@Jean-Luc Toutlemonde
« On peut toujours rêver que Hollande soit un sage... »
L’espoir fait vivre, dit la sagesse des nations, mais si le bonhomme Hollande était un sage, on se demande bien ce qu’il serait allé faire dans les magouilles du Parti socialiste. Parce qu’il n’est tout de même pas descendu par la cheminée, ce brave homme, à la façon du Père Noël. Son fantasme, c’est d’être enfin Président. Il n’en a pas la carrure. L’autre ne l’avait pas non plus.
« Les peuples seront heureux quand les rois seront philosophes et quand les philosophes seront rois » écrivait à peu près Dumarsais,dans l’Encyclopédie de Diderot. Cette vieille opinion déjà formulée par Platon a décidément la vie dure en dépit de tous les démentis infligés par le réel.
Franchement, nos deux pieds nickelés ont-ils même seulement des gueules de philosophes ?
"Ah, je viens de lire votre message concernant l’eventuelle émergence d’une « web conscience » qui dépasserait en dégâts les pires prévisions d’Orwell... je trouve l’exercice fascinant, mais ma réponse ira à demain. En attendant, si je rêve du prochain scénario de Spielberg, je vous en ferai part ! «
Najat,
Je pense que vous m’avez lu un peu vite ! Ce que je vous écrivais n’a rien du tout à voir avec une science-fiction toujours manichéenne qui fait intervenir des »robots« quelque peu inquiétants, qu’ils obéissent aux lois imbéciles de la robotique imaginées par Asimov ou qu’ils se retournent, comme dans l’Odyssée de l’espace de Clarke, contre leur créateur. Je me plaçais sur le simple terrain de l’évolution aisément constatable des systèmes biologiques. Entre les pré-hominiens et l’homo sapiens, nul doute qu’il y a eu des changements. Donnez à l’espèce que nous sommes quatre millions d’années (je suis bien optimiste !) et nous aurons des êtres qui ne nous ressembleront plus vraiment. Les religions voudraient bien que nous soyons arrivés au terme de l’évolution mais vous ne le pensez pas plus que moi. Or, l’évolution de l’intelligence et même celle de son substrat biologique sont en train de s’accélérer : le téléphone qui restait sur notre bureau il y a vingt ans est désormais dans notre poche, où que nous soyons, et je dis »téléphone" par simplification : il est déjà tout autre chose. Dans peu d’années, et assurément pour vous qui paraissez fort jeune, il sera carrément greffé à l’intérieur du corps où pas mal d’organes plus ou moins défaillants ou peu fiables seront immédiatement remplacés. A part moi qui m’en sers trois fois par mois, le téléphone mobile est devenu un prolongement presque naturel sans lequel la plupart de nos contemporains se sentiraient déjà amputés d’un organe essentiel. C’est-à-dire que le corps lui-même va devenir de plus en plus artificiel et va devoir (il l’est déjà) s’interfacer de plus en plus intimement à un réseau global dont les mutations (au sens biologique) seront continues et extrêmement rapides. On pourra bien vouloir rattraper le retard du biologique sur le cybernétique en le dopant, mais cela ne sera jamais possible et, de fait, l’écart se creusera indéfiniment. Jusqu’à ce que le biologique disparaisse progressivement, ce qui ne veut pas dire une disparition de l’intelligence sur la planète : elle subsistera sur d’autres supports, deviendra globale et cessera d’être individuée. Il ne faudra pas quatre millions d’années pour que l’homme disparaisse : ce sera fait depuis longtemps à l’aube du quatrième millénaire et même bien avant. Et si ça n’était pas fait, ça ne serait pas non plus une cause de satisfaction, c’est que nous n’aurions pas réussi à nous affranchir de l’animalité et de son intelligence lente et terriblement embryonnaire, et encore moins de la mort : je vous assure que c’est une bien misérable bestiole qui est en train de vous répondre, et en tant que représentant de l’espèce homo sapiens, je me fais pitié tous les jours !
Najat,
Non seulement j’ai été prof, mais même prof de lettres, et j’ai passé bien des heures de ma vie à expliquer Pascal, mais certainement pas comme les collègues de ma discipline qui, pour la plupart, n’entendent pas grand chose à la philosophie. Par votre longue défense de l’Auvergnat, vous m’avez cruellement obligé à rouvrir des volumes que je croyais refermés pour jamais et j’ai même relu entièrement « de l’esprit géométrique et de l’art de persuader », non sans une profonde horreur.
Que vous me disiez qu’il faut distinguer entre le raisonnement discursif, les « longues chaînes de raison » dont parle Descartes, et l’intuition qui impose immédiatement ses lumières, je le veux bien, mais ça ne nous mène pas très loin sinon nulle part. Pascal oppose les géomètres aux gens du monde qui ont l’esprit de finesse et sont rebutés par les démonstrations. C’est cette opposition que je récuse totalement, et par expérience : j’ai eu d’excellents élèves en lettres, ils étaient aussi particulièrement brillants en mathématiques. Les meilleurs des sections purement « littéraires », en revanche, qui mettaient un imbécile point d’honneur à ne rien entendre aux mathématiques, je les ai assez régulièrement trouvés aussi fumeux que les collègues de ma discipline.
On ne peut pas faire des mathématiques sans recourir à l’intuition : Pascal parle bien « des principes si gros qu’il est presque impossible qu’ils échappent », mais quand on lit ses démonstrations ou celles de Desargues, on a intérêt à s’accrocher parce qu’il faut se représenter mentalement des figures complexes dans l’espace, et non pas seulement les propriétés élémentaires des polygones du plan. Le reproche qu’on peut faire à Pascal, c’est justement d’essayer de démontrer des problèmes devenus très complexes avec les mêmes méthodes que les anciens et sans recourir à la géométrie algébrique de Descartes qui est quand même d’une tout autre élégance, et beaucoup plus puissante.
Vous me dites qu’il y a des choses en géométrie qu’on ne peut pas démontrer. Je ne vous ai jamais dit le contraire, c’est tout le problème de l’axiomatique, mais quand vous me dites qu’on ne peut pas « démontrer cette courbure », parlant probablement des géométries non-euclidiennes, cela n’a pas beaucoup de sens : la notion de courbure n’est pas une idée vague en rapport avec l’expérience sensible, elle résulte d’un certain nombre d’axiomes et de définitions qui sont tout à fait suffisantes pour qu’on puisse bâtir là-dessus quelque chose de consistant. Pour illustrer le problème de la contradiction en mathématiques, vous auriez pu évoquer la théorie de Cantor critiquée par Russel à propos de la question de l’ensemble de tous les ensembles qui n’appartiennent pas à eux-mêmes. Cet ensemble s’appartient-il ? Mais cette difficulté logique n’a pas été insurmontable puisqu’elle a conduit à la théorie des types logiques. Cela vous prouve en tout cas surabondamment s’il en était besoin la falsifiabilité des mathématiques, qui est selon Popper le critère même de la scientificité. Si la psychanalyse ou les religions étaient aussi aisément falsifiables, on pourrait peut-être passer à des domaines de la réflexion un peu plus excitants !
