« Je ne crois pas l’Armée », affirme un ancien militaire
par Abolab
mardi 8 juillet 2008
Dimanche 29 juin, un sergent du 3e Régiment de parachutistes d’infanterie de marine (RPIMa) blesse dix-sept personnes en tirant au fusil d’assaut à balles réelles sur le public, lors d’une démonstration de prise d’otages dans le cadre d’une journée porte ouverte à Carcassonne.
La réaction gouvernementale prend très vite une allure politique, en privilégiant non pas l’explication de l’incident, mais la répression rapide au sein de la hiérarchie de l’officier responsable des tirs. Selon des sources militaires, le président Sarkozy dénonce alors l’amateurisme de l’Armée de Terre, et après quelques cafouillages médiatiques, le général Bruno Cuche, chef d’état-major de l’armée de terre, est contraint à démissionner, remplacé par son numéro deux, le général Elrick Irastorza. Cette démission « extraordinaire » sous fond de « tempête politico-militaire » a entraîné le report de la nouvelle carte militaire à fin juillet.
Fusil fr.wikipedia.org/wiki/FAMAS utilisé lors du drame
L’explication officielle du drame, donnée par le procureur de la République, Brice Robin, serait que le sergent aurait « délibérément » gardé des munitions réelles, mais qu’il « estime [en bon soldat - rajout de l’auteur] avoir oublié de les restituer », ce qui apparaît somme toute assez contradictoire. Selon cette explication, le sergent était en possession d’un chargeur contenant quelques balles à blanc et qu’il aurait rechargé avec « quinze à vingt balles réelles ». Mais la justice ne trouve pas normale cette version des faits. Effectivement, le lieutenant-colonel Le Testu, du Service d’information de l’armée de terre, à Paris, affirme que le sergent était « munitionnaire des dix hommes de son commando ». Outre le fait étonnant que cette information soit délivrée par un service parisien et non directement de Carcassonne, elle est d’autant plus troublante que le sergent était complètement responsabilisé des procédures concernant les munitions, et qu’il semble assez incroyable que ce dernier ait « inconsciemment complété un chargeur dans lequel restaient des balles réelles ». En effet, l’ex-légionnaire franco-suisse Hans Wolf explique dans La Tribune de Genève que « tout militaire vide totalement son chargeur avant de le compléter pour s’assurer que la plaque de poussée des balles affleure bien ». D’autre part, l’ancien militaire explique que « les balles à blanc et les balles réelles ne sont pas de même couleur et ne peuvent être confondues. Les munitions remises pour l’exercice sont comptées et recomptées systématiquement », ce que confirme l’enquête journalistique de France 2 dans un régiment de Strasbourg, relatée dans cet article d’Agoravox. Le sergent responsable des tirs est de plus décrit comme un élément "stable, célibataire, très bien noté de ses chefs" selon l’état-major de l’armée de terre dans les colonnes du Monde. "Ce qui s’est passé est strictement impossible si le règlement est respecté", confirme un chef de corps au journal Le Point, et il apparaît difficile d’expliquer la déficience du bouchon du fusil d’assaut, qui aurait dû exploser sous l’impact des balles réelles, selon TF1/LCI.
Publié le 17 juin 2008, le Livre blanc sur la Défense et la Sécurité nationale prévoit une réorientation globale des directions de la Défense nationale, accompagnée d’un gigantesque plan social. Cette annonce a été dénoncée comme une « imposture » de la part d’un groupe d’officiers mutins anonymes appelé « Surcouf », composé de généraux de l’armée de terre, de l’aviation et de la marine. Ces derniers pointaient le doigt dans une tribune du Figaro sur "l’incohérence" et "l’amateurisme" de la réforme prônée par le gouvernement. Le Livre blanc prévoit ainsi, entre autres, une réorientation de la Défense nationale vers le renseignement, qui s’institutionnalise notamment par la fusion de la Direction de la surveillance du territoire (DST) et des Renseignements généraux (RG), depuis le 1er juillet en un organisme unique, la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI). La politique gouvernementale s’inscrit également dans un atlantisme confirmé avec notamment une volonté de retour dans l’Otan, alors que les positions du président Sarkozy s’inscrivent déjà dans le giron de l’administration américaine en guerre infondée contre le "terrorisme global", qui n’existe que dans l’imagination de cette gouvernance politique comme le remarque avec raison Jean-Christophe Victor dans une récente émission du Dessous des cartes.
D’autres articles pour approfondir :
Comment est-ce possible ? Site internet de La Nouvelle République du Centre-Ouest - 1er juillet 2008
Tout ça paraît très étrange Le Parisien - 29 juin 2008
"Théoriquement impossible" d’utiliser par erreur des balles réelles nouvelobs.com - 30 juin 2008
Des questions restent en suspens 20minutes.fr - 30 juin 2008