Economie collaborative : les dérives d’un modèle non régulé

par Clementlabr
lundi 7 septembre 2015

Uber, Airbnb, Blablacar. Autant de noms désormais extrêmement familiers derrière lesquels se cachent d'autres entreprises, petites et grandes, actuelles ou en devenir, de l'économie dite collaborative ou du partage. Plébiscitées par les usagers, ravis de voir les prix baisser, ces start-ups, qui ont bâti leur succès sur les possibilités du numérique, sont néanmoins de plus en plus critiquées. Entre esprit hautement capitaliste et conditions de travail déplorables, leur image se trouve dégradée… le plus souvent à raison.

Uber, Airbnb : entre atteinte au droit du travail et optimisation fiscale

Géant parmi les géants, Uber attire la lumière sur lui. En France, mais aussi à l'étranger, la mise à sac du secteur des taxis a suscité un engouement populaire à peu près proportionnel à la levée de bouclier politique. Attaquée pour une concurrence jugée déloyale, l'entreprise américaine de véhicules avec chauffeurs est dans le collimateur de la justice et des sociétés établies du secteur, prêtes à en découdre, même physiquement. Principalement en cause : Uber Pop, le service permettant à des particuliers d'arrondir leurs fins de mois et d'utiliser leur propre véhicule pour le transport de passagers, quitte à ne pas avoir une formation suffisante et à effectuer de (trop) nombreuses heures de travail pour une faible rémunération, et une absence quasi-totale de protection sociale.

Autre service dans l'œil du cyclone, plus ancien et jusqu'ici peu contesté : Airbnb, le fameux site permettant à des particuliers de louer leur logement à des voyageurs désireux de payer moins cher ou d'éviter les hôtels. A l'instar d'Uber, le succès d'Airbnb a été fulgurant et l'entreprise est mondialement connue. Toutefois, à l'image de bon nombre d'autres géants du web, sa politique d'optimisation fiscale est aujourd'hui vivement critiquée. Comme l'a découvert BFM Business, l'entreprise n'a en effet payé que 97 000 euros d'impôts en France en 2013.

Un chiffre surprenant alors que Paris, la capitale française, est également la ville où la plateforme Airbnb est la plus utilisée, avec 40 000 logements proposés en Île-de-France et que son chiffre d'affaires dépasse largement les 100 millions d'euros. Le gain d'argent est considérable et rendu possible par une implantation de son siège européen en Irlande, pays aux dispositions fiscales généreuses.

De quoi ternir l'image de l'entreprise phare de l'économie du partage, à un moment où les scandales fiscaux s'amoncellent et suscitent une vague de défiance sans précédent en France et ailleurs en Europe. D'autant qu'Airbnb est également accusée de contribuer à la pression immobilière dans les grandes villes, dont Paris. De fait, la tentation est forte pour les propriétaires d'utiliser leurs logements à cet effet plutôt que de les louer aux résidents locaux. La loi du marché est impitoyable et les gains par ce biais sont supérieurs à ceux qui seraient issus d'un loyer mensuel.

Rien de nouveau sous le soleil capitaliste

Loués pour avoir créé une offre économique alternative et pour participer à l'émergence d'un nouveau modèle plus humain, les grands noms de l'économie collaborative ne seraient donc finalement que des entreprises ordinaires, attirées par la rentabilité. S'il est difficile de leur reprocher leur appartenance au système capitaliste en soit, leur image se doit d'être mise à jour et leurs activités, dans certains cas, davantage régulées. Les entreprises françaises ne devront pas échapper à cette logique.

Fleuron de l'économie collaborative française, Blablacar pourrait ainsi être rappelé à l'ordre. Championne incontestée du covoiturage, la société aurait usé de sa position dominante pour tuer dans l'œuf toute velléité de concurrence. Une manœuvre d'autant plus déplorable que Blablacar a introduit un système de commission sur chaque transaction, accroissant mécaniquement son poids financier.

Terminé le mythe naïf de la bienveillance des grandes entreprises du partage. Ces dernières sont ni plus ni moins des start-ups brillantes, parmi les premiers symboles du changement d'ère économique issu de la révolution numérique, et animées par la quête du succès financier. Rien de nouveau sous le soleil capitaliste donc.

Les ériger en exemple ou au contraire en épouvantails serait dès lors une erreur. L'enjeu pour les pouvoirs publics sera plutôt de créer une régulation cohérente et moderne pour ce nouveau secteur économique – plutôt en phase avec les demandes actuelles des consommateurs et aux bénéfices potentiellement conséquents, notamment en matière écologique – que l’on ne peut désormais plus laisser naviguer sans contrôle.


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