@Annie,
Je veux bien plaider coupable et déclarer que je suis un salaud de préférer regarder des corps élégants plutôt que des corps difformes, et vous me donnez mauvaise conscience, mais le fait est là et je serais tout à fait hypocrite de vouloir, dissimuler ma préférence sous un discours bien-pensant.
Je ne pensais pas du tout aux trisomiques ou à tous ceux qui sont affectés par des infirmités pénibles et incurables. On peut bien être extrêmement démoli physiquement, cela n’empêche pas qu’on reste une personne, et je préfèrerais passer une heure à discuter avec le physicien Stephan Hawking cloué à son fauteuil de paralytique et désormais incapable même de s’exprimer sans une machine qu’avec un apollon adepte du culturisme. Et quand ce sont les facultés intellectuelles qui sont amoindries comme dans le cas des trisomiques, il reste tout de même une communication possible, par empathie, et un dépassement du handicap : l’intelligence n’est pas seulement verbale, c’est beaucoup plus compliqué que cela. Dans tous ces cas, l’individu que la maladie a quelque peu amoindri se sent évidemment toujours un peu menacé de n’être plus tout à fait une personne à part entière et c’est à l’entourage qu’il revient de le persuader du contraire. Mais on est loin du point de débat qui a motivé votre intervention. Dans le cas qui nous occupait, on a affaire à des personnes capables de vivre tout à fait normalement, qui devraient s’assumer comme telles, et qui préfèrent apparemment la servilité résultant d’une réification qui leur est imposée de l’extérieur. C’est ça qui est très choquant et inacceptable dans une civilisation qui en a fini depuis des siècles avec l’esclavage.
@Babylon
Je ne vois pas comment Dieu, qui n’a jamais existé, pourrait vouloir que les femmes se transforment en épouvantails. On commence à être un certain nombre à en avoir marre de ces sortes de conneries et de ces agenouillements devant des croyances du haut moyen-âge.
On n’a évidemment rien contre ces malheureuses musulmanes qui sont les premières victimes d’une religion archaïque et obscurantiste. Il a fallu deux siècles pour obliger les curés à mettre une sourdine et cesser d’emmerder les gens qui disposent d’un cerveau. Vous ne pensez tout de même pas qu’on va revenir en arrière ? Ecrasons l’infâme, disait Voltaire, parlant du christianisme. L’INFAME revient aujourd’hui sous la forme des mollahs iraniens et des prêcheurs fanatisés des banlieues manipulés par le wahhabisme. Il subira le même sort que le christianisme. Il n’y a rien là-dedans qui procède du racisme ou de la xénophobie. C’est dans l’intérêt des musulmans eux-mêmes, qui sont avant tout des êtres humains, que l’obscurantisme doit être anéanti, d’où qu’il vienne.
"Et la cordon de chiotte qu’est une cravate que tous crétins portent est aussi un symbole sexuel ?«
Teddy bear,
Dans la théorie freudienne et sa »Traumdeutung", la cravate est effectivement un symbole phallique. La théorie freudienne est complètement erronée, mais elle a été tellement vulgarisée que désormais, tout un chacun croit devoir l’appliquer. C’est ce qui fait que beaucoup de femmes peuvent rire de certaines cravates un peu extravagantes, elles croient souvent y décoder une prétention virile à la limite de l’exhibitionnisme, toujours révélatrice en tout cas d’un incurable mauvais goût.
Je ne vois pas, puisqu’apparemment vous voulez démolir mon explication, pour quelle raison vous donnez cet exemple qui serait plutôt de nature à la renforcer en faisant apparaître que le vêtement et la parure sont bien plus capables d’exprimer la provocation sexuelle que la simple nudité lorsqu’elle ne s’accompagne d’aucune gestuelle suggestive. Ce que vous êtes en train de nous dire, c’est que la cravate a la même fonction que la burqa - en moins radical tout de même ! Oui, vous avez raison, cela ne fait aucun doute.
"J’aimerai connaître la définition d’une excessive difformité. À partir de quel moment une difformité devient-elle excessive ?«
Annie,
Mon expression n’est pas très heureuse, et je m’en suis aperçu trop tard. Je voulais dire simplement que dans un monde civilisé, la nudité n’attire pas particulièrement l’attention. Mais une femme de cent-cinquante kilos - et aussi bien un homme ! - ça se remarque, et c’est moins agréable à regarder qu’un défilé de mannequins !
