Posons le schème suivant comme souvent valable :
Un enfant est dans les bras de sa mère qui fuit quelque chose. L’enfant ressent l’émoi de sa mère, il angoisse et ne pige rien (les premières fois, après il pigera et n’aura plus peur). Il a nettement l’impression que sa mère sait ce qu’elle fait et où elle va.
Il considère qu’il ne sait pas et qu’elle sait. Il se croit bien plus curieux et questionneur qu’elle. Il voit bien que c’est lui qui pose les questions et qu’elle a réponse à tout.
Jusqu’à la maternelle l’enfant a encore la forte impression, le matin et le soir, que sa mère sait infiniment mieux que lui où il faut aller « Fais-ci, ne fais pas ça !, Dépêche-toi, on va rater le bus, va te coucher sinon tu ne pourras pas te réveiller à l’heure »
Il est obéissant, sous quasi hypnose.
Fin du schème.
Je spécule maintenant dessus.
Je doute beaucoup que des enfants interrogés à 5 ans avouent autre chose que « Je ne sais pas où je vais mais maman elle le sait »
Cette impression peut et devrait évoluer en prenant de la bouteille mais, et c’est là que les différences entre enfants arrivent, l’enfant peut soit avoir devant lui une mère qui lui révèle qu’elle ne sait pas où elle va, soit avoir une mère qui tient à conserver sa position de sachante.
Si tous les enfant de moins de 6 ans sont convaincus que leur mère sait où elle va et n’a donc pas de curiosité, à partir de 6 ans les uns vont découvrir que c’est faux pendant que les autres vont continuer de croire que c’est vrai.
Il me semble que ceux qui continuent de croire que c’est vrai, une fois devenus adultes, vont explorer la question par un biais périphérique, pas en sondant directement leur mère intouchable.
C’est par la bande qu’ils vont chercher à connaître la finalité, le savoir qu’ils accordent encore à leur mère. Ils vont se tourner vers je ne sais quel mysticisme pour découvrir les secrets, la magie qu’ils accordent toujours à leur mère (et à son petit doigt qui lui dit tout)
Tout en ayant l’air de ne plus s’intéresser à leur mère, c’est elle que fouillent, en ses profondeurs, des types (des mâles surtout) qui semblent fouiller l’Univers au télescope et au microscope.
Ce phénomène est beaucoup moins intense chez les filles parce qu’elles se sentent vite être des mères. Pour les filles, la mère est nettement moins mystérieuse que pour les garçons.
Les séniores vont donc être curieuses du Moi-Nous (c’est la curiosité fondamentale, celle de la matière) pendant que les séniors seront curieux du Vous-Eux (c’est la curiosité pudique-hypocrite, très particulière aux garçons).
Alors que la communication aurait pu rester ethos-pathos, les garçons inventent le logos pour parler des choses sans en être.
Mille philosophes ont dit les choses sans jamais apparaître, en pratiquant le logos. Ils sont certes là en tant que penseurs-observateurs mais ils ne sont pas impliqués, on ne les voit jamais dire « Je suis gourmand, radin, fatigué », ni dire « J’aime les pâtes, je n’aime pas les épinards ». Ils expriment forcément tout ça mais de manière indirecte.
Ici, vous avez déjà écrit plusieurs fois « ....j’aime... »
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