Wallon debout ! Couché, mon chien !

par Elliot
lundi 31 octobre 2016

Comme résident de la région wallonne, je me devais d’apporter mon témoignage dans ce psychodrame Ceta qui a fait la Une de l’actualité récente, une affaire où la Wallonie a été parfois encensée pour le sens de son combat mais le plus souvent vilipendée par tous ceux qu’exaspèrent le moindre accroc dans la trame bien tissée de leurs assemblages.

Je ne suis pas peu fier d’avoir enfin vu ma région sur le devant de la scène internationale pour de bonnes raisons, elle qui a surtout occupé la rubrique des faits divers crapuleux et qui, dans l’indifférence générale et sans que daigne s’en soucier la grande presse internationale, s’enfonce dans un déclin industriel et sociétal auquel répondent de laborieux emplâtres.
Elle partage malheureusement ce sort avec beaucoup d’autres régions européennes sinistrées par le rouleau compresseur de la mondialisation.

 

Maintenant que va se dissiper la fierté légitime de la résistance à l’entreprise de normalisation capitaliste, vient le temps de la réflexion.

Tout d’abord, il y a eu un soutien indéniable de la population wallonne à son gouvernement.

Une partie des citoyens, celle qui se sentait très directement concernée par les importations en provenance du Canada, comme les éleveurs par exemple, accueillaient avec réticence un traité porté par le dogme de l’économie de marché sans entraves et ont été très militants dans l'expression de leur rejet..

Une autre, moins au fait mais tout aussi suspicieuse, a exprimé son ras-le-bol de l’Europe punitive.
Tous se sont réjouis de la fronde des gouvernements wallons et bruxellois car ils n’en peuvent plus des politiques d’austérité pilotées par une Commission aux ordres.
Ils sont lassés d’attendre les bienfaits de la rigueur budgétaire quand ils en voient les conséquences immédiates : un système de sécurité sociale insidieusement agressé, des avantages sociaux passés à la moulinette, la régression salariale, des infrastructures laissées sans entretien voire à l’abandon, un réseau ferroviaire qui ne cesse de se contracter surtout en Wallonie.

Depuis longtemps couve donc en Wallonie une grogne longtemps diffuse, inorganisée et qui s’est exprimée par un sursaut contre les diktats insupportables de ces instances qui légifèrent en dehors du champ démocratique et qui sont paradoxalement d’autant plus puissantes qu’elles ne tirent pas leur légitimité du peuple.

 

On ne va pas non plus nier une certaine défiance voire le mépris frappant ces élus qui se plient par faiblesse, intérêt ou conviction aux exigences cupides d’une oligarchie toute puissante.

 

Dieu merci ! Les populismes de Droite ne parviennent pas encore à s’implanter dans ces terres de tradition ouvrière où Victor Hugo et Zola sont vénérés à l’égal de prophètes, où Joris Ivens et Henri Stork, créateur du plus beau film militant sur la condition ouvrière " Misère au Borinage " restent des références, où l’anarcho-syndicalisme a connu ses heures de gloire et de défaites mais continue d'imprégner l'inconscient collectif.

Le gouvernement wallon a réussi, par adhésion ou par nécessité électoraliste, à conter fleurette aux aspirations populaires et à s’en faire le porte-parole.

Voilà posé le décor de ce qui fut en tout état de cause une révélation pour l’opinion européenne dont beaucoup ont découvert qu’il existait à l’est de la France une région francophone, francophile sinon francolâtre, un bout de France qui avait gardé intacts l’esprit de résistance et l’aspiration à la liberté.

Des manières de sans-culottes qui auraient, excédés par un trop-plein d’avanies, subitement retrouvé le goût de la contestation et l’horreur du conformisme, des gens accoutumés à baisser le chef et qui soudain font passer un message à leurs représentants comme quoi trop c’est définitivement trop.

