Histoire des guinguettes de la rivière Loiret

par C’est Nabum
samedi 15 juin 2024

La belle époque que voilà

Autre temps

Sur les rives du Loiret à la belle époque, les badauds venaient pêcher à la ligne, manger la friture et les délicieux fromages d'Olivet. Le canotage permettait d'explorer d'admirer les sites ravissants : châteaux, belles demeures et troublantes folies ainsi que les moulins admirables.

Olivet, fut longtemps le rendez-vous de promenade des Orléanais qui venaient pêcher, déjeunaient aux terrasses des restaurants qui donnaient sur la rivière tandis que de place en place, la musique des guinguettes invitait à une pause coquine autour d'un bon petit verre de blanc.

Sur les bords du Loiret, dans un magnifique décor champêtre, les guinguettes du bord de l’eau étaient alors le merveilleux complément du circuit enchanteur des moulins…

Jusque dans les années 1960, les guinguettes proposèrent des bals populaires tandis que les gens plus raisonnables fréquentaient les nombreux restaurants et que tout ce joli monde aimait à se promener en barque. Les guinguettes du Loiret, tout comme celles de la Marne, constituaient un des hauts lieux français des loisirs populaires d'une époque qu'on qualifie aujourd'hui de Belle, la nostalgie en tête.

Guinguette, ce terme viendrait du guinguet ce petit vin vert, aigrelet et fendant, produit en région parisienne au Clos Guinguet situé sur les coteaux de Mesnil-Montant. Un vin qui faisait « danser les chèvres », ce qui donna le verbe guincher. Rapidement les guinguettes deviennent un cabaret souvent en plein air, au bord de l’eau où l'on boit et l'on danse.

Il y eut jusqu'à 32 guinguettes à la glorieuse époque sur les dix kilomètres où elles s'établirent. Nombreux sont les témoignages évoquant une ambiance festive dans une griserie des sens bon enfant. Le programme était toujours le même : on y buvait copieusement, on y mangeait goulûment, on y dansait jusqu'à la nuit, on y louait une barque au son des flonflons de petits orchestres locaux.

Le canotage sur le Loiret avait alors une importance considérable. Pêcheurs certes mais aussi amoureux ou familles aimaient à jouer de la rame pour flâner sur cette rivière de peu de courant. Les très nombreux militaires des casernes d’Orléans s'y retrouvaient dans le but avoué de rencontrer les petites bonnes et les femmes de chambre des notables de la ville. Dans l'une de ces guinguettes : la bien nommée « Le pied qui remue » on y dansait la valse, la polka au son de l’accordéon et d’un orchestre musette pour tenter de séduire les belles ! La friture de Loire était l'accompagnement idéal pour qui entendant frétiller par la suite.

Cette appropriation de la rivière Loiret vient suppléer en quelque sorte la disparition de la Marine de Loire. Jadis navigué uniquement du pont de Saint-Nicolas à la confluence pour y transporter les produits des manufactures associés aux moulins, le Loiret est investi par les barques, petits voiliers et avirons qui remplacent très vite les toues et les fûtreaux. Le canotage devient même sportif dès 1882 avec des régates d'aviron.

Le nautisme se fédère rapidement et prend son essor dans une ambiance qu'il est difficile d'imaginer aujourd'hui. Les guinguettes s'équipent d’un embarcadère et proposent la location de yoles. Des milliers de personnes se pressent sur les berges et aux terrasses des cafés si bien qu'il faut adjoindre de grosses embarcations pouvant embarquer jusqu’à 99 personnes

Les guinguettes ne se contentaient pas de danse et de canotage. Elles devinrent d'excellentes tables de restaurant avec des menus copieux (une exigence de l'époque) et de fort bonne qualité. La friture de goujons et ablettes en était le plat emblématique arrosé d’un auvernat blanc (Chardonnay). Pour les gourmets, la matelote d'anguilles ou de poissons de Loire, mijotée dans une cocotte avec du vin rouge de l’Orléanais, des carottes, du lard et des épices constituait le plat de fête tandis que la gibelotte, fricassée de lapin, venant souvent de Sologne, cuite ensuite dans du vin blanc avec oignons, champignons et lardons, faisait le lien avec la Sologne voisine. Dans ces guinguettes la culture gastronomique avec des produits de notre terroir était à la fête tandis que la musique elle aussi n'était pas en conserve

En cette époque la culture musicale célébrait la chanson française avec comme chef de file de ce mouvement Aristide Bruant, le gars de Courtenay qui chantait la classe ouvrière, les Apaches (blousons noirs du moment) et des filles perdues. La chanson réaliste eut ses heures de gloire avec de nombreuses interprètes femmes tandis que pour les guinguettes un répertoire plus festif, coquin et parfois grivois enchantait le public, sans oublier les chansons à boire. On peut mesurer l'écart qui existe désormais avec certaines guinguettes contemporaines qui tournent ostensiblement le dos à la chanson française à texte.

L'après seconde guerre verra progressivement la disparition des guinguettes. À partir de 1960, la télévision accélérant ensuite le mouvement, la création des dancings puis des boîtes de nuits détournant d'elles les amateurs de danse. Si de nouveaux lieux apparaissent désormais, elles font la part belle aux musiques électroniques, en conserve ou bien du monde. Autre temps, autres jours tandis que la friture n'est plus que sur les téléphones portables.


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