Vous n’auriez rien vu venir ? Vraiment ?

par Philippe Dewailly
samedi 19 novembre 2016

Qu'elle est sinistre cette haine qui fuse de partout et sans plus de retenue. L'outrance vulgaire, la désinformation virale, les manipulations les plus funestes : L'élection américaine a mis à jour le visage la plus dévoyée du débat d'idées et pris en otage une démocratie qui se craquelle de partout.

Nous ne l'aurions pas vu venir ? Vraiment ? Vous n'auriez pas vu vous cette confiscation lente et pernicieuse de la représentation, des ressources, des médias, des richesses ? 5% des américains possèdent 85% des richesses de leur pays ! ... Après 8 années de gouvernance des "Démocrates" ? De qui se moque-t-on ?

L'erreur ce n'est pas Trump, l'erreur c'est de l'avoir laissé se présenter comme la seule alternative à un système d'accaparation mondialisé, normalisé et orchestré par des politiques aux ordres, maintenant sous toutes les étiquettes. Ce n'est plus de la collusion ni de la connivence, c'est de la cooptation. Quand les multinationales prennent le pouvoir, leurs dirigeants finissent naturellement par gouverner.

Comment ne pas avoir vu venir cette dérive polymorphe et annonciatrice d'un nouvel ordre qui installe son territoire aux 4 coins de la planète pour en extraire tout le jus au prix du sacrifice des populations les plus vulnérables ? Trump n'a eu qu'à se faire le porte parole des laissés pour compte du rêve américain, des complotistes du Kremlin, des confusionnistes de la toile et des hackers vengeurs.

Facile, Trump est un menteur, un affairiste véreux et xénophobe, un Donald triste qui n'a fait que récolter les raisons de la colère. Une colère bien légitime au regard des crises de 2007, de celle de 2009 et de l'insolente arrogance d'un « establishment » qui continue à prospérer sur l'accroissement des marges prélevées sur le travail, sur la spoliation des ressources naturelles et qui continue à jouer avec le climat et l'argent des déposants. Gageons que le futur président, roi de l'immobilier, trouvera à s'entendre avec Wall Street et la frange la plus droitière des Républicains afin de prendre enfin la part qui lui revient dans le système qu'il a tant décrié et qui a fait sa fortune.

La démocratie n'a jamais offert une assurance contre la supercherie des candidats ou la connerie des électeurs. Au pays de Disney, Donald a trouvé son public. Rien d'hilarant vraiment, cela ressemble trop à ce qui nous attend :

Vous avez aimé l'élection américaine, vous allez adorer l'élection française ! Certes, elle sera moins caricaturale, plus prétendument intellectuelle : Débat de fond sur le fond dont on se fout, puisque la finance restera dans l'ombre et que les vrais prédateurs seront en embuscade. Entre Sarkozy l'ex-financé de la Libye et Le Pen dont les fins de mois sont assurées par les banques russes, vous serez au coeur du débat, celui du système contre le système, celui du dépeçage de l'espace public et de notre quotidien par les intérêts très privés des marchés. On sollicite simplement votre avis pour savoir à qui il faudra maintenant servir le couvert.

Au milieu de ce grand déballage philosophique, on retrouvera bien sur le délicieux débat sur l'identité nationale, la sécurité et les migrations, et puis sur l'étranger de service, ennemi et suspect par nature, bouc émissaire désigné pour les déclassés et enfumage pour les durs à cuire qui persisteraient à chercher des vraies responsabilités.

Pour les plus aventuriers, heureusement il restera l'alternative Juppé, en recours antifasciste et Pêre sauveur de la nation devant l'Eternel, et avec lui l'assurance de continuer à cultiver mieux encore et plus profond tout ce qui a fait le terreau d'une pauvreté qui s'enracine, d'une injustice intolérable et d'une colère légitime. Une alternance démocratique ? Vous plaisantez ? Ce sont les mêmes !

Sans doute nous sommes nous laissés assoupir dans un confort précaire et nous n'avons pas su saisir tous les dangers de cette dérive inexorable du capitalisme fou qui brandit la démocratie comme on brandit un crucifix pour justifier tous les abus et toutes les violences sociales et militaires. Le capitalisme cherche obsessionnellement la marge, même repeint en vert il n'est pas végétarien, il est omnivore et n'a que faire de nos votes et de nos belles idées. Il sert une caste mondialisée qui accapare maintenant 90 pour-cent des richesses de la planète, qui bétonne ses privilèges dans la nébuleuse des instances internationales, qui essore la nature et les hommes, une caste qui, sous prétexte de sécurité, entend surveiller et gérer nos vies dans ce qu'elles ont de plus privées, et qui se dispute les territoires et les miettes d'un partage auquel vous n'êtes nullement convié.

Démocratie, vous dites ? Nous n'aurions donc rien trouvé de mieux depuis les Grecs ? Rien vraiment depuis les Lumières, Voltaire et Montesquieu ? Une démocratie qui élit Hitler, Trump ou Le Pen ? Moi, je n'y ai trouvé qu'une alternative, un mot, un seul : Résistance !


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