L’EPR de Flamanville et l’avenir de l’électronucléaire en France

par JMBerniolles
lundi 18 mai 2015

Le récent communiqué de l’Autorité de sûreté nucléaire, par la voix de monsieur Chevet son nouveau responsable, à propos d’ « anomalies » concernant le fond de cuve primaire et le couvercle cuve de l’EPR de Flamanville, a été repris immédiatement par la mouvance anti nucléaire, qui, rebondissant sur l’évaluation du problème comme « sérieux », voir « très sérieux » a prononcé l’avis de décès de l’EPR.

Dans la mesure où la fabrication de ces deux éléments de la cuve primaire des deux réacteurs de type EPR, de la troisième génération de réacteur nucléaire, en construction à Taishan en Chine, a été également réalisée par Areva, cette affaire a un prolongement international.

Alors que les réacteurs EPR chinois en étaient à l’étape décisive de chargement du combustible qui marque le début de la phase d’essais avant démarrage, cette prise de position conduit à suspendre cette mise en place du cœur des réacteurs.

Le changement de norme sur la résilience de l’acier cuve concerne aussi la question de la prolongation de la vie des réacteurs REP.

Cela s’inscrit dans le contexte d’une campagne anti nucléaire globale, avec son vecteur médiatique comme en témoigne l’enquête rétro active bidonnée de Canal+ sur les accidents nucléaires de fusion partielle de combustibles à la centrale de type UNGG de Saint Laurent des Eaux et son cadre politique où, par pur électoralisme et avec une bonne dose d’incompétence comme sur beaucoup d’autres dossiersla plupart des partis politique adoptent une position anti nucléaire.

Un groupe d’anciens spécialistes du nucléaire, notamment sur les aspects de métallurgie, choqués par la disproportion flagrante entre les arguments techniques avancés dans le communiqué de l’ASN et sa conclusion qui remet directement en cause la vie de l’EPR de Flamanville, a interpellé par voie de lettres ouvertes monsieur Chevet, le président de l’ASN.

Ces lettres que les médias cacheront au grand public, ont eu un grand impact dans le milieu scientifique et particulièrement dans celui du nucléaire. A tel point que les auteurs ont pu être accusés par le courant anti nucléaire qui existe au sein même des organisations du nucléaire, de vouloir tuer l’ASN. Alors qu’au contraire ils en réclament la véritable indépendance.

 

Le fond technique 

 Deux anomalies sont relevées dans le communiqué de l’ASN. Notons qu’il s’agit d’anomalies et non de défauts majeurs.

a) Dans le couvercle et le fond de cuve il y a des zones où la concentration en carbone est de 0.3% au lieu de 0.22%

b) La résilience, - test global de tenue aux chocs d’une éprouvette qui se traduit par une énergie provoquant la rupture -, est inférieure à la nouvelle norme entrée en vigueur, en Franceuniquement, le 1er janvier 2015 après avoir été décidée vers 2005 sous l’impulsion de l’ASN.

Sans rentrer dans rentrer dans toutes les considérations techniques qui ont animé les débats des spécialistes, on retiendra les avis suivants :

 Sur le point a) Durant les opérations de forgeage, les éléments qui ne sont pas fixés dans des phases, type impuretés, se déplacent dans les gradients thermiques qui sont inévitables. Là pour cet acier, on se situe à très bas carbone, donc celui-ci est susceptible de migrer également. Il en résulte de légères différences de concentrations dont il faut savoir si elles posent des problèmes.

Sur ce cas précis concernant le carbone, il est clair que l’on reste très nettement dans le même type d’acier, ferritique, et que les caractéristiques mécaniques ne sont pas fondamentalement modifiées.

 Sur le point b) en considérant que les éléments concernés de la cuve primaire ont été forgés il y a plus de 5 ans, on se trouve dans une configuration de problème administratif avant tout. Les résiliences issues de la phase de fabrication des couvercle et fond de cuve primaire étaient tout à fait dans la norme applicable à l’époque, ce qui explique que ces éléments aient été montés sur le site.

Soulignons également que la norme internationale liée au code ASME valide totalement ces deux parties de la cuve primaire de l’EPR de Flamanville et surtout que ce code s’applique en Chine. Où le problème administratif se transforme donc en problème diplomatique.

Un autre point plus fondamental, tient au fait que la résilience n’est nullement la caractéristique mécanique clé pour le tenue de la cuve primaire de l’EPR (et des REP).