J’ai écrit ça un peu vite. J’aurais dû ajouter : un corps nu, c’est sans doute un sexe, évidemment, mais aussi deux pieds, deux mains, un ventre, un torse, un dos, bref, tout un ensemble, et cet ensemble n’est que le socle supportant un visage avec ses expressions particulières, lequel fait que ce corps n’est pas perçu simplement comme un corps mais qu’il est une PERSONNE. Dans le port de la burqa et de ses équivalents vestimentaires, ce qui est effacé, gommé, radicalement nié, c’est la personne elle-même, comme si elle ne pouvait être rien d’autre qu’un sexe propre à déclencher immédiatement le rut du comportement bestial.
Sosthène de La Rochefoucauld, ministre des Beaux-Arts sous la très pudibonde Monarchie de Juillet avait imposé qu’on allongeât les jupes des danseuses de l’Opéra. Il avait aussi voulu que, dans les musées, on dissimulât le sexe des statues antiques sous une espèce de petit emplâtre. Dans sa préface à »Mademoiselle de Maupin", Théophile Gautier fera remarquer au grotesque censeur qu’il n’a pas, lui, l’habitude de ne fixer son regard que sur un endroit particulier des statues !
Il souligne par là le caractère extraordinairement frustré et vicieux du regard puritain. Le puritain, qu’il soit chrétien ou musulman (cela procède toujours des interdits religieux) est le type même de l’obsédé sexuel refoulé. Ce qui est obscène ce n’est donc pas la nudité, mais la volonté crispée de la dissimuler qui révèle une profonde ’incapacité à l’envisager sereinement et à discipliner ses instincts.
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"Lorsque je vois au marché une femme voilée, j’ai envie de lui cracher dessus« Et pourquoi questionnais-je ?. »Je ne sais pas, c’est plus fort que moi«
à l’auteur,
Au lieu de présenter comme un monstre l’individu qui réagit de cette façon, et qui est de toute évidence un peu primaire puisqu’il ne comprend même pas le pourquoi de sa réaction, vous feriez mieux d’essayer de comprendre ce qu’il y a de choquant, pour tout citoyen civilisé, à se trouver confronté à ses sortes de spectacles.
Une femme nue ou quasi nue à la piscine ou sur une plage, si le sens esthétique n’est pas heurté par une excessive difformité, dans un pays civilisé où la frustration sexuelle n’est pas si répandue que tous les hommes se comportent comme des obsédés, on ne la percevra nullement comme un objet sexuel ; dans la plupart des cas, si elle n’est pas d’une beauté exceptionnelle, on ne la remarquera même pas. Si elle est très belle, on admire, ce qui n’est certes pas un crime, et c’est tout. En tout cas, sa nudité ne sera jamais perçue par un individu normal comme une provocation ou une autorisation à lui sauter dessus. La nudité est sans malice.
En revanche, quand vous voyez passer l’espèce d’empaquetage qu’on appelle une burqa, vous êtes naturellement induit à vous demander ce que »ça" cache. Et ce que ça cache est par définition non pas même une femme, un être humain, mais un objet sexuel : la femme sous burqa est un sexe et rien d’autre. Le paquet vous dit : il y a du sexuel là-dessous, mais tu n’y toucheras pas, c’est propriété privée - comme si on ne pensait qu’à cela ! Paradoxalement, la burqa (et même les voiles qui laissent voir le visage) fonctionnent donc, au-delà de toute mesure, comme un dispositif exhibitionniste, au sens sexuel du terme. Et ce qui est choquant, c’est donc, en définitive, le caractère réellement obscène de ce spectacle lequel, de surcroît, dans un pays où les femmes sont libres semble vouloir dire aux autres : je ne suis pas, comme vous, une catin qui laisse voir son corps.
Le jour où on arrivera à faire comprendre aux femmes musulmanes qu’en se dissimulant comme elles le font, elles réalisent paradoxalement et virtuellement une véritable exhibition sexuelle tout à fait indécente et même obscène, on aura peut-être quelque peu avancé. Je pense que le type de réaction que vous rapportez ressemble assez à celui de n’importe quel citoyen qui surprendrait au coin de la rue le manège ridicule de l’exhibitionniste réduit lui aussi à n’être plus qu’une misérable partie de lui-même.
à l’auteur
Vous vous complaisez, me semble-t-il, dans des confusions extrêmement pernicieuses. Quand les philosophes des Lumières partaient en guerre contre le christianisme toujours synonyme, dans l’Encyclopédie, d’obscurantisme ; quand Voltaire signait ECRELINF (écrasons l’infâme) l’infâme étant le christianisme, parlerez-vous de racisme et de xénophobie ? Les chrétiens français du XVIIIe siècle sont-ils d’une autre « race » que Voltaire ? Sont-ils d’origine étrangère ?
