VIH/SIDA : la prévention au cœur de l’action publique en 2010
par Fabien ROBERT
samedi 28 novembre 2009
« Nous devons garder à l’esprit que le VIH, même correctement traité, a des conséquences graves et néfastes sur la qualité de vie des personnes et que le SIDA reste une maladie mortelle. Aussi la prévention doit rester la priorité. »
1er décembre 2009
22ème journée mondiale de lutte contre le SIDA
Depuis 15 ans, le pronostic et la prise en charge du VIH ont radicalement changé. Il semble pourtant nécessaire de rappeler quelques chiffres.
33 millions de personnes vivent avec le VIH/SIDA dans le monde (source ONUSIDA). Alors que 2 millions de personnes meurent chaque année et 2,7 millions ont été contaminées en 2007. En France, près de 150 000 personnes sont touchées par le virus dont 25 à 40 000 qui ignorent leur statut sérologique. Restons-en là pour les statistiques sans oublier que ces chiffres sont en réalité des vies humaines.
En ce qui concerne les traitements, ces dernières années n’ont pas amené de changements majeurs. Les antirétroviraux ont prouvés leur efficacité notamment pour ralentir ou empêcher le passage du VIH au SIDA. De nouveaux problèmes sont apparus en revanche notamment ceux liés aux effets secondaires de ces traitements. Un nouvel espoir est né grâce aux « Essais Thaï » qui montré une réduction de 30% du taux de transmission par des outils vaccinaux. Sommes nous en passe d’inventer un vaccin contre le VIH/SIDA ? La réponse est assurément non, nous en sommes loin comme en témoignait hier le professeur Jean-François DELFRAISSY, directeur de l’Agence Nationale de Recherche sur le SIDA lors des Etats Généraux des Elus Locaux Contre le SIDA.
Nous devons garder à l’esprit que le VIH, même correctement traité, a des conséquences graves et néfastes sur la qualité de vie des personnes et que le SIDA reste une maladie mortelle. Aussi la prévention doit rester la priorité.
C’est me semble-t-il la prévention qui doit être au cœur de l’action publique en 2010 en faveur de la lutte contre le SIDA. Dans ce domaine, nous pouvons regretter un bilan en demi-teinte. Certes l’épidémie semble se stabiliser pour la première fois malgré tout, jamais autant de personnes n’ont vécu avec cette maladie. De même, 40 000 personnes en France ignorent leur séropositivité !
Face à cette situation, la politique de prévention du VIH/SIDA dans les pays du nord est à un tournant de son histoire (la prévention arrive à « maturité » disait le professeur Jean-François DELFRAUSSY hier à Paris). Voici les enjeux qui me semblent les plus importants.
Tout d’abord, généraliser et adapter le dépistage à toute la population comme le préconise un récent rapport de la Haute Autorité de Santé.Il n’est plus acceptable que 40 000 personnes en France ignorent leur séropositivité. Sans aucune stigmatisation, les études montrent que les personnes qui ignorent leur statut sérologique ont plus de chance de contaminer de nouvelles personnes. C’est un maillon essentiel dans le chaîne de transmission du VIH/SIDA que nous devons rompre une fois pour toute.
Nous devons refonder intégralement le dépistage du VIH/SIDA en France pour que celui-ci ne soit pas le plus souvent consécutif à une prise de risque mais bel et bien généralisé à toute la population. Pour le majeure partie des personnes, je ne vois que des avantages à ce que ce dépistage soit proposé par des médecins généralistes formés. En revanche, dans les groupes particuliers (homosexuels, migrants, femmes, usagers de drogues…), cela pose la question du rôle du milieu associatif. Je pense que nous devons encourager le dépistage communautaire par des associations compte tenu de la prévalence de l’épidémie dans ces communautés et des difficultés rencontrées par le milieu médical traditionnel pour approcher ces personnes. A titre d’exemple, l’association AIDES, en partenariat avec l’ANRS, à mis en place depuis 6 mois un test à résultat rapide destiné aux hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes. Appelée COM’TEST, cette étude scientifique, notamment mise en place à Bordeaux, semble porter ses fruits. Le Ministère de la Santé pourrait la généraliser avant la fin de l’année 2010 afin de répondre aux recommandations de la Haute Autorité de Santé.
