Voter pour rendre l’Europe aux peuples

par Patrick LOUIS
mardi 5 mai 2009

« L’Europe sans les peuples  » écrivait prophétiquement dès 2004 le député Berthu en analysant la constitution européenne. Seulement deux ans après la participation record des présidentielles, nous nous dirigeons vers une probable abstention record aux élections européennes. Stratégie élyséenne oblige, ni le débat médiatique ni la campagne de meetings n’ont encore démarré, alors que nous sommes à près d’un mois du scrutin !

Car si le débat s’ouvre, c’est l’Europe construite par l’UMP qui en sera la cible. Le Président Sarkozy prend alors seulement le temps de laisser Besancenot et le NPA surfer sur la vague des tensions sociales, un nouvel attirail prétendument antisocialiste qui finira sûrement, comme l’ouverture à gauche, par faire perdre la droite, ou du moins ses valeurs.

Surtout, les candidats de l’UMP, qui trépignent eux-mêmes pour faire campagne, éprouvent tout le mal du monde à embrayer leurs discours après avoir prononcé leurs sempiternelles exhortations insipides telles que « nous avons besoin de plus d’Europe », «  C’est beau l’Europe  », « Quand l’Europe veut, l’Europe peut », et ce devant des assemblées, presque vides ! Disons le sans ambages, les français se foutent de cette ritournelle des européennes, et ils ont en partie raison ! Et ce pour quatre raisons.

D’abord, l’Europe ne tient pas ses promesses
. L’UMP et le PS, qui n’ont sur l’Europe que des divergences minimes, nous promettent chaque fois un eldorado européen « la fois d’après ». Il est un fait qu’ils demandent aux français de réitérer leur confiance à chaque scrutin envers des institutions qui n’ont finalement jamais défendu leurs intérêts, ni été adaptés à leurs réalités économiques et sociales, mais dont on leur assure avec aplomb qu’elles le seront désormais.
 
La ruse fonctionnait au moment de faire ratifier les traités européens, qui, de Maastricht à Nice, incarnaient chacun leur tour la réforme ultime d’un système qui se rationalisait enfin. Sauf qu’une fois la supercherie découverte… le processus de ratification s’est vite éloigné du peuple, pour pouvoir continuer la marche forcée. En effet, depuis le « traumatisme » du 29 mai 2005, où les eurobéats ont compris par la force des urnes que les français ne les suivaient plus dans leur frénésie, la ratification du traité de Lisbonne a été soigneusement éloignée de tout processus référendaire, chaque fois que cela était possible. « La voie parlementaire est aussi démocratique » nous dit-on. Soit, dans ce cas, comment expliquer l’écart entre une Assemblée nationale qui ratifie le traité constitutionnel avec un Oui soviétique qui plafonne à 95%, et un référendum qui porte le Non à 55%.

Et si aujourd’hui le Non irlandais pose problème, il faut les faire revoter, quitte à leur mentir. Dans ce cas, pourquoi ne pas faire revoter également les Etats qui ont dit Oui par voie parlementaire ? Un exercice périlleux, quand on sait que des promesses faites d’emploi, de prospérité et de richesse culturelle, nous ne récoltons aujourd’hui que les réalités du chômage, de l’inflation et de l’immigration.

L’Europe est loin, deuxième cause de désaffection des français. Loin et sourde, quand elle ne perçoit pas les malaises d’une région, d’un secteur économique ou d’un métier qui meurt. Sourde comme pour un séisme dont, à plusieurs centaines de kilomètres, on ne ressent que vaguement les secousses sismiques. Loin, physiquement loin, enfermée dans le « caprice des Dieux », surnom des gigantesques immeubles de Bruxelles, où se décide la pluie et le beau temps sur 490 millions d’européens. Dans ce carrefour des illuminés, les commissaires confient chaque jour plusieurs centaines de rapports aux députés européens sur des sujets qu’ils ne connaissent pas, et qui s’empressent alors d’écouter les conseils aussi avisés qu’intéressés des 15.000 lobbyistes officiels qui les entourent malicieusement. Toute l’Europe se passe en effet à Bruxelles dans les navettes entre Commission et Parlement, ce malgré le simulacre de Strasbourg dont on maintient l’existence, pour faire croire que l’Europe actuelle est la continuité de celle de ses fondateurs du Traité de Rome, alors qu’elle en est l’antithèse.
 