Ce qu’il y a d’odieux pour le philosophe, dans le fanatisme religieux, cela se limite-t-il à la sphère particulière du christianisme ? Est-ce qu’il ne se rencontre pas un certain fanatisme dans l’islam new look importé depuis une vingtaine d’années de l’Arabie Saoudite ou de l’Iran ? Un individu comme Mehra, qui se réclame de cette tendance de l’islam, vous semble-t-il qu’il ne relève aucunement du racisme et de la xénophobie ?
Bref, ou bien vous êtes de mauvaise foi et vous vous appliquez à mettre en oeuvre la politique du pire ou bien vous êtes complètement aveugle.
Pour mettre encore une fois les points sur les i : être hostile à l’islam, religion de plus en plus oppressive et fanatique (ce n’était pas le cas il y a vingt ans) cela fait partie du combat philosophique, cela n’a rien à voir avec les notions de racisme ou de xénophobie. Je ne suis pas plus raciste en m’opposant à l’islamisme intégriste qu’en attaquant l’intégrisme chrétien. Je mets en question un système de croyances pernicieux, et en le critiquant, je lutte de surcroît pour la défense des pauvres bougres aliénés dans leur crédulité qui sont les premières victimes de ces religions mortifères.
"Vous n’avez pas bien compris. Le FN n’est l’abjection fascisante que pour ceux qui considèrent que c’est une abjection fascisante. Moi, ce n’est pas mon avis."
@schweizer.ch
Pour les éléments les plus féroces de la Waffen SS, il va de soi que la vision du monde du Führer et les comportements qu’elle leur commandait, même les plus horribles, ceux qui furent jugés ensuite par le tribunal de Nüremberg, tout cela n’avait absolument rien d’abject, c’était même particulièrement exaltant. C’était abject pour ceux qui voyaient cela de l’extérieur, ceux qui, dans tout l’Europe, se sont efforcés de résister.
J’ai donc parfaitement compris que vous étiez dans la même erreur tragique. Vous regardez le monde à travers des lunettes qu’on vous distribue gratuitement et vous n’imaginez même pas qu’il puisse y en avoir d’autres ou même qu’on puisse se passer de lunettes colorées et regarder le monde tel qu’il est.
schweizer.ch
Je me suis abstenu de voter pour les pieds nickelés qui étaient en concurrence, mais si vous en êtes à considérer qu’il n’y a pas d’autre alternative que l’UMPS et le FN, c’est à dire le choix entre une démocratie un peu essoufflée et l’abjection fascisante, vous manquez singulièrement d’imagination. C’est comme si vous me disiez que les Italiens et les Allemands, dans la crise européenne qui suit la grande guerre n’avaient pas eu d’autre choix que Mussolini et Hitler. Ils ont fait le choix du pire et le moins qu’on puisse dire, c’est qu’à terme cela ne leur a guère réussi et c’est justice. Continuez donc à vous faire le larbin de pareilles idéologies si cela vous amuse, mais vous en paierez lourdement les conséquences.
Je vois que les petits soldats à la solde du FN ont pris position dans le débat. Le mieux est encore de les laisser se congratuler et de les regarder de loin cracher leurs insanité. On verra mieux ce qui croupit au fond de leurs cervelles et la démonstration que l’article propose y trouvera ainsi son immédiate confirmation.
@Cigogne67
« Avorter pour avorter ». Est-ce que vous vous rendez compte de ce que vous écrivez ? Connaissez-vous beaucoup de femmes pour qui l’avortement puisse être si agréable qu’elles en redemandent ? Quand les artistes du XIXe siècle parlaient de « l’art pour l’art », c’est qu’ils aimaient l’art passionnément. Je doute qu’on puisse aimer passionnément la perspective de se faire charcuter l’abdomen.
Une femme qui avorte, c’est une femme qui, à un moment donné ou d’une manière définitive préfère une intervention pénible à tous égards à un état qu’elle n’a pas délibérément choisi. C’est sa liberté, c’est elle qui prend la décision, et personne ne peut se permettre de porter un jugement là-dessus.
@schweizer.ch
Vous devriez arrêter de prendre les Français pour des cons. Quand ils auront compris de quoi il retourne et quel type d’abjection les menace, ils feront machine arrière. Si les journalistes avaient fait correctement leur travail d’information, on n’en serait pas là.