Dans le fonctionnement de ces réacteurs le nombre de chocs thermiques importants, - arrêts d’urgence, forts changements de puissance..- est très limité.

La question de technologie sur la tenue de la cuve primaire (et donc incidemment pour la prolongation de la vie des réacteurs nucléaires) concerne l’évolution des fissures dans des conditions de corrosion sous contraintes et sous irradiation. Là, c’est plutôt la notion de tenacité qui est en jeu que celle derésilience globale.

Il est à noter que sur l’EPR particulièrement les flux d’irradiation (neutrons > 1 mev) seront faibles.

Toutes ces considérations techniques de la part de spécialistes ont été formulées dans des questions adressées par courrier ouvert à monsieur Chevet.

Nous savons qu’elles ne recevront pas de réponses puisque le fond technique de cette mise en cause de la vie de l’EPR s’est ainsi effondré.

Cette affaire va se conclure par une batterie de tests mécaniques qui montreront qu’il n’y a pas de problèmes, mais qui coûteront encore un retard de chantier de l’ordre de 6 mois à Flamanville. D’où un nouveau surcoût de quelques euros sur le MWh de Flamanville. Qui ne sera nullement représentatif du coût du MWh pour la série EPR.

On peut penser que ce délai sera moins long sur les EPR chinois de Taishan qui démontreront que l’on peut construire des EPR dans une période de temps normale.

Les délais de chantier sur l’EPR de Flamanville

 Le fait que la cuve primaire de l’EPR de Flamanville ait été fabriquée il y a si longtemps amène naturellement à se poser des questions sur la nature des retards sur le chantier de l’EPR de Flamanville.

On s’aperçoit rapidement que ces retards sont souvent liés à des interventions de la sûreté nucléaires. Dont on ne va pas dire qu’elles sont toutes injustifiées, même si on sombre parfois dans le domaine du formalisme comme dans celle qui a concerné le contrôle commande. Mais on peut se poser des questions sur les délais de traitement de ces questions où visiblement le problème du retard de chantier entrainé ne pèse pas lourd. Façon de parler parce que la multiplication par presque 3 du coût de l’EPR, liés aux intérêts des capitaux engagés, vient essentiellement de là.

Dans la mesure où il est connu dans les milieux du nucléaire qu’il existe au sein de l’IRSN et de l’ASN, des courants anti nucléaires organisés, on peut légitimement se poser la question de savoir si ceux-ci n’agissent pas au sein de ces organismes pour tuer l’EPR.

La campagne anti nucléaire

 Le problème de l’électronucléaire en France et dans les pays développés est de nature essentiellement scientifique.

La première question étant : est ce que l’électronucléaire est indispensable ?

La deuxième : peut-on maîtriser le développement et le fonctionnement du nucléaire  ?

La réponse positive à la première question est démontrée par l’impossibilité de sortie du nucléairede pays qui prétendent officiellement, depuis longtemps, l’arrêter,- AllemagneSuisse.. . Et par le fait que le marché du nucléaire s’étend aux pays producteurs de pétrole, -Arabie saouditeIrandont on aura compris que ce pays sous le régime d’une théocratie islamique, tient énormément à son nucléaire civil-. Des pays y reviennent comme le Japon, malgré les traumatismes et l’Angleterre où l’on ne mâche pas ses mots envers la soi-disant alternative éolienne et photovoltaïque qualifiée de « green craps ».

La réponse affirmative à la deuxième question ne va pas de soi. Elle dépend énormément de la nation et de l’état de sa société, dans laquelle le nucléaire est développé. Le poids de la nation c’est d’abord, à l’origine, la qualité des savants, puis les efforts de recherche et de développement qu’elle consent, notamment au niveau de la sûreté nucléaire. Il est aussi clair que l’état de la société joue un rôle dans la sécurité nucléaire. Tchernobyl doit beaucoup à l’implosion du système soviétique et des restes de féodalisme ont certainement joué dans les blocages qui ont conduit aux accidents nucléaires de Fukushima Daiichi au Japon. Si nous n’avons pas eu à déplorer d’accidents nucléaires majeurs en France, c’est précisément à cause de nos conditions favorables sur les points précédents.

En France, nous vivons concrètement aujourd’hui à travers la Loi sur la soi-disant Transition énergétique, mais aussi la suppression de l’enseignement de l’histoire, des mathématiques, des langues dites mortes… le combat entre l’obscurantisme d’idéologies rétrogrades et le modernisme que nos parents, notamment les instigateurs du CNR, nous ont laissé.

