Télé : faut arrêter de décoder !

par S. Lampion
jeudi 8 juin 2023

Pour CNRTL, un code est un ensemble de signes rendant possible la communication, un système de symboles convenus, permettant l'enregistrement et la transmission d'une information. Code écrit, code oral. Le langage mathématique est un code. L'informatique utilise des codes. En linguistique, il s'agit d'un système de signes et de règles permettant la production et la réception des énoncés.

Mais, à la télévision, l'utilisation de codes va plus loin que ce que décrit CNRTL, et les codes peuvent être visuels, gestuels, etc. Le langage du corps en dit souvent plus long que les paroles à qui sait les décrypter. Le visuel est plus qu'un renfort pour la parole et le langage dans un message "audio-visuel". Les décors, les costumes, les mises en situations, le choix des interlocuteurs et la sélection des présentateurs sur des critères esthétiques autant que professionnels ne sont pas neutres. Ils sont porteurs de références implicites qui s'adressent à l’inconscient, tellement intégrées qu'on ne les discerne pas toujours, et que nous ne nous rendons pas compte de l'influence qu'ils jouent sur nos convictions, convaincus que nous sommes de gérer notre libre-arbitre.

Quelques exemples :

journal télévisé

publicité

fictions et séries policières

propagande

 

Une communication est un échange de signes de reconnaissance, verbaux ou non verbaux, entre deux personnes, c'est-à-dire un stimulus et une réponse à ce stimulus, mais l’échange n'est pas toujours transparent : il peut être à double-fond quand une seule phrase ou l'image et le son comportent deux messages :

Par exemple :

Si la réponse est oui et que le "récepteur" s'en va après son verre en disant merci, l'"émetteur"sera sans doute déçu, car il avait "entendu" le oui comme une réponse à son message caché ! Dans ce cas, la réponse aurait pu être "Alors juste un verre", sous-entendu non au message caché (et non qu'il/elle n'a pas très soif) : et l'autre était fixé. En revanche, si la réponse est non, il est préférable de ré-envisager la relation…

Mais avec la télévision, vous ne pouvez pas répondre et les messages cachés s'impriment sans entraves dans votre cortex. L'audiovisuel, comme la publicité et la fonction de "porte-parole", n'ont de "communication" que le nom : il n'y a pas d'échange, pas de dialogue. C'est à sens unique. Ce sont des outils d'information et de promotion. Dans "convaincre", il y a "vaincre".

Pavlov a fait des émules et ça ne marche pas que sur les chiens, à condition que le grand public ne décode pas trop, ce qui n'est pas demain la veille, à en croire les résultats électoraux.

Benoît Delépine (incarnant le reporter Michael Kael de Grolandinfo), Jean-François Halin et Bruno Gaccio avaient bien analysé et illustré tout ça dans les guignols de l'info, émission qui mettait en scène, entre autres, monsieur Sylvestre (beuargh), caricature démystifiée du héros idéologique. Mais la reprise en main éditoriale de l'émission par Vincent Bolloré en 2015, s'est traduite par le remplacement de tous les coauteurs, d'une ligne éditoriale sous contrôle et d'une baisse importante de son budget. L'émission s'est arrêtée définitivement en 2018, et Canal+ a arrêté de décoder.

Pasmoi.

 


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