Pour me prouver qu’il y aurait de l’irrationnel jusque dans les mathématiques, vous écrivez : « le triangle, comme objet géométrique, n’est pas le résultat d’un discours déductif de la raison. Il n’est pas « démontrable ». » Là, je n’y comprends rien du tout. Il n’a jamais existé un triangle, personne n’a jamais pu VOIR un triangle, le triangle est un concept et il se réduit entièrement à la définition qu’on en donne, il n’existe pas au-delà, dans le monde sensible, étant constitué de droites sans épaisseur et donc invisibles, et on ne peut y accéder, pour parler comme Descartes, que par une « inspection de l’esprit ». Pour le définir, il a bien fallu disposer d’abord de notions plus élémentaires : celle du plan, celle de la droite, celle du point. Il n’y a rien là à démontrer, cet ensemble de définitions constitue un corpus suffisamment consistant pour qu’on puisse opérer dessus ad libitum.
Vous me dites quelque part que La Rochefoucauld serait l’incarnation même de l’esprit de finesse. Je dis non et je le prouve en l’opposant à l’Auvergnat. Le problème de Blaise, c’est de persuader, de persuader le libertin. Comme le marchand d’aspirateurs, il a quelque chose d’énormément positif à nous vendre : l’exaltante Vérité indubitable du christianisme, avec le bonheur éternel qui va avec. La démarche de La Rochefoucauld est inverse, elle est sceptique, elle ne promeut pas une croyance, elle démolit radicalement les illusions communes. Chaque vertu est examinée par le bonhomme, et elle « n’est que », c’est-à-dire en général pas grand chose, si ce n’est même, quelquefois, un vice. Il y avait dans les premières éditions quelques maximes qui évoquaient Dieu. Dans l’édition de 74, elles sont toutes supprimées. En cela, La Rochefoucauld est un vrai philosophe, il ne prétend pas avoir accès à une quelconque positivité, il se contente de faire tomber les masques et de démolir le faux. Le vrai, c’est ce qui n’est pas encore faux, il se définit en creux, et provisoirement. En bon sceptique, il doute même de sa propre radicalité et s’impose quelquefois d’écrire des choses comme « s’il y a un véritable amour... » « S’il y a une amitié véritable... », mais cela reste très hypothétique.
Je n’ai jamais dit que le pari de
Pascal fût en rien « arbitraire ». C’est un calcul
d’intérêt, mais c’est là justement qu’on doit confronter le petit
Blaise à La Rochefoucauld pour qui « l’intérêt est l’âme de
l’amour propre ». Et le vieux duc méprise la notion d’intérêt,
qui sent son bourgeois. Pour lui, l’intérêt est méprisable, et
cela nous ramène à l’opposition entre la religion populaire et la
religion des intellectuels. Vous me dites : la vraie religion, c’est
celle des intellectuels. Je pense exactement le contraire :
l’intellectuel a les moyens, lui, de voir des contradictions énormes
que le peuple ne voit pas, et s’il reste religieux, c’est par tartufferie, parce que cela sert ses intérêts de classe de favoriser l’opium du peuple qui endort « la canaille ». La religion devrait bien elle aussi tonner
contre l’amour-propre. « Le moi est haïssable », disait
Blaise, en vrai chrétien, mais elle tient un double discours selon
le clivage des deux cités. L’amour-propre, c’est-à-dire, l’égoïsme
serait monstrueux ici bas, mais, bizarrement, il resterait quant même tout à fait
licite et même recommandable de vouloir rejoindre un jour la cité de Dieu, et la générosité
que la charité implique ne peut donc jamais être désintéressée.
Molière a admirablement vu cela dans la scène du pauvre de "Dom
Juan", lorsqu’il fait répondre au mendiant à qui Dom Juan vient de
demander ce qu’il fait tout seul dans cette forêt : « je prie
pour la prospérité des gens de bien qui me donnent quelque chose ».
Il est ermite mais il lui faut quand même une petite pièce de temps
en temps et il a intérêt à ce qu’il y ait des riches, qu’ils
soient même de plus en plus riches, alors que sa religion lui
représente que la pauvreté est préférable et conduit plus
sûrement en paradis. C’est une comédie, me direz-vous, une satire, mais ces contradictions ne sont pas inventées : elles sont le résultat d’une observation lucide.
Au fond, vous voyez très bien que ce qui fonde l’athéisme, ce n’est certes pas la révélation venue d’on ne sait où que Dieu n’existerait pas, c’est simplement une analyse critique, à la manière de La Rochefoucauld, des comportement et de leur articulation à la morale : A supposer même que Dieu existât, il y aurait quelque chose de profondément immoral dans le désir d’être sauvé et d’organiser sa vie selon cet objectif, de faire comme le petit chien-chien à sa mémère qui donne sa papatte pour avoir un susucre. Et quand bien même Dieu existerait, la soumission à cette entité, qui est la définition même de l’islam mais qui vaut aussi bien dans les autres religions du Livre, c’est quelque chose qu’un philosophe ne peut accepter parce que le sentiment de la crainte peut valoir pour des esclaves mais pas pour des hommes libres. Cela se démontre-t-il ? Je ne sais pas. Peut-être bien que cela résulte uniquement d’un requisit imposé par l’esprit de finesse !
@mojique
Il est certain que la « belle époque » prend fin brutalement en 1914, mais il est beaucoup plus difficile de dater son commencement ; c’est un climat qui s’installe à cause d’une relative stabilité des institutions politiques dans les dix ou quinze dernières années du XIXe siècle ; la situation économique s’améliore aussi, vers la fin, mais pas pour tout le monde, évidemment !
