Hadopi : une loi triplement inutile et stupide

par Christian Vanneste
vendredi 10 avril 2009

Alors que la loi Hadopi vient d’être rejetée par l’Assemblée Nationale, il est peut-être utile de comprendre pourquoi il s’agit d’une loi totalement inutile et stupide.

En 2006, était votée la loi relative aux droits d’auteur et droits voisins sur internet (Dadvsi). J’en étais le rapporteur, et j’avais scrupuleusement rempli ma mission qui consistait, on l’oublie trop souvent, à transposer une directive européenne datant de 2001. Il faut rappeler que la France était dans l’obligation de transposer cette directive sous peine d’astreinte. Il s’agissait donc très clairement de protéger juridiquement les protections techniques (les DRM) afin de sauvegarder une juste rémunération des ayants-droits, en particulier les créateurs et les artistes en général. Après l’annulation par le Conseil constitutionnel du dispositif de réponse graduée (eh oui déjà !) fondée sur l’amende que nous avions intégré au texte, et l’évolution politique qui a vu le remplacement du Ministre de la Culture de l’époque, la volonté a manqué de mettre en œuvre ce qu’il subsistait de cette loi en matière de préservation des droits d’auteur. Néanmoins, un certain nombre d’avancées avaient été réalisées à travers ce texte : la sauvegarde du droit à la copie privée, la gratuité d’accès pour les handicapés et dans le domaine de l’éducation, la reconnaissance du logiciel libre. 

Les téléchargements d’œuvres musicales ou audiovisuelles ont continué à croître. Certains en ont tiré la conclusion que la cause en résidait dans l’absence de réponse graduée. Denis OLIVENNES, dans un rapport commandé par le Gouvernement, a donc proposé une réponse graduée fondée sur la suspension de l’abonnement internet. C’est cette mesure que la loi Hadopi est destinée à mettre en œuvre.

Je n’ai pas voulu participer au débat consacré à ce projet de loi dans la mesure ou j’estimais qu’en tant qu’ancien rapporteur, il aurait été particulièrement inélégant de critiquer en séance l’appendice de la loi que j’avais moi-même soutenue. Je ne l’ai fait toutefois qu’à une occasion : la consternante fermeture d’esprit du Ministre et du rapporteur s’opposait à l’amnistie des internautes poursuivis pour de simples téléchargements au nom de la loi précédente qui, faute de réponse graduée, continuait à assimiler ceux-ci à des contrefaçons punis théoriquement de 300 000 € d’amende et de 3 ans de prison. Après mon intervention, l’amendement instituant l’amnistie a été voté. C’était une mesure d’équité et de bon sens. Je suis attéré de voir que la Commission mixte paritaire (CMP) a annulé cet amendement, de même qu’elle a rétabli le paiement de l’abonnement internet par la famille abonnée durant sa suspension. Il s’agit là de provocations inutiles qui révèlent malheureusement l’état d’esprit dans lequel a été voté ce texte.

Ces mesures me libèrent totalement de mon devoir de réserve. La loi Hadopi est une loi triplement inutile et stupide :

Hadopi restera dans les mémoires, comme cette loi présomptueuse qui aura voulu atteindre l’horizon, rattraper un progrès qui ira toujours plus vite qu’elle, quand la solution se situe avant tout dans le marché et le contrat, seuls compatibles avec un domaine qui illustre si bien le chaos-créatif propre à la jeunesse et à notre époque, celle où le bricolage inventif d’étudiants dans un garage est à l’origine des entreprises les plus originales et les plus importantes. Sans doute, est-ce en raison du contexte particulièrement libéral d’internet que les socialistes ont voté le texte Hadopi au Sénat et ont fait semblant de s’y opposer à l’Assemblée.


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