à l’auteur
Vous faites un travail d’information qui aurait dû être fait par les journalistes des media de grande diffusion. Mais depuis des mois, ceux-ci - qui doivent pourtant savoir de quoi il retourne - n’ont fait que banaliser le FN, en faire un parti comme un autre ; en tout cas, presque acceptable, qui aurait définitivement renoncé aux orientations fascisantes de ses débuts.
Or, ce que vous faites apparaître, c’est le bien le caractère rétrograde, obscurantiste et carrément fascisant de cette mouvance.
Avec d’un côté la montée de l’intégrisme musulman qui exhibe des femmes transformées en objets sexuels et empaquetées des pieds à la tête, de l’autre le FN avec ses conceptions familialistes héritées de régime de VIchy, les femmes risquent de se retrouver dans de beaux draps.
Il est plus que jamais nécessaire de dénoncer ces abominables dérives et votre article y contribue. Feu à volonté sur l’obscurantisme !
à l’auteur
Quand on déteste à ce point les femmes, je ne vois vraiment pas où serait la difficulté, vous n’avez qu’à cesser de penser à elles et les oublier complètement, elles ne s’en porteront que mieux, parce que je doute que vos insultes puissent en rien leur être agréables.
Il ne me viendrait évidemment pas à l’esprit de vouloir prendre la défense des socialistes, ils sont abominables à tous égards, mais bientôt, grâce à eux, vous pourrez même épouser un homme. Cela résoudra tous vos problèmes.
à l’auteur,
Je me garderai bien, ne connaissant la physique quantique que par ses vulgarisations, et étant assez incapable d’entrer dans les développement mathématiques qui permettent de la formaliser ; d’ajouter quoi que ce soit à votre article, encore moins de le critiquer, mais j’en ai trouvé la lecture, qui m’en rappelait bien d’autres, plus agréable que les éternels débats sur les élections passées et à venir. Au moins, on est ramené à l’essentiel, même si c’est pour devoir constater qu’il demeure très opaque et qu’on n’y comprend pas grand chose.
Je me contenterai de vous suggérer de nous parler une autre fois de l’ordinateur quantique et des difficultés touchant à la notion de décohérence qui font que cette charmante petite machine ne remplacera pas avant un certain temps les systèmes fort primitifs qui sont sur nos bureaux et sans lesquels pourtant nous ne saurions déjà plus vivre.
",l’espoir d’un discours politique qui ne discrédite pas sans arrêt les enseignants.."
Rosemar,
Après Allègre, qui pratiquait la politique du coup de pied au cul, on a eu Lang, le spécialiste des pommades antalgiques. Les profs qui détestaient Allègre, d’un seul coup, se sont sentis beaucoup mieux. Caressés dans le sens du poil, ils ont repris l’affreux harnais et recommencé à appliquer sans broncher les orientations désastreuses qu’on leur imposait et dont je les tiens pour responsables autant que les ministres successifs. Ils auraient pu refuser dès le début, ils ne l’ont pas fait parce qu’ils faisaient confiance à des socialistes pour qui ils avaient voté. Il serait temps, me semble-t-il, qu’ils cessent de se comporter comme des crétins qui s’approchent dans une rue mal famée d’une partie de bonneteau où ils vont se faire plumer. Que cela leur arrive une fois, passe encore, mais s’ils recommencent sans avoir su tirer les leçons d’une première expérience, c’est vraiment à désespérer.
"L’époque devrait nous amener à enseigner très tôt la rhétorique (pour mieux détecter les sophismes et autres arnaques intellectuelles) et la lecture des images, par lesquelles passe la communication, majoritairement frelatée."
@focalix,
C’est extrêmement drôle, ce que vous écrivez. Pour détruire l’enseignement du français, c’est ce qu’on a fait, on a réintroduit l’étude de la rhétorique. Les textes sont devenus des prétextes à la chasse aux figures de style, à une étude fumeuse des tonalités et des styles. On induisait les élèves à considérer la forme et à faire abstraction du fond, à distinguer par exemple l’argumentatif du narratif. On peut par exemple, proposer un texte argumentatif de Pascal et un autre de Voltaire qui, sur le fond, diront des choses extrêmement opposées, mais on sera très content si l’élève a vu que dans les deux cas on est dans l’argumentation. Pour l’élève dressé à ces sortes de comportements, peu importe le sens, et il considèrera bientôt que Pascal et Voltaire, c’est à peu près la même chose. C’est de cette manière-là qu’on fabrique des crétins.
