Deuxième enquête participative : Quelle place pour les pauvres en France ?

par Eric Lombard
samedi 17 mai 2008

Le choix très net des Agoravoxiens en faveur d’une enquête sur la pauvreté n’est sans doute pas déconnecté de l’actualité, avec le retour d’une forte inflation sur les produits de première nécessité (alimentation, énergie) qui pèse lourdement sur les plus pauvres, avec également les négociations en cours dans le cadre du Grenelle de l’insertion et les restrictions budgétaires qui risquent de limiter la portée du RSA (Revenu de solidarité active).

Mais qu’ils se rangent au nombre des pauvres ou non, leur demande de participation à une enquête sur la pauvreté signifie qu’ils n’entendent pas baisser les bras dans la lutte contre cette plaie qui gangrène la société et conforte Martin Hirsch, haut commissaire aux Solidarités actives contre la pauvreté, quand il dit que « la pauvreté dans les pays riches est inexplicable » (Le Figaro du 15/04/08). Et quand il dit inexplicable, il pense sans doute inexcusable. La France n’a en effet pas d’excuses de ne pas venir à bout de la pauvreté !


Comment participer ?
Où en est l’enquête ?
Les contributions

Les questions

Une fois le sujet choisi, restait à préciser et à essayer de délimiter le champ de l’enquête sur un sujet si vaste. Nous vous proposons quatre grands groupes de questions :

1. Qui sont les pauvres ?

Il est difficile de délimiter les contours de la pauvreté. On peut en faire une définition économique comme le fait l’Insee avec le seuil de pauvreté relative défini comme étant égal à 50 (ou 60) % du revenu médian. Mais on peut privilégier le vécu de la pauvreté et ses conséquences. Pour Joseph Wresinski, fondateur d’ATD Quart-Monde, qui parlait d’expérience, la précarité est l’absence d’une ou de plusieurs sécurités, notamment celles de l’emploi, permettant aux personnes et aux familles d’assumer leurs obligations professionnelles, familiales et sociales, et de jouir de leurs droits fondamentaux. (Rapport « Grande pauvreté et précarité économique et sociale » présenté au CES en 1987.)
2. Comment les pauvres sont-ils perçus ?

La manière dont une société traite ses pauvres est liée à la perception qu’elle en a. Celle-ci est le plus souvent indirecte, de par la ségrégation croissante à l’œuvre dans l’habitat, l’école, le monde du travail, les loisirs ... et déformée par les médias et les discours politiques.
Quand on ne se côtoie plus, on ne se connaît plus. Et, comme on ne se connaît pas, on tombe facilement dans les stéréotypes ou les idées fausses.
Sur ce terreau de méconnaissance réciproque, prospèrent ceux qui présentent les pauvres comme des assistés, des profiteurs, voire des tricheurs, transformant les victimes en boucs émissaires.
3. Qui représente et défend les pauvres ?

Dans l’interview citée plus haut, Martin Hirsch insiste sur l’importance que les pauvres puissent s’exprimer : « En France, on fait des politiques pour les pauvres sans les pauvres. Du coup, ces politiques ne marchent pas ». Au-delà de l’autojustification de sa présence au gouvernement (il a été dans les instances dirigeantes d’Emmaüs de 1995 à 2007), il nous amène à nous demander si les conditions sont réunies pour que les pauvres soient entendus.
4. Pourquoi n’arrive-t-on pas à éradiquer la pauvreté ?

« Cela semble fou, mais il est possible d’éradiquer la pauvreté. Si nous le voulons tous, on peut y arriver », Muhammad Yunus, prix Nobel de la paix 2006.
Beaucoup le reconnaissent, c’est une question de volonté. Cette liste de questions n’est bien sûr pas limitative. Si vous jugez qu’un aspect important a été ignoré, faites-nous en part. A noter toutefois que nous nous limiterons dans cette enquête à la pauvreté en France.

Comment participer ?



Cette enquête participative n’est pas un forum, au sens habituel du terme. Il ne s’agit pas de débattre entre vous, mais d’apporter des informations précises et documentées ou des témoignages relatifs aux questions posées. Je les étudierai, chercherai à les vérifier, à les recouper et à les confronter à d’autres informations que je pourrai aller recueillir auprès de personnes compétentes, comme cela se fait dans toute enquête journalistique.

Au fur et à mesure de la remontée des informations, je mettrai à jour une présentation synthétique de vos contributions et de mon propre travail d’enquête, vous permettant de suivre la progression de l’enquête et de mieux vous repérer dans la masse des contributions déjà reçues.
Une synthèse sera publiée en fin de course, synthèse qui pourra elle-même être critiquée ou complétée.

