La patate transgénique, pomme de discorde des européens

par Henry Moreigne
jeudi 7 décembre 2006

A la demande de la Commission européenne, les experts environnementaux des 25 ont débattu lundi 4 décembre d’une demande d’autorisation de culture à des fins industrielles d’une pomme de terre transgénique, demandée par le géant chimique allemand BASF. Aucune décision n’a été prise.

 Ni autorisée ni interdite. Faute de majorité qualifiée, la demande de culture industrielle de pomme de terre transgénique se trouve aujourd’hui dans le no man’s land de la technostructure européenne. Royaume-Uni et Allemagne auraient voté pour. Italie et Pologne contre. La France se serait abstenue. La demande n’est pas pour autant abandonnée. Elle sera examinée dans les trois mois qui viennent par les ministres européens de l’Environnement. Si aucune majorité qualifiée ne se dégage à nouveau, c’est la Commission qui devrait décider d’autoriser cet OGM, suivant en cela l’avis favorable émis par l’Agence européenne de sécurité alimentaire (EFSA) de Parme.

Bien que la demande d’autorisation ne porte pas sur des cultures à destination de l’alimentation animale ou humaine la décision qui sera prise est particulièrement attendue. Ce serait le premier aliment génétiquement modifié autorisé à la culture dans l’UE depuis la fin du moratoire européen sur les OGM en 2004 après l’adoption d’une nouvelle législation sur l’étiquetage et la traçabilité. Même si la modification génétique apportée à cette pomme de terre ne vise qu’à disposer d’un légume plus riche en amidon, à des fins industrielles, elle n’écarte aucune des questions posées par les opposants aux OGM et, à ce jour sans réponse.

La question la plus sensible consiste à savoir si la consommation d’organismes ayant été modifiés génétiquement peut avoir des conséquences sur la santé. Force est de constater que depuis 1998, aucune avancée n’a été faite dans ce domaine. Le moins que l’on puisse dire c’est que les grandes multinationales qui sont derrières les OGM, de Monsanto aux USA à Limagrain en Auvergne, cultivent et imposent le secret souvent avec la complicité des états sur les recherches qui sont menées. Corinne Lepage, Présidente de Cap 21, s’est ainsi vu opposer une fin de non recevoir à la communication de certaines études.

A ce jour, aucune étude scientifique n’a conclu à l’innocuité d’une consommation des OGM. Au contraire des recherches faites sur la consommation de maïs transgéniques par des poules ou de pommes de terres transgéniques par des rats attesteraient du contraire. Ainsi selon des travaux menés en 1998 en Ecosse au sein du Rowett Research Institute d’Aberdeen, des rats de laboratoire se seraient affaiblis en consommant des pommes de terre génétiquement modifiées. Globalement, faute de certitudes, les scientifiques s’accordent sur un point au moins : la prudence s’impose.

Autre question sans réponse, le confinement. Comment en effet éviter de voir se diffuser dans la nature les OGM. Quelles seront les interactions sur les milieux environnants ?? Là aussi la prise de risque est bien concrète. Les enjeux économiques doivent-ils l’emporter sur un simple principe de précaution ? Le débat laisse dubitatif plus d’un européen.

Il serait regrettable qu’une question aussi sensible soit tranchée par une Commission Européenne dépourvue de toute légitimité démocratique et fortement liées aux milieux économiques. Le débat relèverait pour le moins de l’enceinte du parlement européen. Sous réserve que nos eurodéputés veuillent bien se réveiller.


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