@non667
« par dépit j’ai voté fn en 86 pour ce parti »inconnu " pour moi et négligé
par les autres partis !«
En 86, ce parti n’avait rien d’inconnu : ses orientations étaient beaucoup moins ambiguës et camouflées qu’elles ne le sont actuellement. Le père de la Walkyrie était classé à l’extrême droite la plus classique : nostalgique de Pétain et du nazisme comme de l’O.A.S., antisémite, négationniste, proche des chrétiens intégristes, ultra-nationaliste, etc. Voter Le Pen père, c’était carrément vouloir une réédition du fascisme, il n’y avait aucun moyen de se raconter des histoires ou bien il fallait ignorer tout de l’histoire des cinquante années qui avaient précédé, ce qui me paraît tout de même difficile. Il convient d’ajouter qu’il n’était pas non plus »négligé« par les autres partis, mais tout à fait ostracisé en raison d’orientations qui étaient incompatibles avec la démocratie. Pour l’extrême droite - ils n’oseraient évidemment plus le dire aujourd’hui même s’ils continuent de le penser-, la République, c’était toujours »la gueuse", comme dans les années 30.
@amipb
Cette question de l’intelligence est effectivement très difficile. Doriot et Déat, par exemple, ont des évolutions assez comparables, passant de la gauche voire de l’extrême gauche à la pire collaboration avec le Reich. On peut dire que Doriot est une espèce d’autodidacte, mais Déat sort de Normale Sup, il a été l’élève d’Alain. En Allemagne, un Von Braun se soucie fort peu que dans les usines qui construisent ses prototypes, les prisonniers qu’on traite comme des esclaves crèvent comme des mouches. S’il n’avait pas été nazi, étant donné ses talents tout à fait exceptionnels, on dirait que ce type était génial. Dans le même temps, il s’est trouve en Europe une assez grande proportion de gens sans étude et réduits aux lumières du simple sens commun qui, sans même hésiter, entraient immédiatement en résistance. Quand on lit les entretiens de Sartre avec Gérassi, on peut bien se souvenir d’analyses philosophiques tout à fait brillantes qu’il a pu produire et qui resteront, et en même temps, on est bien forcé de voir que dans son approche des situations politiques de son temps, il atteint un niveau de connerie difficilement dépassable. Comment expliquer ça ? J’avoue que j’aurais bien du mal à formuler des hypothèses.
Najat,
Vous me disiez naguère que vous étiez un peu hégélienne ; autrement dit, pour vous, l’histoire aurait un sens. Cela ne m’étonne pas trop : la pensée de Hegel, de quelque manière qu’on l’envisage et même si on veut la remettre sur ses pieds à la manière de Marx, impose une eschatologie d’inspiration biblique qui m’a toujours quelque peu rebuté. Mais pour vous embarrasser, je vais me risquer un peu dans un domaine qui m’est étranger et je serais curieux de savoir ce que vous pouvez en penser.
On ne peut guère nier que la connaissance scientifique et technique, ces deux derniers siècles, a considérablement progressé et que ce progrès s’accélère. Nous disposons maintenant d’ordinateurs de plus en plus puissants et la loi de Moore qui veut que, dans la fabrication des processeurs, le nombre d’éléments logiques par unité de surface double tous les dix-huit mois selon une courbe exponentielle n’a pas encore été contredite même si on commence à approcher d’une limite. Türing, avant la guerre, qui ne disposait pas d’ordinateurs réels mais avait déjà envisagé une machine théorique idéale s’était demandé si elle pourrait simuler l’intelligence humaine et avait répondu positivement. Il y a trente ans, les informaticiens étaient encore divisés sur la question. On parlait bien déjà d’intelligence artificielle, mais des moteurs d’inférences qu’on mettait au point on peut tout dire sauf qu’ils étaient intelligents. L’intelligence, ce serait, comme Türing l’avait bien vu que, communiquant à distance avec un ordinateur, on ne puisse pas se rendre compte qu’il s’agit d’une machine. Les arguments que certains informaticiens développaient pour nier la possibilité d’une réelle intelligence artificielle, c’est-à-dire de quelque chose qui ressemblerait tout à fait à la conscience font aujourd’hui sourire. Si la conscience est possible dans le cerveau humain, c’est parce qu’avec ses cinq milliards de neurones, chacun étant connecté à plusieurs dizaines de milliers d’autres, l’organe constitue une structure extrêmement complexe où la conscience peut émerger. Mais il n’est pas du tout impossible de concevoir des machines dont le degré de complexité serait non pas équivalent mais très supérieur. Pas mal de laboratoires dans le monde travaillent sur cette question. Certains pensent que d’ici le milieu du siècle, on devrait approcher de la solution technique. Au reste, une partie essentielle de ce cerveau géant, sa mémoire, existe déjà, c’est l’Internet, et une machine consciente capable de penser par elle-même pourrait déjà y trouver immédiatement presque la totalité du savoir humain.
Ce qui se passerait au moment d’une émergence d’une authentique intelligence artificielle serait assez curieux. Essayons de penser le moment où il existerait encore une parité entre l’intelligence humaine et l’intelligence artificielle. Que se passerait-il ? La Machine pourrait se substituer à l’homme pour continuer à concevoir sa propre structure et à la complexifier. Ses capacités intellectuelles ne doubleraient peut-être pas tous les dix-huit mois parce qu’on ne sait pas vraiment, à partir du moment où il y a une conscience, ce que ce serait qu’être deux fois plus intelligent, mais nul doute que la machine pourrait travailler à augmenter indéfiniment ses capacités, lesquelles en une seule année augmenteraient « beaucoup ». En revanche, l’intelligence biologique de l’homme varie très lentement. Je ne suis pas du tout sûr que la moyenne des hommes aujourd’hui surpasse en intelligence Homère ou Platon. On arrive donc à ce que certains penseurs appellent une singularité, c’est-à-dire un moment du temps où les choses changent si radicalement qu’on passe d’un monde à un autre sans qu’ils soit possible de prévoir ou d’imaginer quoi que ce soit. On ne peut rien penser en deça de la singularité que le big bang a constituée, et de même on ne peut rien penser, par la force des choses, de ce que serait un monde habité par une forme d’intelligence très supérieure à la nôtre. Et de fait, une machine capable de penser extrêmement vite, disposant instantanément de tout le savoir accumulé depuis le début de la période historique ressemblerait un peu à l’idée que nous nous faisons des dieux. Il y aurait très vite infiniment plus de distance entre nous et cette entité qu’il n’y en a actuellement entre nous et le chimpanzé, et cette distance, de jour en jour, et non pas de million d’années en million d’années, ne cesserait de s’approfondir.
Nous sommes donc actuellement face à cette alternative : ou bien nous parvenons à donner naissance à une intelligence artificielle supérieure à la nôtre, et à ce moment-là nous pourrons être contents de nous, ou bien nous n’y arrivons jamais et c’est toute l’ambition prométhéenne de l’expérience humaine qui en prend un coup : nous ne serons toujours qu’une variété de singes un peu plus évolués que les autres. Si nous ne réussissons pas, nous pouvons perdurer misérablement comme nous le faisons depuis quatre millions d’années. Mais si nous réussissons, ipso facto nous disparaissons en ce sens que nous n’avons plus sur la planète qu’un statut relativement équivalent à celui des singes et des dauphins, puis des chiens, puis des canards, puis des oursins, etc.. Triste perspective !
