WikiLeaks : Le monde tel qu’il est

par Michel Koutouzis
lundi 29 novembre 2010

 Si un avantage existe en ce qui concerne la sortie sur le net des infos de WikiLeaks, c’est bien celui de la vision d’un monde tel qu’il est et non pas celui, diplomatique et anodin, tel que nous le décrit la bienséance gouvernementale universelle. Non, nous ne sommes pas des citoyens excités, sur les nerfs, paranoïaques et inutilement désespérés, ou plutôt si nous le sommes, cela n’est que le reflet de ce que sont nos gouvernants. Ceux que l’on décrit comme des junkies des théories de complots divers et variés, sont, tout compte fait, plus proches des réalités qui régissent notre mode. Cependant, la bienséance, les bonnes manières, les formes que les présidents et autres ministres appliquent ont aussi un sens. S’ils suivaient leurs subalternes la terre serait à feux et à sang.

En effet, que lit-on sur les dépêches du département d’Etat exfiltrées par WikiLeaks : que le ministre turc des affaires étrangères est un « homme dangereux », que le premier ministre Erdogan est à « des lieues de la réalité » que le terrible Kadhafi a peur dès qu’il monte quelques étages, que l’afghan Karzai, homme de paille des américains n’est qu’un parano isolé, que le président français n’est qu’un Napoléon sans moyens, que la dynamique Merkel n’arrive jamais à se décider, que la mafia russe est au pouvoir en Russie, que le gouvernement chinois a bel et bien piraté Google, que les saoudiens demandent chaque matin le bombardement et la destruction de l’Iran, pays qu’Israël peut détruire tout seul comme un grand, que Chavez est fou, que la grande Bretagne est dirigée par des rigolos qu’ils soient travaillistes ou conservateurs, ou que l’Iran s’est procuré des missiles intercontinentaux de la Corée du Nord. Bref,  pourrait-on dire, tout cela était plus ou moins connu mais, sagement, faisait partie du non-dit. Sauf que ceux qui (au choix, bien sûr et suivant leurs intérêts propres), exprimaient ce genre de choses étaient considérés comme des marginaux dangereux, des fous furieux, de irresponsables. Et bien non, sauf si l’administration américaine est faite à leur image.

Ainsi, après les « révélations » WikiLeaks, le monde ne sera plus comme avant. Comme si, lors d’un dîner bien pensant, on ne tapait plus sur les doigts de l’enfant terrible chaque fois qu’il prenait la mauvaise fourchette. Comme si on débarquait sur terre les hôtes d’une nef de fous, libres à eux de véhiculer leurs insanités mal pensantes dont tout le monde -en cachette- les craint véridiques.

Les pros de l’intelligence, les Wise Guys des OSINT pourront sourire : tout cela on le savait, ce sont des secrets de polichinelle. Peut-être, mais leur rôle était de ne pas les révéler au grand public, de les garder pour les yeux de leurs maîtres. Ainsi, un message supplémentaire s’esquisse envers les gouvernants : vous n’avez plus le monopole du flicage : comment vous sentez vous désormais ? Ce n’est plus nos téléphones, nos mails, nos messages et nos grossièretés qui deviennent pâture de vos services, mais aussi les vôtres. Plus vous en abuserez et plus vos secrets deviendront du bien commun. Pour le meilleur et pour le pire. 

En d’autres termes, dans un monde dénudé de ses secrets, il ne suffit plus de paraître sage et sérieux, il faut le devenir en vérité. 


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