World War Z : quand l’ONU et l’OMS font leur cinéma
par Les Non-Alignés
vendredi 12 juillet 2013
ATTENTION : CET ARTICLE REVELE LE DENOUEMENT DU FILM
Le blockbuster, c’est un peu comme de la « junk food » : du plaisir immédiat et à peu de frais. Pas besoin de penser, c’est prémâché. Et c’est de toute façon ça que l’on en attend, car en vacances, c’est bien connu, on veut se détendre et surtout, surtout, ne pas avoir à se triturer le ciboulot. Et où est donc le mal ? On sait que le Big Mac est mauvais pour la santé, mais une fois de temps en temps, il n’y a pas de mal à se faire du bien après tout.
Au-delà du festival d’effets spéciaux aussi spectaculaires les uns les autres, de la cadence effrénée et de l’incontestable suspense qui ne lâche pas le spectateur, le film se veut également le vecteur d’une critique de nos sociétés individualistes contemporaines, au sein desquelles l’égoïsme peut se révéler plus meurtrier que le pire des virus. De la forme et du fond donc. Que demander de plus ?
Par ailleurs, et pour une fois, ce n’est pas la salvatrice hégémonie américaine qui est flattée, à l’instar de la majorité des films de ce genre. Non, pour une fois ce sont les instances internationales, et la coopération de même nature qui constituent, notamment à travers le personnage incarné par Brad Pitt, la figure du super héros moderne. Pas de GI Joe surhumain donc, seulement de la bonne volonté agrémenté d’une bonne louche d’ingéniosité (et de bonne fortune, il faut bien l’admettre).
Le film nous promet donc une petite révolution : plus d’américano-centrisme d’une part, substitué par la promotion d’un humanisme transnational, et l’annonce d’une critique d’un égoïsme moderne délétère. Cette promesse n’est ni plus ni moins celle d’un blockbuster d’un nouveau genre : le blockbuster « intelligent », mâtiné d’une sociologie, pour ne pas dire d’une anthropologie, au service d’une critique sociale. Encore une fois, et comme dirait un proche de M. Pitt, what else ?
Or, qu’en est-il réellement ? Le film tient-il son pari ?
Tout dépend de l’objectif réel de cette production. Car au terme du visionnage, on est obligé d’admettre que le film de Marc Forster distille avec une certaine force un message politique et social, mais pas du tout celui annoncé, bien au contraire. Et c’est en cela que le film constitue de fait une petite révolution du genre. Analyse.
Cependant, dès la trentième minute un détail doit retenir notre attention, car il plante plus ou moins subtilement les soubassements du message réel que veut véhiculer le film. En effet, alors que le personnage principal est en route pour la Corée pour y trouver le « patient zéro » (le premier atteint par le virus), le virologue diplômé d’Harvard qui l’accompagne (autorité incontestable donc) nous expose à l’aide d’une métaphore filée la philosophie qui préside au film et qui annonce la couleur :
« Mère Nature est une tueuse en série. Y’en a pas de meilleurs, ni de plus créatifs. Mais comme tous les tueurs en série, elle ne peut résister à la tentation de se faire attraper. […] C’EST UNE POURRITURE »
Ces propos, aussi contestables soient-ils, et ainsi sortis de leur contexte, pourraient paraître anodins. Toutefois, à bien y regarder, c’est loin d’être le cas. En effet, la Nature est ici posée comme l’origine première du Mal. Déjà, pour la critique du caractère individualiste de nos sociétés modernes, on repassera, puisqu’ici l’Homme n’est pas présenté comme la cause, mais bien comme l’innocente victime du sort qui l’accable. Mais c’est en poursuivant le visionnage que l’on comprend mieux l’intentionnalité qui sous-tend de tels propos.
Comment donc Gerry Lane, et donc l’ONU qu’il incarne, parvient-il à « sauver l’innocente humanité » de cette nature psychopathe et meurtrière ? M. Nations-Unies, notamment à l’aide des précieuses recommandations de notre fin virologue d’Harvard, parvient à déduire que les zombies ne s’en prennent pas aux individus atteints de maladies létales en phase terminale, de la même manière qu’un lion ne s’attaque pas à une brebis galeuse (ça se tient non ?). Et c’est là qu’intervient une très audacieuse pirouette : si les porteurs de maladies mortelles sont protégés contre les attaques des zombies, quoi de plus simple que de s’infecter soi-même avec des virus létaux dont on détient déjà les vaccins ?
C’est à ce moment du film que nous remercions l’OMS d’avoir avec bienveillance développé un vaccin contre les dernières mutations de la grippe (ou pas…). En effet, s’en suit alors une campagne mondiale de « vaccination » de la population à ce qu’on nous laisse entendre être ni plus ni moins que la grippe A.
Le film de Marc Forster procède donc à un retournement de perspective de taille : ce n’est plus les lobbies pharmaceutiques et leur soif insatiable de profit qui sont problématiques, c’est la nature –cette « pourriture », qui est intrinsèquement mauvaise, et que seuls ces mêmes groupes pharmaceutiques sont à même de dominer pour nous en protéger de la meurtrière folie.
Le message est donc clair : l’avenir de l’Homme est dans les mains de l’OMS et de l’ONU. Nous pouvons donc dormir sur nos deux oreilles. Et avant tout, ne plus voir les nouvelles grippes sorties de nulle-part d’un œil méfiant, mais bien comme une chance pour l’humanité d’un jour faire face à une épidémie de zombies !
Roselyne Bachelot vous souhaite un bon visionnage !