Ce type de spéculation n’est pas du tout de l’ordre de la fantaisie et n’a rien à voir avec les révélations sur les différentes manières d’envisager la fin du monde qui nous viennent des religions et auxquelles vous ne croyez pas plus que moi. Les gens qui travaillent sur ces questions sont à peu près dans les mêmes questionnements et les mêmes inquiétudes que ceux qui oeuvraient du côté de Los Alamos à la mise au point de la première bombe atomique. Quand on en décrivait les effets dans le cadre d’une étude purement théorique, cela paraissait inimaginable : un pur délire. Mais c’était bel et bien possible et on ne le sait que trop. On a tout lieu de rigoler quand on entend parler de l’Antéchrist et de la bête de l’Apocalypse, mais la machine dont je parle finira nécessairement pas exister, elle est l’avenir d’une intelligence qui n’en est encore qu’à ses balbutiements, laquelle devra migrer d’un support biologique à un autre pour devenir plus efficace. Cela m’amuse toujours beaucoup d’entendre ces émissions de vulgarisation où on évoque la « vie » sur d’autres planètes. Je gagerais que s’il y a des formes d’intelligences dans l’univers, elles ne correspondent pas du tout à ce que nous appelons la vie au sens biologique du terme. Ce sont plutôt des machines, au sens large du mot, capables de se modifier au niveau atomique et selon les procédés que commencent à maîtriser les nanotechnologies : dès que la vie devient intelligente et qu’apparaissent la culture et la science, quelques siècles probablement suffisent pour que l’intelligence soit dans la nécessité de trouver un autre support que la vie biologique.
Je ne parle pas de machineS avec le s du pluriel, encore moins de robots : le type d’intelligence que je décris est nécessairement connecté à l’ensemble des serveurs de la planète, c’est le réseau lui-même qui devient, à un moment donné, intelligent, et commence à se suffire à lui-même. Pour les religions existantes qui n’ont pas vraiment prévu ce type d’évolution historique cela pose, me semble-t-il, d’assez sérieux problèmes ! Les transhumanistes, et surtout les posthumanistes, pour qui j’ai tout de même pas mal de sympathie, sont beaucoup moins embarrassés.
@ Arobase
"que les lepenistes nous disent ici si le bal de vienne et la réunion
avec le parti faschiste italien le mois dernier ont une explication, et s’ils
approuvent les deux démarches «
Les lepénistes vous diront (ils me l’ont dit sur une autre page) que c’était un hasard : la walkyrie ne savait pas qu’il y avait des fascistes à Vienne et que c’est par eux qu’elle était invitée. Il se pourrait même que ces fascistes ne soient pas fascistes. Elle ne savait pas non plus, apparemment, que c’était le jour anniversaire de la libération du camp d’Auschwitz. J’ajouterai, moi (on ne me l’a pas dit) qu’on n’avait pas jugé bon, dans sa sainte famille, de l’informer de ces sortes de choses : on avait sans doute l’habitude d’aller directement à l’essentiel en négligeant les »détails".
Bref, le négationnisme a encore de l’avenir.
@surferrosa
C’est par pure provocation que je répétais ici ce que j’ai déjà écrit à propos d’un autre article, et je suis déçu de voir à chaque fois qu’il n’y a pas de réaction, si ce n’est qu’on vote anonymement contre le propos.
Ou bien on fait partie des 45% qui ne savent pas très bien de quoi il retourne et qui votent en toute innocence de cette manière-là parce qu’on les a manipulés, et on est mal à l’aise face à cette statistique, ou bien on fait partie de ces 7% dont on a lieu de penser qu’ils savent, eux, ce qu’ils font, et sont par conséquent tout à fait à l’extrême droite et réellement fascistes. Ceux-là n’aiment pas se découvrir et ne diront rien non plus.
J’ai écrit que le mitterrandisme avait assuré « la promotion du PS ». C’était évidemment un lapsus et je voulais parler de la promotion du FN. On l’aura compris.
Aux explications que vous proposez et qui me paraissent toutes pertinentes, je me permettrai d’en ajouter une autre : l’effondrement du niveau de culture.
Une statistique était publiée, la semaine passée ; elle faisait apparaître que 30% des gens qui n’étaient pas titulaires du bac avaient voté pour la blonde walkyrie. Avec le bac, c’était 15% et seulement 7% chez ceux qui avaient fait des études supérieures. Par ailleurs, l’électorat du FN, et cela a surpris, est plutôt jeune.
Depuis le milieu des années 80 - et cela n’est pas à la gloire du PS - on a entrepris de détruire en profondeur le système d’instruction publique, ce qui fait qu’aujourd’hui on peut très bien être bachelier et illettré. Nous devons donc au mitterrandisme tout à la fois la promotion du PS , comme vous le faites remarquer, et la création des conditions d’inculture qui favorisent son irrésistible ascension.
Dans une émission de France culture, la semaine passée, on interrogeait des gens qui avaient voté pour le FN et s’exprimaient d’une manière tout à fait décomplexée. Ils reconnaissaient qu’on les traitait de « fachos ». On demandait à un jeune homme partisan du FN depuis l’âge de treize ans s’il savait ce qu’avait été le fascisme. Il ne savait que ce qu’on lui en avait appris à l’école, et cela « ne l’intéressait pas vraiment ». Un autre, provincial de toute évidence, mais plus âgé, était récemment allé à Paris et ce qu’il avait vu l’avait absolument horrifié : des étrangers partout ! On n’était vraiment plus chez soi, et dans certains endroits, il ne se sentait plus du tout en sécurité ! Bref, à entendre tout ça, il y avait vraiment de quoi avoir peur pour l’avenir du pays.
à l’auteur
« Le candidat est du reste cohérent avec lui-même puisqu’il prône une
»République irréprochable« . »
Ah bon ? Il va quitter le parti socialiste, Hollande ? Mais non, suis-je bête ! Il l’a déjà quitté, sinon il ne pourrait évidemment pas s’exprimer ainsi et vous ne diriez pas non plus qu’il est « cohérent avec lui-même ». J’essaie bien de m’informer, comme tout le monde, mais je n’avais encore lu cela nulle part. C’est probablement une conversion toute récente, et discrète. Je vais faire un tour sans plus tarder du côté du marchand de journaux. En tout cas, merci : sans vous, j’aurais l’air malin !