Cette Europe est loin, loin de réalités simples qu’elle ne comprend pas, loin des difficultés économiques de pays qu’elle ne veut pas aider, au nom d’une sacrosainte vision de la libre concurrence, elle qui suit le sillon de l’Organisation mondiale du commerce qui souhaite en réalité organiser le commerce du monde. Voilà une Europe soixante-huitarde qui interdit d’interdire la concurrence déloyale, mais qui paradoxalement se trouve très proche des français au moment de les empêcher de travailler : quotas de pêche insensés, étiquetage de dangerosité des fromages, normes ruineuses de production, de pollution et de consommation : le « meilleur » est sans doute pour la suite. Mais que n’a-t-on dit en dénonçant ces dérives, « populistes » que nous sommes. L’Europe des eurobéats n’a pas besoin de la crise pour tuer des pans économiques entiers, elle a deux armes plus puissantes : le règlement et la directive.

Car l’Europe est une bulle technocratique indécente, a fortiori dans les moments difficiles comme ceux que nous vivons aujourd’hui. Plus de 40.000 fonctionnaires s’agitent dans la ruche bruxelloise, et redoublent d’inventivité pour tout normer, depuis la taille des cages à poule jusqu’à celle des béquilles de moto, en passant par le lettrage des pneumatiques de tracteur agricole. Un bêtisier quotidien qui alourdit les coûts de production et qui fait la fierté des députés qui en sont les rapporteurs, car il leur permet de pointer orgueilleusement en tête du classement d’activité parlementaire, eux qui n’ont pas compris que la politique des commissions est surtout la politique des omissions, à force de ne plus savoir ce dont a besoin la France.

Le système européen actuel (et voulu) fait même pire, il va contre leur volonté. Avec le transfert incessant de compétences de la France à l’Europe, qui a confondu subsidiarité et jacobinisme, 80% des lois se décident à l’échelon européen… et se décident à la majorité des Etats, en lieu et place de l’unanimité. Ce qui signifie que l’essentiel du travail d’un élu ou fonctionnaire français en poste à Bruxelles ne consiste pas à agir pour la France, mais à préserver le peu qu’ils puissent, si par chance une majorité favorable se dégage. Une logique de législation subie qui arroge même le droit à l’Europe de décerner de lourdes amendes aux pays qui tardent à faire appliquer les nouvelles lois, souvent dans l’intérêt de leurs ressortissants. Une soumission dans quel but ? Nul ne le sait.

Personne ne connait la direction de l’Europe, hormis quelques fédéralistes. Les vrais fédéralistes, qui militent pour la disparition pure et simple des Etats et des nationalités au profit d’un Etat européen unique, sont en réalité une poignée. L’écrasante majorité des courants politiques ne sait pas trop jusqu’où vider la coquille étatique, et dans quel sens orienter cette construction sans fin, elle suit alors le courant fédéraliste, qui lui ne manque pas d’idées.
Ce déboussolage vaut autant en matière institutionnelle que sur le plan de l’élargissement, où les atermoiements n’en finissent plus avec la Turquie, qui bénéficie aujourd’hui d’un confortable statut de candidat officiel, rétribué à hauteur de 564 millions d’euros annuels, et membre observateur du parti européen PPE, dirigé par l’UMP. Surtout, l’Europe ne sait pas où elle va parce qu’elle s’est construite selon des desseins d’utopie économique et juridique, en contournant l’hétérogénéité de nos pays, et en oubliant ce qu’elle aurait pu être véritablement, et doit être à partir de maintenant : une volonté politique.
 
Voilà pourquoi, pour changer d’Europe, nous avons besoin d’une participation massive le 7 juin prochain. Un souffle démocratique est nécessaire pour réorienter l’Europe vers une volonté politique beaucoup plus naturelle, celle proposée par Philippe de Villiers, dotée d’un fonctionnement administratif plus simple mais finalement plus ambitieux dans les bienfaits. Pour mettre fin aux décisions qui se prennent dans l’ombre, les français demandent une vraie transparence en Europe, eux qui ne comprennent pas que ce soit une Commission européenne nommée qui concentre tous les pouvoirs, alors que nous leur demandons tous les 5 ans d’élire un Parlement, qui n’est dépositaire que d’un pouvoir résiduel.

Ce fonctionnement européen simple, efficace et transparent, c’est celui qui se base sur les gouvernements et les Parlements des Etats pour décider ensemble au sommet, dans le respect de la voix et de la légitimité de chacun. D’une Europe qui s’est perdue, Libertas en est le GPS, qui rendra l’Europe aux peuples, ses vrais propriétaires.

Et si nous recollons le lien démocratique, que nous avons brisé, entre les suffrages des peuples européens et les décideurs de l’Europe, si nous leur rendons la liberté de choisir la direction de l’Europe, que nous leur avons volée, alors nul ne doute qu’ils retrouveront l’enthousiasme et la confiance nécessaires pour croire à nouveau en l’Europe, la leur.
 

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