Pour des élèves intelligents et bien formés, la connaissance de la rhétorique peut évidemment être un plus, mais pour des élèves qui en sont aux rudiments, imposer ça, c’est criminel. C’est recommencer la même erreur qui avait été faite à la fin des années 60 en mathématiques sous l’influence de Bourbaki : partir de la théorie cantorienne des ensembles qui avait pour fonction, à un niveau très supérieur, d’unifier les mathématiques. Le résultat, c’est qu’on a dégoûté des maths beaucoup de jeunes. C’est exactement comme si, demain, on voulait commencer l’étude de la physique par la relativité générale et la théorie quantique ou, mieux encore, par les théories de grande unification encore inabouties. Ce serait du sadisme pur.
Soi Même
Votre prose est répugnante. Digne de « Je suis partout ».
Najat,
Je vous disais que vous étiez en train d’appliquer à l’islam un traitement qui maquille sa sénilité. Je n’avais rien contre ; maintenant, si vous aimez les « vieilles peaux », je ne vois pas pourquoi vous ne vous ralliez pas à un wahhabisme qui veut nous ramener, et jusqu’à la fin des temps, au monde tel qu’il se présentait au VIIe siècle, qui préfère adapter le monde à un Coran momifié plutôt que d’en réinterpréter le texte au gré des évolutions du monde. Or, vous n’irez tout de même pas jusqu’à prétendre que ce monde du haut moyen-âge nous apparaît plus « beau » et meilleur que l’actuel.
Un philosophe « digne de ce nom » ne se moque pas du corpus des textes religieux, c’est plus simple que cela : il s’en fout complètement, il n’y pense que lorsque la chose rencontre par hasard son chemin. Dans la rue, il y a une quantité de bagnoles, je ne les vois même pas, je ne thématise jamais leur perception, sauf quand je vois surgir à un carrefour, comme hier, une vieille Citroën « deux chevaux » des années 60 qui est comme l’irruption dans le présent d’un monde disparu. Il ne vous viendrait pas à l’idée non plus de vous demander si je prends bien soin de mon cheval, vous pouvez aisément penser qu’un Parisien de Belleville au XXIe siècle n’a pas besoin du bourrin qui eût été indispensable pourtant à un contemporain du Prophète. Eh bien, je n’ai pas plus besoin d’une religion que d’un cheval et je ne pense jamais à acheter du foin ni de l’avoine.
« Athéisme primaire », dites-vous, et je rigole ! Ce qui est primaire, c’est la croyance, c’est la foi du charbonnier, la croyance absolument infondée de qui est persuadé, sans trop savoir comment que Dieu existe, ou, tout aussi bien, qu’il n’existe pas. Or, j’ai pris soin d’emblée de vous le dire, cette alternative ne me préoccupe pas le moins du monde. Si Dieu existe, c’est son affaire, assurément pas la mienne ; au reste je ne suis pas méchant au point de lui souhaiter d’être. Ces questions ne me travaillent pas plus, à vrai dire, que de savoir s’il existe ou non des mégots de cigares ou des boîtes de petits pois en conserve en orbite dans les anneaux de Saturne. Il est possible qu’il y en ait, après tout, mais cela ne m’empêche pas de dormir. Inutile de vous dire qu’étant né chrétien et me souciant à peu près autant, pour parler comme les bigots, des « promesses de mon baptème », que du contenu de ma poubelle, je n’ai pas pour autant l’impression d’être mort, de m’être le moins du monde suicidé. C’est même tout le contraire.
Après ces gentillesses, vous trouvez bon de m’envoyer quelques assertions d’un simplisme ahurissant : les préoccupations relatives à la science deviennent, on ne sait trop pourquoi, du « scientisme » et le « rationalisme triomphant » paraît conduire en réalité, pour l’humaniste que vous affectez d’être, « à la barbarie ». Tout cela mériterait évidemment d’être quelque peu explicité...
Le fait d’avoir été plutôt un littéraire ne m’a jamais empêché d’aimer la science ; j’avais préféré math élém à la classe de philosophie et j’ai passé bien des milliers d’heures, à partir des années 80, à programmer les machines. Pourquoi s’oriente-t-on dans une direction plutôt que dans une autre ? Je ne vais pas ici, sur un forum public, vous raconter ma vie. En tout cas, vous le voyez bien, les lettres que je n’ai pas aimées d’un amour fanatique ne m’ont jamais fait préférer le Verbe à l’atome. Si je reste, comme Paul Valéry, un « amant malheureux de la mathématique », ce n’est pas cela non plus ce qui risque jamais de me pousser au suicide.
