Livres de figures sociales ou sociables ?

par L’enfoiré
lundi 1er novembre 2010

Quoi, sur les réseaux sociaux, sur Facebook, vous n’y êtes pas encore ? Pas possible. On y a tellement d’amis qui sont prêts à nous rencontrer sur la Toile, à nous fréquenter, à nous soutirer des informations, peut-être. Mais qu’est ce que Facebook a à y gagner, lui-même ? Un film, peut-être ? Pas vraiment, sinon comme une nouvelle incitation à son utilisation.

De Facebook, on en a déjà tellement parlé qu’un film, se devait d’arriver un jour.

"The Social Network" vient de sortir dans les salles de cinéma. Il pourrait faire un tabac et se retrouver dans les nominés aux Oscars. Le film présente une histoire romancée de Facebook avec un rapport de 30% de vérités sur l’affaire de ce réseau social bien connu.

"Pendant la première heure 55, c’est un antihéros et lors des cinq dernières minutes du film, c’est un héros tragique" résumait Aaron Sorkin comme analyse de son film. De lui, on en parle, déjà.

A l’origine, selon le film, une histoire de déception amoureuse aurait décidé ce jeune Mark Zuckerberg à lancer Facebook en 2004. Un "djeune" qui aurait vécu la tragédie de notre époque comme une fable : la solitude suite au rejet par les autres. Solitude qui n’a pourtant pas d’âge de prédilection.

Amitié, loyauté, traîtrise, jalousie, argent, intelligence, une séries de sentiments se confondent et fusionnent dans ce film alerte et loué par la critique.

Tout commencerait en octobre 2003. Un geek génial étudie l’informatique à l’université de Harvard. Il a d’excellentes relations avec sa bécane et beaucoup moins avec le monde extérieur. Lors d’une sortie, c’est la déception avec une fille. Le Nerd en colère revient devant son écran et crée un site consacré aux filles du campus. Ce sera "Facemash.com" ("Têtes à claques"). Pour ce faire, il récupère des milliers de photos, des jeunes filles de l’université, pirate le serveur de celui-ci, écrit un petit programme pour permettre le vote, envoie sa farce à quelques personnes de confiance et s’en va au cours. Au retour, c’est le bug. Son PC ne répond plus. La boule de neige est partie comme un virus. Le vote de 22.000 internautes, enregistrés à son insu. Mark saborde son programme mais reçoit les plaintes et les bosses de l’université.  Une blague d’étudiant qui finti mal. Il arrêtera ses études avant la fin mais l’idée d’extrapoler sa bévue deviendra "Facebook". 

L’acteur Jesse Eusenberg joue le rôle de Zuckerberg avec des dialogues intelligents, rapides et incisifs, avec un humour caustique et violent.

La vision du film a reçu un accueil glacial chez les pontes de Facebook. "C’est une fiction", lançait Mark. Pourtant, le producteur, David Fincher, l’affirme : "Facebook n’apparaît qu’en toile de fond". Trop de contraintes avaient été demandées par Facebook même pour permettre le rapprochement avec plus de vérités bibliographiques.

Le film s’inspirait d’ailleurs du livre "The Accidental billionaires : The founding of Facebook - A tail of Sex, Monney, Genius and Betrayal" de Ben Mezrich, traduit en "La revanche d’un solitaire. La véritable histoire du fondateur de Facebook". Bibliographie qui, elle aussi, n’était pas autorisée par le héros de l’histoire.

La radio a mis 38 ans pour s’imposer et atteindre les 50 millions d’utilisateurs. La télévision, 13 ans. Internet, 4 ans. Facebook, 1 an.

C’est dire que le progrès s’accélère de manière presque exponentielle.

Pas de doute, tout le monde, à un moment ou un autre, s’y inscrit presque contraint, presque forcé pour raison commerciale, personnelle, familiale ou sociétale. Comme un signe de ralliement, on ne se demande plus à quoi cela va servir, on s’y inscrit, avec remplissant quelques renseignements optionnelles ou obligatoires. Comme service publique, cela entraîne une véritable inflation de données personnelles sur la Toile dont l’utilisateur ne s’imagine même pas l’intérêt que l’on pourrait en faire à son insu. Cela devient une véritable "partouze d’infos", peut-on dire, avec des photos de baptêmes, d’anniversaires, de vacances... données utiles uniquement pour ceux qui sont proches ou lointains mais qui resteraient dans un environnement restreint et désiré. La publicité ciblée qui viendra ensuite, n’est pas l’effet du hasard mais est éccepté de bonnes grâces. Des dérapages se produisent de manière plus insidieuse. Des escroqueries, des usurpations d’identité et des mises à mal de la vie privée... pour n’en citer que quelques unes.

Est-cel le narcissisme de notre société mis au grand jour ?

Il y a de ça, mais il y a aussi une envie d’échanges pour faire connaître les meilleurs côtés de soi-même, du côté "donneur". Un certain voyeurisme comme observateur du côté "receveur". 

Des utilisateurs, coincés, avec l’idée de "Je suis sur Facebook, donc j’existe".   

Internet était décentralisé, avant cela. Facebook fait revenir tout le monde au bercail. On y est averti des anniversaires de chacun, dont on connaît les préférences et qui peuvent s’accommoder de possibilités de cadeaux à offrir.

Pour le mi-mandat d’Obama, les Américains avouent qu’ils ne s’intéressent aux élections que via Internet, Facebook et plus par la presse papier.

