresser aux responsables de la catastrophe qui a brisé sa vie : « je ne vous ferai pas ce cadeau de vous haïr… Répondre à la haine par la colère ce serait céder à la même ignorance qui a fait de vous ce que vous êtes… Dévasté par le chagrin je vous concède cette petite victoire, elle sera de courte durée… Toute sa vie ce petit garçon vous fera l’affront d’être heureux et libre ».

A tous les mots sinistres Antoine Leiris en oppose d’autres qui sont : Vie, Amour, Joie, Beauté, Rire, Dignité.

Son récit est émouvant, bouleversant, on pleure beaucoup et pourtant il est lumineux, calme, porteur d’espoir en la nature humaine.

 L’aspect littéraire d’une sublime simplicité est là et n’apparaît pourtant qu’après.

C’est aussi un très beau plaidoyer pour la culture face à l’ignorance.

« On ne se soigne pas de la mort, On se contente de l’apprivoiser ». Et de quelle manière !

Admirable ! A lire avec un mouchoir à la main mais on en sort soulagé.

G Thirion


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