La campagne anti nucléaire que nous subissons régulièrement de la part de nos médias et du pouvoir PS/EELv, s’exacerbe parce que notre nucléaire est un pilier essentiel de notre industrie, de notre commerce extérieur, de notre recherche. Et que l’abattre reviendrait à un naufrage de notre pays.

Fermer Fessenheim rencontre beaucoup trop d’obstacles matériels et humains. Le mouvement politique pour une Transition énergétique aux motivations obscures et à l’absence de financement à la hauteur, [élevée plus de 500 milliards d’euros] des objectifs annoncés, est en échec sur tous les plans.

Alors nous avons eu droit à l’opération « drones sur installations nucléaires » où il est clairement apparu que les pouvoirs publics ont couvert Greenpeace, comme pour d’autres de ses opérations commandos.

Récemment un reportage de Canal+ revenait sur les accidents nucléaires liés à la fusion partielle de combustibles sur un réacteur de type UNGG (graphite-gaz) à Saint Laurent des Eaux.

Alors que même dans les accidents nucléaires maximum de Fukushima Daiichi extrêmement peu de plutonium provenant du cœur Mox du réacteur n°3 a été retrouvé sur le sol du site, où l’essentiel du plutonium mesuré à une origine militaire (d’essais nucléaires et d’Hiroshima/Nagasaki), ce reportage prétend démontrer que les accidents ont relâché des quantités notables de plutonium dans la Loire.

Comme dans le cas des autres fleuves et rivières, la Loire charrie naturellement de l’uranium et d’autres émetteurs alpha

Objectivement cette campagne anti nucléaire est aussi alimentée par des déclarations émanant de nos organismes dédiés à la sûreté nucléaire, l’IRSN et l’ASN. Notamment dans l’interview par le JDD de Monsieur Repussard, responsable de l’IRSN, où celui-ci faisait état d’un coût pharamineux de 5.800 milliards d’euros pour un accident nucléaire grave. Chiffres lancés sans aucun support basé sur un scénario réaliste d’accident grave survenant sur une de nos centrales nucléaires.

Pour avoir travaillé longtemps sur les accidents graves, réacteurs rapides et à eau légère, je sais que l’on ne peut justifier le passage d’un accident type TMI, la référence pour nos réacteurs nucléaires, à une telle apocalypse.

Conclusion

Il apparait que malgré la féroce censure qui frappe les protestations et mises au point d’experts du nucléaire, leurs arguments portent. Monsieur Chevet ne s’est pas soucié d’assoir sa compétence et d’établir sa crédibilité. C’est une erreur qui nuit à l’ASN dont l’indépendance réelle serait un garant pour notre engagement dans le nucléaire. Celui-ci reste suspendu par une politique anti nucléaire rampante du pouvoir qui bloque les études sur l’élimination des déchets nucléaires et le projet ASTRID, reprise de Super Phénix.

Cette affaire relative à la cuve primaire de l’EPR de Flamanville va malheureusement se traduire par un nouveau délai sur le chantier de l’ordre de 6 mois au bas mot. On peut penser qu’après l’observation d’un temps plus court, afin maintenir un certain respect dans les relations diplomatiques, pendant lequel l’affaire se dégonflera, les chinois relanceront la procédure de démarrage des EPR deTaishan.

Afin de susciter l’éveil d’une conscience de l’importance vitale que revêt le sort de notre nucléairepour notre avenir et surtout celui de nos jeunes qui cristallisent tous les problèmes de société aujourd’hui, il faut souligner que si l’abandon de Super Phénix ouvrait la voie du déclin de la Franceavec la grande braderie de notre haute technologie et de notre industrie, tout en limitant notre Recherche à un niveau indigne, la mort de l’EPR et la liquidation d’Areva marqueraient notre entrée dans une situation à la grecque, avant de basculer dans le chaos.

PS Je ne sais si cet article passera la modération de ce site. Les idées préconçues et les préjugés vis-à-vis du nucléaire, dans notre pays, sont tels que l’on ne peut avoir que pour seule ambition celle de conduire les lecteurs à réfléchir sur les thèmes abordés. 

 

Synthèse sur les accidents nucléaires de Fukushima Daiichi et leurs conséquences Mai 2013

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