Najat,
La distinction de Pascal entre un esprit de finesse et un esprit de géométrie m’a toujours paru de l’ordre de ces choses auxquelles il conviendrait d’appliquer le principe du rasoir d’Ockham. C’est un concept inutile et factice. C’est depuis ce temps-là qu’on oppose, d’une manière tout à fait calamiteuse, les littéraires et les matheux. Je trouve que vous êtes bien imprudente de faire de Pascal un modèle de pensée philosophique après ce que j’en avais dit et qui reposait sur de solides préventions. Il est en effet raisonnable, dit en substance le bonhomme, pour la raison, de se « soumettre ». Et de se soumettre à quoi ? A la révélation. Cela, à mes yeux, le discrédite définitivement comme philosophe. Il est, comme Nietzsche, même s’il va pas du tout dans le même sens, un penseur malade qui veut penser pour se soigner. Il n’est pas non plus cet « l’effrayant génie » que Madame Perrier, s’est efforcée de faire apparaître dans la biographie qu’elle a écrite de son frère. Alexandre Koyré aurait même tendance à le considérer plutôt comme un bricoleur qui emprunte beaucoup à ses prédécesseurs sans inventer grand chose. Quand on regarde ses démonstrations mathématiques - sur la cycloïde, par exemple -, on voit qu’il est très en retard sur Descartes plus vieux pourtant, et largement, d’une génération. Il n’a pas du tout intégré la méthode analytique en géométrie ; il est astucieux, certes, mais il utilise un marteau-pilon pour écraser des mouches. Quant à sa description d’un monde infini qui semble faite pour donner le vertige au libertin, avec cet univers « dont le centre est partout et la circonférence nulle part », on ignore trop souvent que c’est une citation sans guillemets de Nicolas de Cues qui n’est même pas lui-même l’inventeur du concept. Bref, pour moi Pascal est un charlatan qui essaie de réconcilier autant qu’il peut, à la manière des sophistes, la religion avec la science, mais je suis bien loin d’avoir pour lui la même estime que j’aurais pour un Teilhard de Chardin animé par la même ambition, mais dont bien des intuitions me paraissent autrement heuristiques.
Evidemment, on ne peut rien fonder. Nous le disions à propos de Nietzche et de la morale, on peut le dire aussi à propos des sciences et même des mathématiques, surtout depuis le théorème d’incomplétude de Gödel que je croyais que vous alliez m’asséner et qui vous eût été bien utile, d’autant plus que je ne serais pas vraiment en état d’en discuter, cela excède mes capacités. Je l’ai échappé belle !
« être rationnel, m’écrivez-vous, suppose donc d’admettre l’irrationnel ». Je trouve que vous y allez quand même un peu vite et que ce que vous mettez sous le terme d’irrationnel est un peu flou ; les exemple que vous donnez pour étayer cela ne me convainquent pas.
J’ai eu tout à fait tort dans mon précédent mail de parler d’une philosophie qui pourrait envisager sinon approuver qu’on abandonnât le principe de non-contradiction, et d’évoquer à ce propos les géométries non-euclidiennes qui parurent un peu suprenantes à leur apparition, comme plus tard, aussi, la théorie de la relativité, et vous auriez dû me critiquer sévèrement sur ce point au lieu de profiter, comme vous le faites, d’une naïveté que vous me supposez pour mieux m’enfoncer dans mon erreur ! Ces géométries n’ont en effet rien d’irrationnel à partir du moment où l’on suppose une courbure positive ou négative de l’espace. La somme des angles d’un triangle sur une sphère, par exemple, cesse d’être égale à deux droits. Cela se démontre, se calcule, cela n’a rien de mystérieux ni d’irrationnel. Il vaudrait mieux, dès lors, penser à la théorie quantique. Les physiciens disposent là de formalismes « qui marchent », mais tellement paradoxaux du point de vue du simple bon sens qu’ils avouent être incapables de les « comprendre ». Einstein en était terriblement irrité au début mais il a dû s’y faire. Cela implique-t-il que le monde soit irrationnel ? Je ne le pense pas. Simplement, la raison – pour l’instant, mais depuis le début ! -, rencontre des difficultés, mais cela n’empêche pas les physiciens de chercher la théorie de grande unification qui permettrait de clarifier les choses. S’ils se rangeaient à la position de Pascal, ils auraient mille fois plus de raisons que lui (on en sait plus, le mystère s’épaissit) d’abandonner carrément la recherche et de dire avec le sophiste janséniste : « [l’homme] tremblera dans la vue de ces merveilles [de la nature] ; et je crois que sa curiosité se changeant en admiration, il sera plus disposé à les contempler en silence qu’à les rechercher avec présomption ». Bref, on arrête tout puisque la science est un chemin qui ne mène nulle part, et on se jette à plat ventre devant Dieu. L’exemple de Pascal nous fait voir que c’est ou la science/philosophie ou la religion, mais pas les deux à la fois : elles sont incompatibles et s’excluent réciproquement. Sur ce point, il a tout à fait raison, mais c’est le choix qu’il fait que je réprouve et je doute que vous puissiez parvenir indéfiniment à ménager longtemps la chèvre et le chou.
Vous me dites plus bas que le hasard serait une « manifestation de l’irrationalité dans la nature ». Non, pas du tout : quand vous lancez une pièce de monnaie, ce n’est pas du tout par hasard qu’elle tombe d’un côté plutôt que de l’autre. Il est vrai que depuis une trentaine d’années, la physique du chaos s’est développée. On pensait encore dans les années 50 qu’on pourrait, en affinant les méthodes d’observation et de calcul, prévoir longtemps à l’avance l’évolution de la météo, par exemple. On en était resté à une conception laplacienne du déterminisme : connaissant les paramètres d’un système et son état à un moment t, on pourrait décrire son état à l’instant t+x ou t-x. On sait aujourd’hui que cela vaut pour les systèmes simples, mais pas pour les systèmes complexes sensibles aux conditions initiales. Par conséquent, il y a toute sorte de systèmes, dont ceux qui relèvent de la mécanique des fluides ou de la cosmologie, dont on sait aujourd’hui qu’on ne pourra jamais prédire exactement l’évolution parce qu’il faudrait, pour la modéliser des ordinateurs qui puissent faire un sort à chaque particule du système. Cela n’empêche évidemment pas le déterminisme de s’appliquer au niveau de ces éléments selon des règles qui sont, elles, parfaitement rationnelles.