Le principe des enquêtes participativesproposé par le journaliste Jean-Luc Martin-Lagardette, a été présenté en juillet 2007 par Carlo Revelli. Il ne change pas, mais les méthodes évoluent, en tenant compte de l’expérience de la première enquête sur les vaccinations et de celle acquise sur hyperdebat.net.

Pour contribuer à l’enquête, cliquez sur "Ecrire un commentaire". Si vous n’êtes pas encore enregistré sur Agoravox, il vous sera demandé de le faire.

Quelques règles rédactionnelles :

Faites des messages courts. Plus vous êtes concis, plus vous avez de chance d’être lu !

Un seul sujet par message.

Remplacez le titre par défaut par un titre qui résume en quelques mots la teneur de votre message.


Où en est l’enquête ?

Cette section est une tentative de présentation synthétique de vos contributions du 15 au 19 mai et de mes propres éléments d’enquête. Je la compléterai au fur et à mesure de la progression de l’enquête.

1. Qui sont les pauvres ?

Y a-t-il d’autres mesures de la pauvreté qui vous paraissent plus adaptées ?

> La pauvreté est liée à l’adéquation entre besoins et ressources. Les besoins dépendent beaucoup de la situation familiale, de là où on habite, de son patrimoine ... Julien Larsen 16/05 Marc Bruxman 16/05
> Il y a des besoins fondamentaux (nourriture, logement ...), et d’autres plus relatifs. Marc Bruxman 16/05
> Des pauvres de plus en plus pauvres et des riches de plus en plus riches, selon l’ONPES. Jocelyne 15/05

>>> Elément d’enquête : Les mesures de la pauvreté Eric Lombard 20/05

Vous considérez-vous comme pauvre ? Et si oui, explicitez pourquoi.
> "J’ai vécu dans l’indifférence des autres (surtout institution). J’ai trinqué l’alcoolisme de parents." Orange 15/05
> "On se retrouve vraiment à part : je me sens comme en prison." Pinochio55 15/05
> "Je suis intérimaire dans le BTP, c’est dur, faut accepter n’importe quel boulot." Mr Mimose 15/05
> "Vivre dans la peau d un intérimaire, c’est surtout ne pas savoir quel sera l’avenir". Krapo 18/05
> La pauvreté c’est l’inexistence, l’invisibilité. Les autres ne peuvent pas comprendre. Finael 15/05
> La pauvreté, c’est aussi le manque de culture, donc d’autonomie. Orange 16/05
> Le divorce plonge dans la pauvreté nombre d’hommes et de femmes. jondegre 16/05 Marc Bruxman 16/05
> Sans le sou, mais riche de liberté. generation-volée 16/05

Si non, dites qui sont pour vous les pauvres et si vous vous sentez à l’abri de la pauvreté ou de la précarité ?
> "Je côtoie tout le spectre des pauvretés, matèrielle, sociale, psychologique, affective, intellectuelle, et certains cumulent tous ces handicaps ! Des existences à minima, fragiles, au bord des abysses, toujours à la limite. Cela produit une usure prématurée de l’être, une fatigue sociale comme insurmontable." Hans Lefebvre 16/05
>Le fait de ne pas pouvoir se déplacer pour travailler est la frontière qui sépare la pauvreté de la misère. Renaud delaporte 15/05
> Le manque de contrôle de sa vie est plus difficile à vivre que la pauvreté matérielle. Marc Bruxman 19/05
> Les pauvres sont "exclus, rejetés, moqués", tout comme "les clandestins, immigrés, tziganes". Naturome 15/05
> Le pauvre, "c’est celui qui accepte d’être traité comme un chien au nom de sa petite survie". Aegidius REX 17/05
> Le mode de vie des riches renforce le sentiment de pauvreté. Philippe 15/05
> Travailleurs pauvres : cela fait drôle qu’en France le fruit du travail ne suffise plus pour vivre. Krapo 16/05
> "Il m’est arrivé d’assister à des dégringolades sociales. Le contrôle que chaque personne a de son destin a des limites qui sont facilement franchies". docdory 18/05
> La majorité des handicapés sont des pauvres, en revenu et en vie sociale. Walter SALENS 19/05

2. Comment les pauvres sont-ils perçus ?

Apportez des exemples de cette évolution du discours relatif aux pauvres et des comportements vis à vis d’eux.
> "J’ai l’impression d’être criminalisé" (face à l’ANPE). Mr Mimose 15/05
> "Menteurs, bons à rien, ne savent pas se subvenir à aux mêmes, et j’en passe" Orange 15/05
> Campagne de pub UCAR : "Les pauvres sont dégueulasses, ils polluent". Sophie.L 15/05
> Les pauvres renvoient une image de faiblesse, insoutenable. Mixt 15/05
> Ce discours n’est pas nouveau, mais exacerbé par la solidarité forcée par le biais des impôts. Marc Bruxman 19/05