Je suis, de fait antihumaniste. Si vous pensez m’accuser, vous ne faites que me définir comme je le ferais moi-même, et je souscris pleinement à ce que vous dites, sauf peut-être à la notion de surhomme : je déteste l’idéologie nietzschéenne. Et je ne considère pas non plus l’homme tel qu’il existe, c’est-à-dire un être terriblement soumis à la souffrance, comme un « matériau ». La compassion bouddhiste ou schopenhaurienne entre pour beaucoup dans ma détestation de Nietzsche et de ses théories. L’homme dit-il, dans son ridicule Zarathoustra, n’existe que pour être dépassé « Der Mensh ist etwas, das überwunden werden soll », mais il met là-dedans une exaltation et un optimisme qui me dégoûtent : le surhomme de Nietzsche est encore un homme, et de la pire espèce, plus proche de Calliclés que de Socrate. Ce n’est quand même pas un hasard, n’en déplaise à Onfray, si les nazis on cru qu’ils pouvaient incarner ce nouveau type humain. Or, ce n’est pas du tout un dépassement de cette sorte qui se se profile à l’horizon de notre siècle.
Raisonnablement, on ne peut pas se réclamer de l’humanisme, parce que tout humanisme croit savoir ce qu’est l’homme, lui prête une nature humaine figée pour l’éternité. Or, avec l’apparition de cette forme animale sur la planète, disparaît presque immédiatement la nature elle-même : tout commence à se transformer, y compris les espèces vivantes, et l’homme lui-même, inévitablement, à plus ou moins brève échéance. Les pires systèmes politiques ont eu leur humanisme. Hitler et Staline étaient de parfaits humanistes, lesquels avaient en tout cas une idée très précise de ce que devait être l’homme et de ce qui serait bon pour lui. Prolétaire émancipé pour l’un, brute aryenne aux yeux bleus pour l’autre. Au nom de ces conceptions fixistes, aussi bien celles des totalitarismes que des religions – et les religions sont nécessairement totalitaires – on a considérablement ensanglanté la planète. Si je prends congé des humanistes, c’est que, vraiment, ils nous ont fait trop de mal.
Les spéculations sur la conscience artificielle n’ont de sens que si on postule ce principe qu’à partir d’une parité entre les deux formes d’intelligence, l’humaine et l’artificielle, la seconde commence très vite à dépasser l’autre. Et pourquoi voudriez-vous qu’une machine plus intelligente qu’Einstein ou Husserl se comportât de la manière que vous décrivez, c’est-à-dire comme le dieu bête et pervers de l’ancien testament ou ce que le XXe siècle a pu produire de plus abject dans l’ordre de la tyrannie ? Ce que vous envisagez, ce n’est pas une forme d’intelligence, c’est plutôt la connerie incarnée et vous nous renvoyez à la fantasmatique éternelle des oeuvres de science-fiction, au mythe inventé par Mary Shelley. Que l’homme devienne progressivement (il l’est déjà) un cyborg, qu’à une étape suivante de l’évolution des espèces il n’y ait plus que des machines, peu importe : l’essentiel est qu’une activité intellectuelle subsiste et qu’on n’en revienne pas à une planète occupée par des dinosaures, des insectes ou des hommes archaïques, ces sales bêtes.
Je ne sais pas quand vous avez lu Husserl, ni si, portant des lunettes vous avez oublié de les mettre, mais il n’est nulle part question dans la Krisis d’une critique du rationalisme et encore moins de l’idée de progrès. Vous devez confondre avec Heidegger. Husserl est en quête d’une sorte de philosophia perennis qui permette une connaissance aussi vraie que possible de l’ensemble de l’expérience humaine, il ne doute à aucun moment des possibilités de l’activité rationnelle et je ne vois pas que le transcendental, au sens où il l’entend, ne soit pas consubstantiel à l’activité de la raison travaillant à dépasser l’expérience naïve du monde sensible. Il y a bien, de fait, une critique des sciences de la nature, elle est déjà à l’oeuvre dans les « Recherches logiques », lorsqu’il s’en prend en particulier à la psychologie, sa bête noire, mais cette critique des sciences de la nature est bien faite à partir de l’exigence rationnelle : ces sciences hypostasient leurs concepts ; face à l’objet de leur étude, elles ne pratiquent pas la réduction éidétique, elles croient naïvement à un monde qui existerait objectivement, indépendamment de toute conscience, et il ne viendrait évidemment pas à l’idée de ces demi-penseurs de suspendre un seul instant la thèse du monde.