Pas de référendum officiel en Belgique. Qu’à cela ne tienne, Facebook devient "la" Pétition en ligne.

On inscrit son commentaire sur le "mur" de quelqu’un. Ce mot "mur" n’est, certainement, pas anodin.

"Cet homme a changé vos vies" titrait le Télé Moustique.

Mark Zuckerber est devenu le plus jeune milliardaire du monde (estimation, 7 milliards de dollars). Il aurait, aujourd’hui, 550 millions d’amis virtuels et pourtant il vit, aux dernières nouvelles, toujours seul dans le réel.

Geek, plutôt hacker anarchiste, Mark ne veut pas connaître ce qu’il possède ou gagne. Cela n’empêche que les amitiés virtuelles sont devenues, tout de même, son fond de commerce avec la fondation de Facebook. Facebook est présent dans 207 pays avec 130 amis par personne en moyenne.

Il n’est pas seul. On compte, au total, près d’un milliards d’internautes dans le monde qui se consultent sur pléthore de réseaux sociaux spécialisés géographiquement et avec leurs propres services.

A l’échelle mondiale, on compte 940 millions d’utilisateurs. En Belgique, 3,8 millions d’utilisateurs inscrits (près de 70% de la population). Le besoin des utilisateurs, c’est la technologie, elle-même, qui le crée et les rend dépendants si pas, esclaves quand on sait qu’en moyenne, un utilisateur approche une heure par jour d’utilisation spécifique. Des résistants à l’inscription l’appellent du doux nom de "fesses book", pas par ignorance mais suite à une analyse et n’y avoir pas trouver d’intérêts personnels. Il est vrai que l’effort pour "augmenter" le nombre de ses amis est moindre que celui de le "diminuer".

Une fois catalogué dans le "système", il est difficile d’être sûr de se faire oublier complètement. Tout ce qui est publié reste la propriété de Facebook. La procédure de désinscription propose naturellement une mise en pause temporaire plutôt qu’une annulation d’un compte.

Seulement 34% des utilisateurs belges se méfient de Facebook. 45% pour Netlog selon l’étude récente de "InSites Consulting". En été 2010, Facebook, attaqué par l’intermédiaire d’un nouveau réseau Diaspora qui dénonçait les risques d’évasion des données, a dû augmenter leurs protections. 

Système ouvert, Facebook a lancé sa plateforme avec son code source au risque de perdre le contrôle sur les contenus et les revenus annexés.

Il faudra arriver à parler gros sous. La course à la rentabilité reste dans l’ombre mais existe bien. Seul les réseaux professionnels comme LinkedIn ou Viadeo font rentrer certains revenus. Le toujours jeune Mark Zuckerberg n’avait, peut-être pas, l’argent en tête lorsqu’il a créé Facebook mais l’agent reste le nerf de la guerre. Des associations dans le monde du social sont prévisibles ou déjà en place.

Le futur ? Des rentrées, d’un milliard de dollars pour 2010 sont estimés. Microsoft est déjà entré dans le capital pour offrir son expérience dans la publicité et le contenu. La vente de produits virtuels aurait rapporté près de 75 millions d’euros. Le Smartphone avec Skype en partenariat, va pouvoir en plus localiser l’utilisateur. Ce qui sera un avantage et un inconvénient prévisible.

En parallèle, le Facebook européen, avec 71 millions d’utilisateurs, Netlog grappille partiellement la vedette à Facebook. Également en croissance, ce réseau social a les mêmes problèmes de cash flow. Sorti avant Facebook, lancé par deux étudiants gantois, Lorenz Bogaert et Toon Coppens, Netlog s’appelait, en 2003, "Facebox". Le jeu Gatcha !, implémenté sur la plateforme, permettait d’engranger 20% du chiffre d’affaire. Le succès ou l’échec reste dans l’augmentation exponentielle du nombre d’utilisateurs et... du nombre de dollars qui y serait associé.

Facebook, mes amis, mes amours, mes emmerdes ... écrit Olivier Levard et Delphine Soulas.
Les réseaux sociaux de mondiaux sont passés du mondial au local et du virtuel au réel.
Ils répondaient à un phénomène de société : la perte de relations humaines, le Café de Commerce d’antan. Tous s’y sont engoufrés à tête perdue.
Amis ou ennemis, la belle affaire... La fracture numérique a oublié que l’homme restait grégaire. Sortir de l’anonymat, de la non reconnaissance avec ses bons côtés, bien sûr, les mauvais s’en chargeront par après.
En bonne société, la courtoisie, le comptage font la règle principale du jeu.

Mais, nous sommes au début novembre, cela nous rappelle que parmi les 500 millions d’amis, il doit bien y en avoir parmi eux qui ne répondront plus et qui n’auront que qu’une photo souvenir à leur actif. Une pensée pour eux, donc.

Cher Mark, idée géniale que Facebook...

Vos utilisateurs croissent. Vous comptez, j’en suis fort aise.
Et bien, décomptez, maintenant.

 

L’enfoiré,

 

Autres réseaux sociaux : Myspace (130 millions d’utilisateurs), LinkedIn (75), Qzone (200), Habbo (162), Orkut (100), Flixter (70), Baidu (54).

Citations :

  •  "L’ordre social ne vient pas de la nature ; il est fondé sur des conventions.", Jean-Jacques Rousseau
  • "La cohésion sociale est due en grande partie à la nécessité pour une société de se défendre contre d’autres.", Henri Bergson

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