Il arrive que Finkielkraut m’agace un peu. Sa propension à justifier son propos par des citations est telle qu’à une certaine époque, ayant publié un bouquin sur Péguy, il l’évoquait à tout propos. C’est passé, mais il continue à citer Hannah Arendt et lorsqu’il est question du développement de la technique, il y a toujours un moment où l’on se dit qu’il va probablement se référer à l’abominable Heidegger. Il est rare que la prévision ne soit pas confirmée. Mais tout le monde a ses manies et s’il exaspère, c’est sans doute aussi que ses analyses tranchent avec la niaiserie de l’idéologie dominante et bien-pensante. Quand on faisait appel aux pédagolâtres pour détruire l’école en France - maintenant c’est chose faite - il a été un des rares à voir le danger et à donner la parole à ceux qui essayaient d’empêcher le naufrage.
L’émission que vous évoquez n’était pas des plus passionnantes ; il est vrai que je l’écoutais dans des conditions qui ne favorisent pas l’attention : dans la rue, sur un baladeur. S’il fallait que j’en écrive d’une manière vraiment rigoureuse, je l’écouterais une nouvelle fois, mais je n’en ai pas le courage et vous m’excuserez d’en rester ici à l’impression.
Le point de vue de Françoise Héritier m’a paru terriblement prédéterminé par une position de principe qui relève de la bien-pensance. Elle a cru pouvoir s’autoriser néanmoins de sa « science » pour poser que la phrase de Guéant révélait son « ignorance », mais elle s’est très vite enlisée dans des considérations tellement absconses, pour ne pas dire fumeuses, qu’elle a bientôt préféré battre en retraite, ajoutant ça et là son grain de sel aux développements des deux autres. Mais c’était seulement pour régler un peu les éclairages : la mise en scène du dispositif analytique lui échappait désormais totalement.
Il faut bien dire que c’était une véritable sottise que de vouloir faire un procès à Guéant à propos d’une affirmation aussi évidente que triviale. Il n’est pas impossible que le ministre ait délibérément tendu un piège à ses contradicteurs potentiels pour avoir une bonne occasion de les ridiculiser. Je ne reviens pas sur un débat qui a déjà eu lieu ici et dans lequel j’ai pris parti aussi nettement qu’il était possible. J’ajouterai simplement que les partisans du relativisme devraient désormais tâcher d’obtenir un passeport tunisien et, lorsqu’ils ont quelque chose à publier sur les questions de croyance religieuse, essayer de trouver là-bas un éditeur plutôt qu’en France. Les athées résolus n’y risqueront - comme on vient récemment de le voir encore - que cinq ou six années de prison. Ca, c’est la vraie Civilisation, avec un grand C. Au panier, la philosophie des Lumières et son universalisme. Tout ça, c’est le passé. Soyons résolument modernes et même post-modernes !