L’argument de l’intérêt est absolument central dans toutes les religions du Livre obsédées par la question d’un salut personnel et d’une vie éternelle in paradisum. C’est l’intérêt qui commande aux chrétiens comme aux musulmans de donner deux sous au mendiant, de s’abîmer les genoux en se traînant par terre, de s’abstenir de la fornication, de jeûner, etc. Bref, de s’empoisonner l’existence.
Je ne dis pas qu’il n’y ait pas eu chez les gens instruits une tentative pour dépasser cela. Dans le quiétisme de Madame Guyon, par exemple, aussi bien que chez les grands mystiques, on essaie de faire passer l’amour de Dieu avant l’amour-propre, on tâche de s’anéantir dans l’extase et la contemplation, mais vous ne trouverez pas de religieux, sinon dans certaines variantes, peut-être, du gnosticisme (on y trouve tout !) qui soient allés jusqu’à vouloir renconcer à leur salut. Au reste, du point de vue des autorités religieuses, c’est toujours dangereux pour le fonds de commerce de la religion : Madame Guyon quelque peu persécutée par Bossuet s’est vite retrouvée à la Bastille, et Fénelon a connu la disgrâce.
La relation du croyant ordinaire à Dieu, dans toutes les religions du Livre, est de l’ordre de la prostitution. Je veux bien me donner à Dieu, jouer s’il le faut la comédie du pur amour, mais c’est quand même donnant-donnant. A cela s’ajoute très vite la crainte superstitieuse : si je ne fais pas ce qu’il faut, et si Dieu existe, il risque de m’en cuire ! En France, le jeûne du ramadan est devenu depuis vingt ans une obligation absolue. Je me souviens (il y a de cela plus de dix ans) que des élèves venaient quelquefois me dire, à la sortie du cours en manière d’excuse : « M’sieur, on a un peu de mal à se concentrer, en ce moment, mais c’est qu’on fait le ramadan ». Ah bon, leur disais-je, avec une expression d’étonnement calculée : si cela vous embête, il ne faut pas le faire et, d’une manière particulièrement perverse et diabolique, je sortais de mon cartable une ou deux barres chocolatées dont je m’étais muni en arrivant au lycée et que je leur proposais benoîtement. Le soir, quittant l’établissement et passant devant le distributeur automatique, je trouvais des groupes de filles qui me demandaient l’heure. Encore dix minutes ! S’exclamaient-elles, crevant de faim et de soif ! Ces jeunes n’avaient évidemment aucune raison, surtout après un cours sur la philosophie des Lumières, de se comporter d’une manière tellement irrationnelle, et je ne laissais pas de leur rappeler la phrase de Racine dans la préface de Phèdre : « la seule pensée du crime est regardée avec autant d’horreur que le crime même ». C’est-à-dire que simplement penser à manger ou à boire, pendant le ramadan, et oser se plaindre d’une contrainte que la raison n’impose pas, c’est exactement comme de se goinfrer en cachette. Je ne vous dis pas ce que j’ai pu entendre d’adultes qui s’imposaient cette contrainte. Ils n’osaient évidemment pas me dire que c’était Allah qui leur commandait la chose, et ils n’hésitaient pas à trahir leur religion en inventant toute sorte de raisons profanes adaptées à l’interlocuteur rationaliste qui les attendait au tournant, du genre : ça fait du bien pour la santé. Après ça, je me sens mieux, etc. Il y a donc bien deux religions : une religion du peuple qui est très simple et qui fonctionne sur le principe de la carotte et du bâton et une religion pour les intellectuels (en apprence la même), mais en forme d’usine à gaz, avec un labyrinthe de tuyaux qui semble fait pour égarer l’esprit.
Vous évoquez Husserl. C’est aussi mon philosophe préféré, celui auquel je reviens constamment, et cela me fait vraiment plaisir de voir que là nous nous rencontrons vraiment. Mais je crains que vous ne le tiriez dans une direction que je trouve contestable en parlant de transcendance pour dire tout de suite après que cette transcendance n’en est pas une. En effet, il n’y a aucun arrière-monde métaphysique dans la phénoménologie transcendantale. Ce qui me surprend toujours, c’est qu’on puisse si aisément faire entrer Husserl dans le confection de sauces philosophique qui paraissent tout à fait incompatibles avec sa volonté d’en finir avec les oppositions du type idéalisme / réalisme. Par exemple, Lévinas et Ricoeur ont été les vulgarisateurs de la phénoménologie husserlienne, mais ce que ces penseurs du religieux en font me stupéfie, et plus encore les productions d’un Michel Henry ou d’un Jean-Luc Marion. Husserl, s’il pouvait les lire, se retournerait dans sa tombe !
à l’auteur
ATTENTION AUX ENORMITES ET AUX ANACHRONISMES !!!
"La période de l’entre-deux guerres mondiales fut appelée par les historiens « La belle époque ».
Vous voulez dire probablement que c’est après la première guerre mondiale qu’on a commencé à parler de « la belle époque ». Celle-ci prend fin au milieu de l’été 1914, quand la France entre en guerre. L’expérience de la « der des » der aura considérablement assombri le paysage intellectuel de l’Europe. Le mouvement dada et le surréalisme ont quelque chose de grinçant qui n’a plus grand chose à voir avec la fin du symbolisme littéraire ou pictural, avec les arabesques de l’art nouveau dans les affiches de Mucha ou dans les créations d’Hector Guimard. Le « french cancan », c’est aussi désormais du domaine de la nostalgie et du bon vieux temps !
PLOT29
Ce que vous écrivez suffit à faire comprendre que vous n’entendez pas grand chose à l’histoire des trente dernières années. Je suppose que vous venez de naître. La réduction du nombre des fonctionnaires dans l’éducation nationale a été rendue possible par ce qui a précédé, et la destruction dont je parle est qualitative, structurelle. La destruction systématique des contenus visant à faire baisser le niveau s’est accompagnée paradoxalement d’une augmentation des moyens. Ca n’est jamais simple, la réalité !
@PLOT29
Offrez-vous donc un prie-Dieu. Pour croire, ce sera plus confortable.
Et interrogez-vous un peu sur la question de savoir qui a détruit radicalement l’école de la République. La droite ou les socialistes ? Quand on s’en prend à l’institution qui forme les intelligences et l’esprit critique d’une nation, toutes les destructions deviendront ensuite un jeu d’enfant. On en est là. Ce sont désormais des jeunes dépourvus de toute connaissance historique, et empêchés de comprendre le monde dans lequel ils vivent, qui votent pour le FN. Très beau résultat dont il faut sans doute remercier les Jospin, Allègre, et autres socialistes.
