Taverne

@Mélusine ou la Robe de Saphir.

Je n’ai pas parlé de l’Ukraine. Je laisse Antonio Machado vous répondre encore : 

Sur dix têtes, neuf
foncent tête baissée et une seule pense.
Ne soyez jamais étonné qu’une brute
se décorne à lutter pour une idée.

A Mélusine qui écrit « Laissez le dormir à Collioure. »

***

Mon cœur s’est-il endormi ?

ruchers de mes songes
ne distillez-vous rien ? Elle est desséchée
la noria de ma pensée,
ses godets vides
tournant, tournant, plein d’ombre ?

Non, mon cœur ne dort pas.
Il est éveillé, éveillé.
Il ne dort, ni ne songe ; il regarde
ses yeux clairs grands ouverts,
des signes lointains ; il écoute
sur la rive du grand silence. (« Mi corazón se ha dormido... »)

Ce poisson d’avril est publié bien tardivement. En plus il n’a rien de drôle. 

La première victime d’une guerre, c’est la vérité.

Soit. Mais ici arrive le philosophe avec sa question agaçante : pour identifier la victime, il faut donc identifier la vérité ?

Mais quelle est-elle, cette vérité ? Vous répondez : « La vérité est avant tout l’absence de mensonge. » D’accord, mais quand chaque camp est tellement convaincu par sa vérité qu’il finit par y croire matin, midi et soir, alors il ne ment plus. Il croit dur comme fer qu’il dit la vérité.

Ce qui revient à ma question : qu’est-ce que la vérité dans un monde pareil ? 

Pour faire émerger la vérité, il faut écarter tout point de vue idéologique et partisan mais aussi écarter nos émotions (ce qui est très difficile).

Le parti pris conduit à croire à tout ce que dit son camp. Or, il ne s’agit pas de séparer le bien du mal mais de trier le vrai du faux en démontant les fake news, en cherchant des preuves et en vérifiant les faits (dates, identités, témoignages, etc.).

Le doute est toujours de mise mais certains faits sont d’ores et déjà présumés vrais car vérifiés par différentes sources. C’est le doute qui a permis de constater par une observation méticuleuse que les deux vidéos qui, selon les Russes, montraient des figurants à terre, montrent la réalité des morts.

Deux effets d’optique expliquent l’illusion : un trou ou une tâche dans la caméra se déplace et nous fait croire qu’un bras a bougé sur le cadavre au sol. Or, ce n’est pas le cas. Les Russes se sont-ils laissé tromper par l’image comme nous ou sont-ils de mauvaise foi ? 

Pour l’autre vidéo, c’est la forme du verre du rétroviseur et le mouvement du véhicule d’où on filme qui créent cette impression que l’autre cadavre « suspect » bouge.

Ces points sont réglés mais rien n’interdit de penser qu’il y a pu avoir des manipulations dans les deux camps. Des témoins évoquent des grenades jetées dans les caves. Si ce fut le cas, des civils (armés ou non) ont pu en sortir pour s’enfuir et se seraient fait descendre. Pas impossible que les amis des défunts leur ait retiré leurs armes après leurs décès pour les faire passer pour des civils pacifiques. Je ne préjuge rien, je dis juste qu’il faut rester prudent sur ce point et sur d’autres.

Le sentiment général ne plaide pas en faveur de l’innocence des Russes. Il faudra des preuves. Et ceux qui prétendent détenir déjà la vérité sont des gens qui cèdent à l’aveuglement de leur parti pris ou de leur émotion. Mais il est difficile de rester de marbre dans ces cas : seuls les experts sont aptes à cet effort d’objectivation dépassionnée.