La chronique mondaine

par François Briend
lundi 2 avril 2007

Le 27 mars 2007 vous vous retrouvez aux dix ans du magazine Marianne au cirque d’hiver. Il y a du bon vin, des huîtres, des plats mitonnés par Paul Bocuse et Marc Verra et un petit concert de Delpech.

Vous vivez à Paris et appartenez à la classe moyenne trentenaire, c’est-à-dire que vous gagnez de quoi vivre dans un studio dans un quartier nord-est, vous n’avez pas de voiture, vos parents ne vous aident plus et vous n’avez pas hérité. Vous travaillez en open-space ou dans une boutique, peut-être avez vous le job qui vous faisait envie à une certaine période de votre vie, quand au CIDJ on vous avait vanté les joies du travail de bureau, mais vous l’exercez depuis trop longtemps, ce travail, et pas assez pour qu’ il vous rapporte un max. Vos relations à Paris sont pauvres, vous êtes provincial au fond et vous ne vous y ferez jamais. Vous êtes trop vieux déjà pour fumer des joints et trop jeune pour vous bourrer la gueule tranquille au vin ou à la bière devant un programme du câble. Alors le soir, l’idéal serait de sortir un peu pour vous amuser, mais déjà vous ne récupérez plus comme avant et surtout, vos moyens vous empêchent d’aller dans les endroits plaisants pour rencontrer autre chose que ces pauvres nazes d’employés comme vous qui peuplent les bars pas trop chers (quoi que quand même) des quartiers branchés. Un jour une connaissance vous branche sur l’incruste de soirée, vous entraîne et vous comprenez que pour retrouver la kermesse, le disco-mobile, la soirée barbecue, bref le genre de parenthèse où il y a moyen de boire, danser et draguer sans trop de frais, sans videurs menaçants, sans connasse vous réclamant un cocktail au champagne, sans barman faux cul et sans DJ arrogants, c’était là qu’il fallait être.

Depuis vous enchaînez, soirée Vuiton-Pernod-SFR, vous enchaînez. Puis des idées se mettent en place, parce que ce n’est jamais de votre monde qu’il s’agit et que vous voyez tout. Comme par exemple ce 26 mars 2007 dans le VIP d’une boîte du quartier du Louvre, ces filles qui ne vous regardent pas, qui se montrent si dures à avoir, et qui pourtant font la queue devant un rapeur américain avec l’espoir de lui offrir du sexe. C’est étonnant comme des filles peuvent se montrer si salaces dans ce genre de configuration, si dépourvues de dignité et de pudeur, si étrangères au concept d’humiliation. Elles convoitent une célébrité d’une façon primaire puis, après s’être fait jeter, vont faire dans le subtil pour maintenir l’idée qu’elle sont dures à avoir. Ce qui est sûr, c’est que c’est dur de devenir un rapeur américain.

Le 27 mars 2007 vous vous retrouvez aux dix ans du magazine Marianne au cirque d’hiver. Il y a du bon vin, des huîtres, des plats mitonnés par Paul Bocuse et Marc Verra et un petit concert de Delpech. C’est une bonne soirée. Pour l’incrusteur, une bonne soirée, c’est d’abord une soirée où l’organisateur a mis le budget. Les magazines de gauche mettent en général le budget. Le Canard Enchainé fait tous les ans une fête immanquable. Libération aime bien les soirées à haute valeur ajoutée en petit comité. Technikart est assez irrégulier, ils font souvent des soirées qui vont de l’Open Bar Campari d’une heure à la totale Ruinart-Fauchon. Étrangement, ce sont dans les soirées de gauche qu’il est le moins aisé de pénétrer, où on mange et bois le mieux, et où on baise le moins. A l’opposé du monde progressiste et généreux, les soirée corporate à tendance traditionaliste (milieu du petit commerce, de l’agroalimentaire, etc.) sont en général low-value mais on baise beaucoup plus car les femmes, je pense, supportent moins l’alcool et s’extasient plus facilement. Enfin bon, c’est pas bien de généraliser.

À suivre...


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