« L’homme est né libre, et partout il est dans les fers. Tel se croit le maître des autres, qui ne laisse pas d’être plus esclave qu’eux. » (Rousseau, premières ligne du Contrat social)
Les fers, je pense, ce sont le joug et le licol. Le joug c’est le pouvoir qui pèse sur nous avec ses règles et injonctions, le licol c’est la société de consommation qui nous tient par le cou toujours.
Nous sommes aujourd’hui sans boussole sûre. Certains désespérés suivent le joueur de flûte au ton dogmatique qui les berce de chimères et qui a pris la précaution de briser sa boussole pour qu’elle n’indique plus qu’une unique direction (chacun y verra, selon son goût et ses affinités, telle ou telle personnalité de la politique…).
Ils le suivent par besoin de vérité consolante fût-ce au prix de la vérité humaine et de la vérité de la nature. Certains joueurs de pipeau activent la peur (du virus ou de l’étranger) pour parvenir à leurs fins. Les insensés qui se jettent dans leur sillage tomberont de haut et on espère pour eux que ce sera sur le cul et pas sur la tête, car les fous sont légion en cette époque troublée. On en trouve même chez les docteurs et les scientifiques, pour ceux d’entre eux qui veulent chasser toute inquiétude en hygiénisant la société : vaccin (doses à gogo !), masque, confinement, le tout à la fois parfois !
Les êtres sensés ne chassent pas l’inquiétude car ils savent qu’elle est partie prenante de la liberté — condition sine qua non — dont elle ne peut se séparer jamais. C’est là notre lot et il faut le prendre comme il est car nous sommes que ce que nous sommes...
L’inquiétude sauve, l’insouciance vous conduit droit au danger.
On voit de des mieux-disants médiatiques qui parlent fort, encore que mieux-disant soit un terme impropre car ils ne proposent pas mieux : ils crient plus fort seulement. Si c’est « faute de mieux » que l’on suit une chimère alors mieux vaut faire une pause et un pas de côté pour penser par soi-même avant de s’engager à la légère.
Ce qui effraie l’imagination ne doit pas effrayer la raison car c’est de la raison dont dépend notre salut et nous en aurons besoin pour vivre et pour sortir des épreuves.
Je cite de nouveau Rousseau pour finir :
« Je me dis enfin ; me laisserai-je éternellement ballotter par les sophismes des mieux disants, dont je ne suis pas même sûr que les opinions qu’ils prêchent et qu’ils ont tant d’ardeur à faire adopter aux autres soient bien les leurs à eux-mêmes ? Leurs passions, qui gouvernent leur doctrine, leur intérêt de faire croire ceci ou cela, rendent impossible à pénétrer ce qu’ils croient eux-mêmes. Peut-on chercher de la bonne foi dans des chefs de parti ? Leur philosophie est pour les autres ; il m’en faudrait une pour moi. Cherchons-la de toutes mes forces tandis qu’il est temps encore, afin d’avoir une règle fixe de conduite pour le reste de mes jours. » (« Rêveries d’un promeneur solitaire » de Rousseau, troisième promenade)