Pour compléter ce que je disais dans le débat un peu hors sujet :
Abattage rituel versus souffrance animale : la fin d’un tabou ?
Pour la justice européenne, imposer l’étourdissement préalable est
compatible avec la liberté de culte. Une décision qui relance le débat en
France.
L’Express Article réservé
aux abonnés
Par Agnès Laurent
publié le 18/12/2020 à 07:00 , mis à jour à 17:47 Voilà une
décision qui ne va pas manquer de réveiller un débat totalement tabou en France
: faut-il revoir les conditions d’abattage des animaux « halal » ou
« casher » au nom de la souffrance animale ? Les deux rites religieux
prévoient, en effet, que les bêtes soient conscientes au moment de leur mise à
mort et refusent le principe de l’étourdissement préalable. Or, le jeudi 17
décembre, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a rendu un
arrêt qui fera date : elle estime qu’imposer un étourdissement préalable au
nom de la souffrance animale n’est pas contraire pas à la liberté de culte. De
quoi réveiller les ardeurs des défenseurs de la cause des bêtes.
Pour bien comprendre la décision de la CJUE, il faut revenir à
l’origine de l’affaire. En 2019, deux régions belges - la Flandre et la Wallonie - imposent
l’interdiction de l’abattage rituel sans étourdissement préalable au nom du
bien-être animal. Même s’il est encore possible de pratiquer ces rites dans les
abattoirs de Bruxelles, la troisième région du pays, et d’importer de la
viande, la décision heurte les représentants religieux. Le Consistoire central
israélite de Belgique, avec d’autres organisations juives et musulmanes, décide
de contester cette interdiction devant la Cour constitutionnelle belge qui, à son tour,
pose la question à la CJUE.
LIRE AUSSI>> Abattage rituel et souffrance animale : la justice européenne va
bientôt trancher
Il faut dire que, depuis des années, deux principes s’opposent dans le droit européen. Le
premier, inscrit dans un texte de 2009, impose aux Etats-membres "de tenir
pleinement compte (dans leurs pratiques d’abattage) des exigences du bien-être
des animaux en tant qu’êtres sensibles". Mais ce même règlement prévoit la
possibilité de déroger à l’obligation d’étourdissement préalable pour
"garantir le droit des membres de certaines confessions religieuses à la
préservation de rites essentiels".
Tout se jouera dans les instances européennes
Entre les deux, les Etats-membres ont
souvent hésité. Début septembre, dans ses conclusions sur l’affaire belge, l’avocat général avait placé la liberté de culte devant le
bien-être animal. Ce jeudi, la
Cour a tranché nettement du côté des défenseurs des bêtes :
"Les mesures que comporte le décret (flamand, ndlr) permettent d’assurer
un juste équilibre entre l’importance attachée au bien-être animal et la
liberté des croyants juifs et musulmans de manifester leur religion",
a-t-elle indiqué dans un communiqué.
LIRE AUSSI >> Abattage rituel et souffrance animale : l’impossible débat
Contrairement à la Belgique, la décision de la CJUE n’aura pas d’effet
immédiat en France, mais elle va relancer les revendications des défenseurs du
bien-être animal. Jusqu’à présent, le sujet n’était abordé qu’avec la plus
grande prudence par les responsables politiques, il en était devenu presque tabou. Tous redoutaient d’être
instrumentalisés par le Rassemblement national, toujours prompt à s’emparer de
ces questions. Ils craignaient aussi la réaction des responsables religieux,
très hostiles dans leur majorité au principe d’un étourdissement préalable. Et tremblaient,
enfin, à l’idée d’être accusés de s’en prendre à l’islam dans un contexte déjà
très tendu.
La décision de la CJUE change la donne, en
offrant une base juridique solide à la mise en oeuvre de l’étourdissement
préalable. D’ailleurs quelques minutes seulement après sa publication,
plusieurs associations de défense des animaux passaient à l’action. Au nom de
sa Fondation, Brigitte Bardot publiait une lettre ouverte à Emmanuel Macron
demandant une législation sur le sujet parce qu’il "n’est plus temps de
blablater sur la question, mais d’agir". L214 exigeait aussi
l’interdiction de l’abattage sans étourdissement. Et ce n’est qu’un début, le
lobbying va repartir de plus belle. .
Sur le même sujet
Mais le juge de paix viendra peut-être
une nouvelle fois des instances européennes. Le règlement de 2009, objet de
tant de discussions, doit prochainement être révisé. S’il intégrait la décision
de la CJUE, le
débat serait clos : tous les pays membres seraient invités à imposer
l’étourdissement préalable dans les prochaines années. Reste à savoir lequel
des deux groupes de pression - représentants des cultes d’un côté, partisans de la cause
animale de l’autre- saura se montrer le plus convaincant dans les couloirs
des institutions européennes...