Ce qui semble, c’est que les forums virtuels permettent l’élargissement du mainstream. On se dit que nul n’y risquant vraiment une lapidation, chacun ose déclamer ses ethos-pathos spéciaux.
Mais si cet élargissement était réel, le mainstream serait déjà beaucoup plus large et une personne déclamant son amour pour les chevaux ou les rats ne serait pas stigmatisée.
En réalité, le mainstream (Du Net et de la rue) restent étroit (tout en changeant au fil des générations)
Pour l’instant les forums virtuels proposent des formules où les internautes peuvent tous jouer le rôle de flic-juge-archange en considérant la foule et en mesurant son impact sur elle. Dans ces conditions tout à fait similaires à celles d’un véritable forum en viande, le mainstream ne peut pas s’élargir de beaucoup.
Pour qu’un mainstream s’élargisse, il faudrait que chacun puisse exposer son papier (automatiquement publié) et qu’il n’y ait aucune possibilité pour quiconque d’en mesurer l’impact sur les autres, sur les masses (Aucune intervention, aucun commentaire, aucune notation).
Il faudrait que chacun découvre des papiers en tous genres sans qu’il ait la moindre indication sur qui les lit, combien les lisent, ni ce que les lecteurs en pensent.
Mais, si on proposait ce genre de mur d’opinions sans aucune sorte de commentaire ou de bruissement de foule, chaque lecteur se demandera comment les autres apprécient tel ou tel papier.
Chacun aura des audaces logos ethos et pathos plus larges mais dès que ces hyper larges exprimeront leur vision face à des gens en viande et en groupe, ils découvriront le feu des pierres que leur lanceront ceux de ce groupe qui pratiquent surtout le papotage de vrai bistro.
Si pendant 2 ans, nous interdisions à tous les Français de pratiquer le papotage en viande et qu’ils ne puissent s’exprimer que sur mur dazibao virtuel (sans la moindre indication sur la foule qui les lit) et qu’ensuite on les autorise à papoter en groupes réels, ils constateront un immense éventail d’idées mais sans avoir de repère mainstream. Ils seraient comme devant un océan d’idées mais ne verraient aucune direction particulière. Ils se demanderont vers où aller.
Se mettant à s’exprimer en viande, ils constateront alors que les prémices des premiers courants iront à « Nous devons tous manger et pisser » Ah ! les voilà déjà avec l’impression de former une communauté. Et, s’ils continuent de se parler vraiment en groupes, ils verront que c’est en partant de ces obligations premières bouffe-cul que s’organisent les courants d’opinion, les uns disant que l’oeuf se mange mieux par le petit bout, les autres disant l’inverse.
Il ne faut pas croire qu’on peut se passer du mainstream ou qu’on puisse beaucoup l’élargir. Il nous aliène, nous lynche, nous motive et nous structure à la fois.
Pour le dire autrement, le plaisir que tire Alinéa (Ou Bartabas, ou Piaf, ou Dion ou Hugo lors d’Hernani) à exposer à la foule ses ethos-pathos provient du déplaisir qu’elle pourrait ressentir à se faire lyncher. Sa motivation à publier son ethos-pathos provient d’un désir de jouer le risque entre acclamations et lapidations. Il ne peut pas y avoir d’acclamation sans lapidation.
Applaudir ici c’est lyncher ailleurs. Bien noter un élève c’est mal noter un autre. Féliciter quelqu’un c’est blâmer un autre.