Dans les pays du nord, beaucoup de personnes contaminées sont des usagers de drogues. Face à cela, la Réduction Des Risques (RDD*) est un outil majeur qui a fait ses preuves. Alors qu’en 1990, 25% des personnes porteuses du virus étaient des toxicomanes, ils ne représentent que 2% des nouvelles contaminations aujourd’hui. De même, le nombre de morts par overdose a été divisé par 5 en dix ans. Malgré tout, la RDR peine à s’imposer comme un dispositif majeur de prévention notamment par le peu de soutien accordé à ces politiques par le MILT (Mission Interministérielle de Lutte contre la Toxicomanie). Là encore, une politique de prévention refondée ne pourra par faire l’économie d’un usage massif et encadré de la RDR.
Enfin, un travail important d’information sur les risques et les traitements reste à faire notamment chez les adolescents. N’oublions pas que la première relation sexuelle intervient de plus en plus tôt alors que la prévention s’est particulièrement concentrée sur les personnes majeures. Un autre exemple : la méconnaisse des Traitements Post Exposition (TPE) qui réduisent considérablement les dangers de contracter la maladie suite à une prise de risque.
Une prévention généralisée à tous, hommes, femmes, homosexuels, hétérosexuels et autres, c’est aussi une manière de lutter contre les discriminations liées à cette maladie, perçue comme une honte, « réservée » à une catégorie de population déviante.
La méconnaissance de la maladie et de ses modes de transmission dans les années 1980 a abouti au rejet des personnes séropositives. Un rejet familial, professionnel, médical mais aussi économique avec par exemple un accès réduit au crédit. Selon SIDA INFO DROIT, 60% des personnes séropositives sont victimes de discriminations et 65% ne font pas état de leur statut sérologique au travail. Le SIDA est encore une maladie invisible.
En 2009, 12 pays interdisent l’accès à leur territoire pour les personnes séropositives (Bien que concernés en 2008, les Etats-Unis sont modifient leur législation). La moitié des pays dans le monde mettent en place des obstacles à la libre circulation des personnes séropositives sans aucune justification médicale (le VIH/SIDA n’est pas une maladie contagieuse et la contamination fait appel à la notion de co-responsabilité) ou économique. Il s’agit d’une injustice profonde qui conduit certaines nations pourtant démocratiques (comme le Canada) à traiter les séropositifs comme des terroristes. Face à cela, l’association des Elus Locaux Contre le SIDA a mené une forte campagne de lobbying en 2008 et 2009 pour faire évoluer la législation.
Malgré tout, et dans une indifférence parfois profonde, de plus en plus de pays luttent contre les séropositifs et non contre le SIDA en criminalisant la séropositivité.
C’est pour lutter contre cette forme de discrimination que l’association des Elus Locaux Contre le SIDA et l’association Centr’Egaux viennent de lancer à Bordeaux une campagne de sensibilisation intitulée « Je suis séropositif ». Une plaquette d’information sera distribuée dans tous les lieux de vie du département de la Gironde.
>>> voir la vidéo de la conférence de presse publique
Je conclurais cette tribune par un double message.
Un constat alarmant : la mobilisation n’a jamais été aussi faible dans l’opinion publique. Tant chez les élus que dans les médias, le SIDA ne fait plus recette et c’est profondément regrettable. Il ne faudrait pas que la stagnation de l’épidémie mondiale se traduise par une baisse de la vigilance et une recrudescence des pratiques à risque.
Le SIDA se soigne aussi par la politique. Rien ne sera possible sans cette volonté des pouvoirs publics. L’ONUSIDA estime à 25 milliards de dollars le montant nécessaire pour un accès généralisé aux médicaments notamment dans les pays du SUD. Alors que les nombreuses ONG et associations qui œuvrent chaque jour avec des moyens réduits ne se sont jamais senties aussi seules, cet argent semble introuvable. Les plus grandes nations du monde ont pourtant trouvé 1000 milliards de dollars pour sortir de la crise et sauver notre système économique.
Alors qu’attendons-nous ?
Fabien ROBERT
Vice-président de l’association des Elus Locaux Contre le SIDA
Maire-adjoint de la ville de Bordeaux
* la Réduction Des Risques est une politique réaliste et pragmatique qui vise à réduire les risques sanitaires et sociaux liés à l’usage des drogues. Exemple : l’échange de seringues. A ce titre, deux association bordelaises font un travail exemplaire notamment à Saint-Michel : la CASE et le CEID