Le PS wallon est ( était ? ) en chute libre dans l’opinion et son partenaire CDH ( ex démocrate chrétien ) au gouvernement régional n’affiche pas non plus des taux de popularité mirobolants, on ne leur pardonne pas d’être complices et parfois même à l’origine de toutes les lois de régression sociale qui accablent les sans-dents.

Dans l’opinion une formation de la Gauche radicale - très présente sur le terrain où l’on chercherait en vain un Socialiste, désintérêt ou peur de se montrer ? - le PTB, est en forte progression et le parti Ecolo se refait une santé dans l’opposition où le MR, sorte de Républicains en plus bornés, se trouve empêtré dans son rôle peu glorieux de supplétif de la majorité flamande qui dirige la Belgique.

Bart De Wever, leader nationaliste flamand et belle-mère du gouvernement fédéral belge, prétend aujourd’hui que rien n’a été modifié au traité Ceta et que les sieurs Magnette et consorts ont vu une opportunité de reprendre la main dans leur région en se drapant dans la défense des intérêts des Wallons : Comediante ! Tragediante !

Pour résumer, le Führer ménapien suggère que les gouvernants wallons ont en somme enfumé la population avec une opposition factice et que Paul Magnette, le nouveau héros est plutôt fait d’argile que d’airain : l’expérience m’incite à ne pas exclure ce scénario.

Le premier Ministre francophone Charles Michel fait évidemment écho à la voix de son maître De Wever.

De la part d’Extrémistes flamands chez qui c’est un réflexe pavlovien de dénigrer la Wallonie, il eût été surprenant d’entendre un concert de louanges. Par contre une partie du peuple de Flandre s’est félicitée du refus wallon et l’a fait savoir.

Au moins le temps de quelques jours Monsieur Magnette nous aura-t-il fait rêver !

En effet combien fut divertissant l’affolement des eurocrates tellement habitués aux rouages bien huilés de leur machine à décerveler les peuples : le grain de sable ( qu’il fût une manœuvre ou pas ) les plongea dans une perplexité profonde, un état de sidération de bon aloi pour tous ceux qui n’en peuvent plus de subir leur arrogance.

Merci pour ce moment ! comme dirait l’autre.

Ajoutons pour être complets que bien entendu l’opposition au traité Tafta même remanié garde une expression politique au parlement wallon avec le PTB et le parti Ecolo, farouches détracteurs des supposées clarifications mais que, plus fâcheusement pour l’arrangement négocié, un syndicat agricole d’éleveurs bovins trouve que tout cela est du pipeau.

En conséquence, on ne peut pas exclure non plus que les officines de propagande du PS et du CDH aient fait mousser un leurre pour mieux conjurer sa menace et se donner le beau rôle.

Plus confus aussi est l‘arrangement sur les chambres d’arbitrage privées ( en réalité verra-t-on cet amendement intra-belge s’imposer à l’Europe ? Rien n’est moins sûr pour Mr Verhofstad et on peut croire qu’il sait de quoi il parle)

En réalité, pour qu'elles fussent autorisées à se substituer aux tribunaux nationaux, il faudrait que dans le cadre d’une transaction déterminée, ces chambres d'arbitrage extra-légales fussent choisies par les partenaires à l’exclusion de toute autre juridiction.

Sachant le poids des multinationales qui font la pluie et le beau temps et peuvent orienter les investissements vers les plus accommodants, il y a tout lieu de craindre que des gouvernements aux abois pourraient être tentés de rétrocéder leurs droits judiciaires pour favoriser les créations d’emplois.

 

 

PS.   J’avais malencontreusement commis un lapsus calami en confondant le CETA ( qui va être signé ce dimanche à 14hrs et le TAFTA toujours dans le couloir en attente de fumée blanche.
Un acte manqué manifeste que Freud aurait peut-être interprété comme une appréhension inconsciente du coup d’après …

Je remercie le modérateur qui a relevé l’erreur et j’ai donc remanié mon texte en conséquence
 

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