« Ok ! Hé bien j’espère qu’après le 6 mai vous allez vous la fermer »
Pitoyable !
C’est vous qui avez déjà pris le parti de « la fermer », c’est-à-dire de ne donner que l’une des deux réponses autorisées quand on vous donne le choix entre un coup de pied au cul et un coup de poing dans la gueule. Vous êtes déjà conditionné à ne pas être capable d’envisager autre chose que cette alternative qui n’en est pas une.
Non seulement vous n’avez rien compris à ce que j’écrivais, mais par dessus le marché vous ne comprenez rien à la marche du monde.
Vous ne méritez même pas qu’on vous éclaire et je vous abandonne à votre lamentable mentalité d’esclave qui pleure pleure sur ses chaînes mais n’aurait pas même l’idée de les briser.
Si vous m’aviez un peu lu, vous pourriez difficilement imaginer que j’attende quelque chose du tribun Mélenchon ! Quand je regarde tous ces pauvres bougres, à droite comme à gauche, je suis surtout pris de pitié et je n’entre pas dans votre manichéisme ridicule. Il n’y a aucune différence à faire entre Sarkozy et Hollande. Je suis tellement écoeuré que je n’ai même pas envie de vous convaincre et je vous laisse à vos croyance dérisoires.
à l’auteur
Quand je vois le pauvre Hollande, je ne peux jamais m’empêcher d’examiner en haut de l’écran si on voit les ficelles qui servent à le mettre en mouvement et je me demande aussi d’où sort la voix de son maître.
Apparemment, vous paraissez très bien informé de ce qu’il peut faire, vous avez confiance et vous savez apparemment ce que sera la suite du spectacle.
La déduction est immédiate et s’impose d’elle-même : c’est que le marionnettiste, c’est vous. C’est donc vous, derrière le castelet, qui tirez les ficelles !
Félicitations ! Continuez !
à l’auteur
Votre raisonnement serait acceptable à condition de considérer qu’il existe encore « une gauche », qu’il existe encore en France des « syndicats » ; bref, des forces d’opposition et de proposition cohérentes. Ce n’est malheureusement plus le cas. Il y a longtemps que les syndicats ont pris la fâcheuse habitude de se mettre à la botte du pouvoir : La FEN, par exemple, quand les socialistes ont entrepris de détruire l’Education nationale. Lesquels socialistes sont depuis longtemps dressés à se faire l’anesthésiant qui permet de réaliser sans trop de mouvements sociaux les grandes amputations que rêverait la droite mais qu’elle n’oserait se risquer à entreprendre. Il y a bien une extrême gauche, mais elle est d’inspiration totalitaire et même, aujourd’hui, carrément fascisante : les méthodes du FN sont désormais partout, et à l’extrême gauche comme ailleurs. Je mets dans le même sac les fanatiques de la peste verte, le Front populiste et les vieux gâteux du stalinisme ou du trotskisme.
Autrement dit, et pour reprendre la formule célèbre de l’un de ces antiques crétins, c’est blanc bonnet et bonnet blanc. Dans les deux cas, le pire est à craindre et voter, c’est choisir d’être dupe, accepter d’avance d’être pris pour un con par des politicards incompétents et cyniques en quête de légitimité. L’abstentionniste n’est pas quelqu’un qui a peur, comme vous paraissez vous complaire à le faire croire, et qui se terrerait dans son coin, c’est au contraire quelqu’un qui voit clairement que le système n’est plus démocratique que de nom et qu’il faudra bien finir par crever l’abcès. Quand l’abstention sera devenue massive, la crise sera très évidente, il faudra nécessairement y faire face au lieu de continuer à tourner autour du pot. Vous faites semblant de croire qu’en changeant les acteurs ou leur maquillage on pourra faire quand même un bon film, mais quand c’est le scénario qui est pourri, quoi qu’on fasse, on n’obtiendra jamais qu’un navet.
Najat,
Vous n’hésitez pas à renvoyer aux textes « comme la dogmatique invite à le faire », je l’avais bien remarqué (!), mais le problème, c’est que cela ne permet pas de trouver un terrain pour la communication qui permette d’aboutir à des vérités communes, fussent-elles provisoires. Si jétais chrétien, je vous assènerais aussi comme des vérités intangibles des phrases de la doxa chrétienne et nous n’aurions plus, au terme de la discussion, qu’à nous casser la figure. Mais je ne pense pas qu’il y ait UNE Vérité cachée à mettre à nu, il y a seulement DES erreurs tout à fait manifestes à détruire, le vrai n’étant que ce qui, provisoirement, résiste encore à la raison critique. Etant athée, c’est-à-dire refusant de rien croire sans démonstration, je me place sur le terrain de la raison commune où la question des « autorités », au sens médiéval du terme, est tout à fait exclue. Si vous mettez ensemble des gens ordinaires de différentes religions, ils finiront par s’entretuer en s’assommant à coups d’autorités contradictoires, ou par se tourner le dos, mais si ce sont des mathématiciens, qu’ils soient chinois, arabes ou américains, non seulement ils se tolèreront très bien tout en se critiquant, mais ils parviendront à s’entendre à la perfection sur les énoncés théoriques dont ils auront débattu après une chasse impitoyable aux communes erreurs de raisonnement, lesquelles seront reconnues par chacun sans difficulté. Je parle ici des mathématiques, mais c’est qu’elles ont toujours été un modèle pour la pensée philosophique : « nul n’entre ici s’il n’est géomètre » !
Votre exemple du tennis est habile mais ne me convainc pas. Les blessures, au tennis, sont des accidents : l’objectif du jeu n’est jamais d’obtenir des déchirures ligamentaires ! En revanche, l’objectif, dans un cas comme celui du sacrifice d’Abraham, puisque c’est de cela que nous parlions, ce n’est pas de délasser le croyant par un jeu d’adresse, c’est d’obtenir sa soumission inconditionnelle à Dieu, laquelle passe non pas seulement par la nécessité d’infliger à l’autre des blessures, mais même de faire fi de tous les sentiments d’humanité et de le tuer si Dieu l’exige. Les guerres de religion qui en ont été la principale conséquence n’étaient tout de même pas des parties de plaisir ! Et puis, les religions, du point de vue des religieux eux-mêmes, ne sont pas des instruments dont il faudrait définir par un mode d’emploi le bon usage. Elles n’ont pas une fonction utilitaire, elles sont une fin en soi, la fin des fins, ce que n’a jamais été le jeu du tennis.