Rétablissez la vérité déformée par les propos mensongers.
> "J’accepte même de bosser pour des salaires inférieurs à ce que je touche aux assedics, car si je reste sans bosser je me désocialise et tombe vite dans la dépression". Mr Mimose 15/05
> Très heureuse de retravailler. Gagner mon salaire, me permet de me subvenir, sans demander d’aide. Orange 19/05

3. Qui représente et défend les pauvres

Les pauvres ont-ils un pouvoir par leur bulletin de vote ? Quel est leur poids électoral ? Quel est leur taux de participation aux élections ? Pour qui votent-ils ?
> Plus on est pauvre, moins on vote. Finael 16/05

Qui défend le mieux les pauvres ? Les associations de chômeurs, les associations humanitaires, les associations militantes, les structures d’insertion, les partis politiques, les médias ... ? Lesquel(le)s ?
> Les people (Emmanuelle Béart, Josiane Balasko) Roger pas content 15/05
> Les partis politiques sont tournés vers leurs électeurs et les pauvres ne votent pas. Marc Bruxman 19/05
> Le charity business est destiné essentiellement à donner bonne conscience aux classes plus aisées. Marc Bruxman 19/05

Quels sont les critères d’une action efficace ?

Y a-t-il une cohérence entre les différents acteurs ?

Comment faire pour que la parole des pauvres soit mieux entendue ?
> Créer des réseaux citoyens reliant institutions, pauvres et non pauvres. Orange 17/05
> "Les pauvres, les vrais (ceux du quart-monde) devraient faire une grande manifestation pour une meilleur justice sociale." Orange 18/05
> "Les pauvres auront une place normale dans la république quand ils seront représentés au parlement". Frabri 18/05


4. Pourquoi n’arrive-t-on pas à éradiquer la pauvreté

> "La pauvreté n’est pas autre chose qu’une conséquence directe et historique de l’égoïsme de l’humanité, y compris de la part des pauvres eux-mêmes : la loi du "moi d’abord". Méric de Saint-Cyr 16/05

Mais au-delà de la volonté affichée, le souhaite-t-on vraiment ?
> "La volonté politique devra bien un jour s’attaquer à l’accaparement et à la spoliation" (par les riches) Le furtif 15/05
> Lorsqu’il existe une pénurie de main d’œuvre pour certains emplois pénibles, dégradants, et mal rémunérés, on s’attendrait à ce que les rémunérations augmentent, mais le patronat veille à les maintenir au plus bas. jcbouthemy 16/05
> Tous les économistes libéraux affirment qu’une certaine proportion de chômeurs et de pauvres est nécessaire pour maintenir une pression à la baisse sur les salaires. Mélanie 18/05
> Les entreprises ont tout intérêt à employer des intérimaires ou des CDD Mélanie 17/05
> "Ne devraient avoir un revenu inférieur au seuil de pauvreté que ceux qui font voeu de pauvreté". frabri 16/05

Y met-on les moyens nécessaires ? Quels moyens êtes vous prêt à y mettre ?
> Les moyens des ultra-riches, "qui ne savent plus quoi faire pour dépenser". parkway 15/05
> Mes choix : simplicité volontaire, décroissance. Méric de Saint-Cyr 16/05
> Chômage = grande solitude. Rien n’est fait pour remettre en selle ceux qui sont tombés. mélanie 17/05

Aborde-t-on les problèmes de la bonne manière ?
> Il y a trop d’aides en faveur du travail des jeunes, au détriment des plus vieux. Lerma 15/05
> Il faut tenir compte des contraintes nouvelles que devra supporter notre monde. jcm 16/05

> La défiscalisation des heures sup, c’est stupide, ça décourage les entreprises d’embaucher. Mélanie 18/05
> Les aides sociales destinées aux plus pauvres les piègent dans un "parking". Marc Bruxman 19/05
> Cesser de victimiser les pauvres en leur disant que c’est de la faute de X ou Y. Marc Bruxman 19/05

Faites-nous part de solutions ou d’expériences qui marchent.

>
Faire en sorte que les riches restent en France ; on a besoin d’eux pour investir.
Antoine 15/05
> Il faut rendre opposable "le droit d’obtenir un emploi" inscrit dans la constitution. jcbouthemy 16/05
> Créer une caisse nationale de solidarité pour ceux qui ne peuvent pas s’inscrire dans une démarche d’insertion, alimentée par des prélèvements sur les revenus indécents. alberto 16/05
> "Nous sommes en train de créer un Fonds National de Solidarité Citoyenne" Les RG 17/05
> Education, formation. Marc Bruxman 16/05 Méric de Saint-Cyr 16/05 Krapo 18/05



 

 

 


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