Zoé pointé pour Rama Yade

par Henry Moreigne
mercredi 31 octobre 2007

Difficile d’échapper aux remous suscités par l’opération de l’association l’Arche de Zoé malicieusement rebaptisée sur place au Tchad, Children Rescue. L’enfer est pavé de bonnes intentions, fussent-elles humanitaires. Pourtant, alors que les différents degrés de responsabilité ne sont pas, c’est le moins que l’on puisse dire, établis, la secrétaire d’Etat aux Affaires étrangères et aux Droits de l’Homme, Rama Yade, n’a de cesse de stigmatiser les responsables de l’association. Une position radicale et caricaturale qui exonère opportunément le gouvernement français de son incapacité à empêcher un dérapage dont il était prévenu à l’avance.

Rama Yade a beau clamer avec l’arrogance de sa jeunesse devant l’Assemblée nationale que “l’Afrique de papa c’est fini" et que “nous avons fait tout ce qu’il était possible pour empêcher cette opération“, force est de reconnaître que l’Etat, le gouvernement qu’elle représente a échoué. Et ça, son mode de communication basé sur l’agressivité, ne peut l’excuser ou le cacher.

Le silence de son patron Bernard Kouchner est à lui seul éloquent. Lui, le père des French Doctors, du droit d’ingérence, se retrouve dans une position inconfortable face à des personnes, sans doute illuminées, mais qui n’ont fait que reprendre très maladroitement et adapter à une situation réellement dramatique le concept de subsidiarité face à des autorités gouvernementales internationales défaillantes.

L’Arche de Zoé a fauté. C’est vrai, c’est indiscutable, c’est sanctionnable. Mais, les gouvernements locaux et notamment tchadien sont-ils irréprochables ? Evidemment, non. “Le ramassage” a été organisé avec des complicités locales. Malheureusement la page de l’Afrique de papa n’est pas tournée. La mutation démocratique du continent noir est loin d’être une réalité. Comme secrétaire d’Etat aux Droits de l’homme, R. Yade aurait pu le rappeler. On était également en droit d’attendre de sa part un mélange intelligent de désapprobation et de simple respect de la présomption d’innocence à l’égard des 9 ressortissants français, mais aussi des 7 Espagnols et du sujet belge mis en cause.

En vilipendant, à la sulfateuse, les membres de l’Arche de Zoé, Mme Yade a contribué à augmenter les tensions et a invité de ce fait le président tchadien à faire monter les enchères. Les dérapages verbaux de ce dernier qui a été jusqu’à parler de trafic d’organes, de réseau pédophile, en attestent. Personne n’est dupe, la sortie de crise passera par un règlement financier “à l’amiable” qui tombera directement dans les poches de quelques-uns.

A écouter notre secrétaire d’Etat, on a le sentiment que sa colère est avant tout le fruit de son impuissance, de l’échec de son administration à convaincre, à dissuader les dirigeants de l’Arche de Zoé à mener leur opération. Avancer que l’Etat français n’a pu empêcher cette dernière est hallucinant. L’Etat serait-il tombé si bas pour être dénué de tout moyen d’action ? Il est plus vraisemblable qu’en l’espèce, dans le délitement actuel, le bras droit ne savait pas ce que faisait le bras gauche.

L’affaire reste encore, malgré les jours qui passent, marécageuse. De son côté, l’avocat de l’association (Me Collard) est affirmatif : “il n’y a eu aucune interdiction émanant du Quai d’Orsay”. Les responsabilités semblent partagées. Mme Yade ne peut s’exonérer d’un “défaut de surveillance”, de son incapacité à “tenir” des humanitaires turbulents. Loin, bien loin de cette image d’Epinal d’une diplomatie française écoutée, respectée, influente de par le monde. A moins que nul ne soit prophète dans son pays. Ou pour ses ressortissants.


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