Quand vous écrivez « Ce que Husserl entend par rationalisme, c’est un certain type de connexion entre l’humanité et l’infini. Il en résulte que toute crise du rationalisme est une crise de cette connexion, une crise de l’infini. » Je ne sais pas ce que vous mettez sous le mot « infini ». Pour Husserl, la philosophie est sur le modèle d’une mathesis universalis et la tâche du philosophe qu’il définit comme un « fonctionnaire de l’Humanité » est évidemment sans fin. Mais s’il parle d’infini, il ne met là-dedans rien de métaphysique, cela signifie seulement que la tâche est sans fin. Dès la première page de la Krisis, il dénonce une tendance de la philosophie « qui menace bel et bien de nos jours de succomber au scepticisme, à l’irrationalisme, au mysticisme ». Or, quand vous écrivez quatre ou cinq fois le mot « infini » dans une quinzaine de lignes, je vois poindre un dieu qui n’est nullement invité au banquet phénoménologique, et une lecture quelque peu « mystique » de la pensée husserlienne que je récuse complètement. S’il critique les sciences, et dès l’origine, dès Galilée, c’est parce qu’il leur trouve un défaut de rationalité, comme il en trouvera un aussi à Descartes dans les « Méditations cartésiennes », lorsqu’il soulignera à gros traits l’erreur qu’il lui voit commettre en se définissant comme « res cogitans », passant ainsi tout près, mais sans la voir, de la notion d’intentionnalité.
Husserl ne parle presque jamais de Dieu, et s’il en parle, c’est comme le faisait Einstein lorsqu’il disait, choqué par le principe d’incertitude de Heisenberg « Dieu ne joue pas aux dés ». Cela lui arrive tout de même quelquefois, et Françoise Dastur, dans le dernier chapitre de « La phénoménologie en questions » fait un sort à quelques rares articles, dans un chapitre intitulé « Le « dieu extrême » de la phénoménologie ». Ce dieu-là n’est évidemment pas celui des religions du Livre. Au reste, Husserl s’amuserait beaucoup de votre prétention à utiliser son oeuvre pour justifier votre plaidoyer en faveur du religieux : le premier chapitre de la Krisis s’intitule « Elucidation de l’origine ». Or, l’origine, ce n’est évidemment pas l’ancien testament, c’est Galilée héritier des Grecs. C’est là que commence pour lui réellement le monde moderne, le seul qui puisse encore nous exciter à penser.
De fait, Husserl critique le positivisme et le scientisme d’une époque où l’on croyait encore à la science comme à une nouvelle religion (pensez au « catéchisme positiviste » d’Auguste Comte !) qui permettrait de tout savoir du monde avec une absolue certitude. Au passage, permettez-moi de m’étonner que vous ne paraissiez pas, si vous êtes hostile au scientisme, être vraiment hostile ipso facto au freudisme qui est le type même de ces pseudo-sciences. C’est qu’on ne peut pas tout à la fois se réclamer de Freud et de Husserl. Ils sont à quelques années près exactement contemporains, mais vous ne trouverez jamais dans Husserl la moindre allusion à la théorie freudienne. Elle ne mérite même pas, pour lui, l’effort d’une réfutation. Si vous envoyez aujourd’hui à l’Académie des sciences un mémoire qui propose une démonstration de la quadrature du cercle ou du mouvement perpétuel, on vous le renverra sans même l’avoir lu. C’est du même ordre : les présupposés de la théorie de l’inconscient sont naïfs, ne tiennent pas debout.
Vous écrivez encore : « Ce qu’il propose, c’est de dénaturaliser le rationalisme qui consiste à prendre la partie pour le tout. C’est pourquoi sortir de la crise, c’est inventer un nouveau lieu, un lieu où l’infini perdu va avoir la chance de se retrouver. Il faut une autre pensée, mais une autre pensée, finalement, c’est la venue d’un Dieu. »
Là, vous vous êtes dit : ce pauvre bougre parle de Husserl, mais l’a-t-il j’amais lu ? Il s’agit d’un philosophe compliqué, on peut bien lui faire dire n’importe quoi. Et c’est ce que vous faites. Ce que vous écrivez, je suis désolé de devoir vous le dire aussi franchement, n’a aucun sens. Il ne s’agit pas pour Hsserl de « dénaturaliser le rationalisme », mais d’introduire dans les sciences de la nature, qui croient naïvement à l’existence du monde et de leur objet d’étude, les méthodes de la phénoménologie transcendentale : suspension de la thèse du monde, réduction éidétique. Bref, sortir de la naïveté conceptuelle et cesser de prétendre pouvoir fonder les sciences sur le sable mouvant des apories. Le bonhomme est très en avance sur son temps, il est à la fin de sa vie, ce qu’il voit dans les sciences et dans l’évolution politique de l’Europe le désespère grandement et cela se comprend, mais il faut bien se garder de dramatiser exagérément le mot « crise » : Husserl n’est pas du tout hanté, comme Unamuno, par « Le sentiment tragique de la vie ».
