Ami de Montaigne, à qui il confia son manuscrit, Etienne de La Boétie vécut de 1530 à 1563. Voici le texte qu’il écrivit en 1549, à l’âge de 19 ans, transcrit en français moderne par Charles Teste au XIXe siècle. Homère raconte qu’un jour, parlant en public, Ulysse dit aux Grecs : « Il n’est pas bon d’avoir plusieurs maîtres ; n’en ayons qu’un seul. » S’il eût seulement dit : il n’est pas bon d’avoir plusieurs maîtres, c’eût été si bien, que rien de mieux ; mais, tandis qu’avec plus de raison, il aurait dû dire que la domination de plusieurs ne pouvait être bonne, puisque la puissance d’un seul, dès qu’il prend ce titre de maître, est dure et révoltante ; il vient ajouter au contraire : n’ayons qu’un seul maître. Toutefois il faut bien excuser Ulysse d’avoir tenu ce langage qui lui servit alors pour apaiser la révolte de l’armée, adaptant, je pense, son discours plus à la circonstance qu’à la vérité. Mais en conscience n’est-ce pas un extrême malheur que d’être assujetti à un maître de la bonté duquel on ne peut jamais être assuré et qui a toujours le pouvoir d’être méchant quand il le voudra ? Et obéir à plusieurs maîtres, n’est-ce pas être autant de fois extrêmement malheureux ? Je n’aborderai pas ici cette question tant de fois agitée :« si la république est ou non préférable à la monarchie ». Si j’avais à la débattre, avant même de rechercher quel rang la monarchie doit occuper parmi les divers modes de gouverner la chose publique, je voudrais savoir si l’on doit même lui en accorder un, attendu qu’il est bien difficile de croire qu’il y ait vraiment rien de public dans cette espèce de gouvernement où tout est à un seul. Mais réservons pour un autre temps cette question, qui mériterait bien son traité à part et amènerait d’elle-même toutes les disputes politiques. Pour le moment, je désirerais seulement qu’on me fit comprendre comment il se peut que tant d’hommes, tant de villes, tant de nations supportent quelquefois tout d’un Tyran seul, qui n’a de puissance que celle qu’on lui donne, qui n’a pouvoir de leur nuire, qu’autant qu’ils veulent bien l’endurer, et qui ne pourrait leur faire aucun mal, s’ils n’aimaient mieux tout souffrir de lui, que de le contredire. Chose vraiment surprenante (et pourtant si commune, qu’il faut plutôt en gémir que s’en étonner) ! C’est de voir des millions de millions d’hommes, misérablement asservis, et soumis tête baissée, à un joug déplorable, non qu’ils y soient contraints par une force majeure, mais parce qu’ils sont fascinés et, pour ainsi dire, ensorcelés par le seul nom d’un, qu’ils ne devraient redouter, puisqu’il est seul, ni chérir, puisqu’il est, envers eux tous, inhumain et cruel. Telle est pourtant la faiblesse des hommes ! Contraints à l’obéissance, obligés de temporiser, divisés entre eux, ils ne peuvent pas toujours être les plus forts. Si donc une nation, enchaînée par la force des armes, est soumise au pouvoir d’un seul (comme la cité d’Athènes le fut à la domination des trente tyrans), il ne faut pas s’étonner qu’elle serve, mais bien déplorer sa servitude, ou plutôt ne s’en étonner, ni s’en plaindre ; supporter le malheur avec résignation et se réserver pour une meilleure occasion à venir.
Ma question : comment sommes nous devenus si stupides, si ignorant de tout, si mauvais, ? Mais à force de le vouloir ! Pour essayer de fuir la vie ...ce qui est impossible sauf de se détruire soi même, ce que nous faisons tous..
« Je suis vieux comme le vol, le mensonge, la laideur et la
prostitution », semble dire, moitié tout bas, moitié tout haut, le
candidat. « Aussi, je me propose à toi comme homme nouveau. Je viens
d’où sont venus tous mes prédécesseurs, je vais où ils sont tous allés,
je veux ce qu’ils ont tous voulu, je ferai ce qu’ils ont tous fait, je
suis ce qu’ils ont tous été et je te mènerai où ils t’ont tous mené...
Tu ne veux plus de coquin, j’en suis un ! Tu ne veux plus de fripon,
j’en suis un ! Tu ne veux plus de voleur, j’en suis un ! Je suis donc
bien, tu le vois, l’homme nouveau que tu as réclamé ! »
Et l’électeur de répondre de même : « Oui, tu es vieux comme le vol,
le mensonge, la laideur et la prostitution, mais tu es tout de même mon
homme nouveau ! Tu viens d’où venaient tous les autres, tu vas où ils
sont tous allés, tu veux ce qu’ils ont tous voulu, tu feras ce qu’ils
ont tous fait, tu es ce qu’ils ont tous été, tu m’emmènes où ils m’ont
tous mené, tu es un coquin, un fripon, un voleur, c’est vrai, je le
sais, mais ça ne fait rien, ne me le dis pas, tais-toi, et vas-y tout de
même ! Trompe-moi, bats-moi, vole-moi, fais de moi comme ils ont tous
fait Je suis tout de même l’électeur qu’il te faut, et tu es tout de
même le député qui me convient ! »
voila où nous les masses en sommes rendu de puis des millénaires