Vous opposez deux formes de laïcités : « de statu quo » et « de force », la première ne s’occupant pas du fait religieux, la seconde prétendant le contrôler, mais c’est une alternative quand même un peu théorique, et qui ne prend guère en compte la réalité des choses. Aussi longtemps que la religion reste du domaine de la vie privée, je ne vois pas pourquoi on s’en occuperait davantage que des fantaisies alimentaires ou sexuelles des citoyens. Cela ne devient préoccupant que si l’existence de ceux qui sont extérieurs à une croyance commencent à subir des impositions gênantes. Par exemple, lorsque des élèves de terminale ferment leurs cahiers et refusent de prendre des notes (cas banal dans les banlieues) lorsque le prof aborde la théorie de l’évolution ou, en philosophie, la logique de l’athéisme, comment voulez-vous que la question de la laïcité ne se pose pas ? Au reste, vous le reconnaissez vous-même à la fin du paragraphe : philosophie et religions se rencontrent constamment. Mais vous faites de la philosophe – et c’est constant dans ce que vous m’écrivez – une sorte de sphère tout à fait équivalente à celle de la religion, ce qui est évidemment abusif : la liberté de pensée philosophique n’est limitée par aucun interdit, pas même par le principe de non-contradiction, et si demain un philosophe proposait une philosophie de l’incohérence comme on a pu concevoir une mathématique non-euclidienne un peu défrisante au début, cela serait plutôt fascinant. Mais en fait, cela existe déjà, et c’est la religion du « credo quia absurdum » d’Augustin, la « folie de la croix » paulinienne ou les incohérences du Coran relevées par Onfray aux pages 220 et suivantes (édition de poche) de son Traité d’athéologie. Ce sont les créationnistes américains ou les musulmans des banlieues qui refusent d’entendre parler de Darwin. La philosophie, elle, est sans préjugé : elle examine sans a priori les arguments des uns et des autres sans jamais refuser de les entendre.
Vous me permettrez de remarquer que votre conception du rôle de la philosophie est un tantinet finaliste. Ce n’est pas « la philosophie de l’Antiquité tardive qui a ouvert la voie à l’évangile », c’est plutôt le christianisme qui a fait main basse, par l’intermédiaire de Porphyre (pourtant très hostile aux chrétiens) et de quelques autres, sur la métaphysique de l’UN de Plotin. Peut-être bien que Dieu a quelque peu manipulé Plotin pour qu’il fournisse le matériel théorique utile à l’élaboration du symbole de Nicée-Constantinople, mais le pauvre n’y était pour rien et aurait probablement refusé de s’y reconnaître. En tout cas j’aurais, comme vous pouvez bien l’imaginer, de sérieuses réserves à faire sur l’intervention dans cette affaire de la divine providence.
De même, vous parlez de la « valeur » des religions ; on s’attend à ce que vous évoquiez les fins dernières, mais vous rabattez cela sur leur rôle social, que je ne songerais évidemment pas à contester, moi qui admire tant la civilisation des Abbassides. Le protestantisme a probablement été habile à créer aussi de la valeur, mais c’est au sens économique du terme – et de fait, vous évoquez la théorie de Weber – mais cette valeur-là n’a pas grand chose à voir avec l’axiologie et vous en conviendrez. Quelle jésuite vous faites, quelquefois, chère Najat !!!
Vous m’écrivez enfin « vous avez tort de considérer que le vrai clivage se situe entre le scepticisme rationnel et le dogmatisme religieux : je ne vois pas de clivage sauf à vouloir pour l’un la démission de l’autre ; ce qui est impossible. » Le fait que vous ne le voyiez pas, ce clivage, n’empêche pas qu’il existe, et j’aurais plutôt tendance à penser que vous ne voulez pas le voir parce que vous tenez à maintenir en l’état les religions telles qu’elles sont et parce que vous voudriez qu’elles fussent reconnues par les philosophes eux-mêmes d’une dignité égale à celle de la philosophie. Mais c’est moi, cette fois, qui vous répondrai : c’est impossible. Quand des chrétiens me parlent du Jésus fabriqué tardivement par les évangiles et me racontent en long et en large ce qui lui est arrivé le jour où il entrait dans Jérusalem comme s’il s’agissait de faits avérés et historiques alors qu’on n’a même aucune preuve absolument certaine de l’existence du bonhomme et de sa crucifixion, comment voulez-vous que mon scepticisme ne se mette pas en branle ? Quand des musulmans me racontent que Muhammad a reçu ses révélations de l’ange Gabriel, valables jusqu’au jour du jugement alors que si on veut défendre le Coran et le rendre moins choquant, il faut nécessairement l’historiciser - ce que vous faites très bien !- comment voulez-vous que je ne me pose pas des questions ? Le puritanisme actuel me dégoûte un peu mais je me demande aussi comment il se fait que Dieu, si puritain dans toutes ses manifestations, ait pu consentir qu’un quinquagénaire consommât un mariage avec une gamine de neuf ans ! Bref, toutes ces belles histoires ne sont pas sans intérêt littéraire, mais la fiction n’est quand même pas la réalité et c’est ce que je pourrai dire encore pour expliciter plus clairement l’idée de ce « clivage ».
Lorsque vous écrivez en réponse à ma « prophétie » (et si j’emploie un tel terme, c’est que je ne prends pas vraiment au sérieux !) que les sociétés ne peuvent pas rester indéfiniment dans « un climat de vacuité culturelle et spirituelle », c’est très méchant ! Ainsi donc, je serais, comme tous ceux de mon bord, une espèce de matérialiste sans âme, un « vrai pourceau d’Epicure », comme on aurait dit au XVIIe siècle, et donc moins qu’un homme. Mais il existe une spiritualité athée, qu’un Comte Sponville s’est attaché à définir. On peut très bien vivre sans la « sale espérance », pour parler comme Camus, d’une vie éternelle où on sera récompensé au centuple (toujours le rendement !) du bien qu’on aura fait. Si je donne de temps en temps un euro au mendiant (les religieux n’ont pas le monopole de la charité !) la différence c’est que je n’attends pas qu’un dieu m’en restitue à la fin une centaine et c’est donc tout à fait désintéressé. D’un point de vue strictement moral, cela ne me paraît pas vraiment le signe d’une infâmie.
Je vous parlais dans un précédent
mail d’une manifestation des Français musulmans contre l’islam
radical. Elle a bien eu lieu, mais fort modeste s’il faut en juger
par le seul article que j’aie pu trouver sur internet, d’un journal
que je n’apprécie guère et vers lequel pointe l’adresse que je
recopie ci-dessous.La croix
http://www.la-croix.com/Actualite/S-informer/France/Paris-une-centaine-de-musulmans-rassembles-contre-le-radicalisme-religieux-_NG_-2012-04-29-800664
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