Ce que vous me dites de
Dieu et de la vie de couple me fait terriblement rigoler. Passer
l’éternité à côté d’une déesse qui ressemblerait à Vénus
telle que Boucher l’a peinte, passe encore, le paradis me serait
serait assez agréable, mais rester un quart d’heure dans l’intimité
du dieu des religions du livre, ça me ferait vraiment vomir
- j’oubliais, restant chrétien, qu’il y a quand même quelques houris
dans un coin du jardin ! Les femmes ont plus de chance, elles peuvent
imaginer un dieu attirant et sexy, mais je crois tout de même qu’il les
traiterait assez mal s’il faut en juger par les dispositions
particulières qu’il manifeste à leur endroit dans sa révélation.
En fait, je crains que dieu, s’il existe, ne soit exclusivement
homosexuel.
Je n’ai rien compris à votre dernier paragraphe. Si le cerveau n’était pas un système complexe et chaotique, où serait notre liberté et pourquoi passerais-je mon temps à discuter avec l’espèce de machine-outil que vous seriez et qui ne ferait qu’exécuter imperturbablement le processus pour lequel on l’a conçue ? Et vous n’allez tout de même pas nous ressortir le vieux truc de tous les totalitarismes : celui qui refuse la psychanalyse et un malade qu’il faudrait psychanalyser, celui qui refuse le communisme est un fou dangereux qu’il faut rééduquer, etc. Tout cela est usé jusqu’à la corde. Je ne vois pas non plus quel rapport j’entretiendrais avec la pensée de Martin Heidegger, que j’éxècre autant que le freudisme. Cette accusation gratuite ressemble à une dernière tomate lancée vers à l’athée, à un vrai coup de grâce ; cependant, Dieu merci, je suis toujours vivant !!!
PS si tous tapez dans Google « muscle artificiel », vous verrez qu’on y est déjà, on en a fabriqué à partir de la nouvelle chimie du carbone. Vous verrez aussi que dans certains hôpitaux on expérimente des exosquelettes pour les infirmes, construits selon des techniques déjà périmés (simples moteurs). Tout cela coûte encore très cher mais c’est quand même pour bientôt.
@rosemar,
Quand vous parlez d’un « espoir au bout du chemin », c’est l’espoir de quoi ?
Vincent Peillon est SOCIALISTE, il est dans un parti où il y a toujours eu, de fait, beaucoup de profs, mais quand on a cessé d’être prof pour devenir député, souvent parce qu’on ne trouvait plus aucun intérêt à ce métier-là, on est bien content d’en être sorti et on se fiche pas mal des masochistes qui ont préféré y rester.
Les socialistes, sous Mitterrand, ont joui du pouvoir un certain temps. Ils peuvent se prévaloir de deux grandes réussites incontestables : la banalisation et la promotion du Front national d’une part, et d’autre part la destruction de l’école républicaine transformée en espace de conditionnement à une « citoyenneté » orwelienne. L’irrésistible montée du FN, du reste, est une conséquence directe de la destruction de l’école : beaucoup de jeunes « formés » ou plutôt crétinisés par l’école socialiste ont voté pour la walkyrie, et les statistiques font apparaître que le vote FN est inversement proportionnel au niveau de culture : 30% n’ont pas le bac, 15% sont bacheliers et 7% seulement ont fréquenté l’Unversité.
On peut donc faire confiance à Vincent Peillon : ce qui reste à détruire (pas grand chose) il le détruira.
Najat,
Message reçu ! Vous me parlez beaucoup de la Krisis mais vous faites une interprétation qui me paraît tellement tendancieuse d’une critique husserlienne du « rationalisme » qu’il va falloir que je m’y replonge un peu. Ca risque de prendre un certain temps et je ne vous répondrai probablement pas avant demain.
Il y aurait beaucoup à dire aussi sur la question de l’humanisme, mais là, c’est plus facile : l’homme avec un grand H n’a jamais existé. Enfin, j’y reviendrai.
A bientôt.
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