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Commentaire de Pierre Régnier

sur Irina Bokova voudra-t-elle pacifier les religions ?


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Pierre Régnier Pierre Régnier 15 novembre 2009 23:04

Bonjour dom

La première fois que j’ai été confronté, sur papier ou sur écran, à un texte tapé en blanc sur noir j’ai su tout de suite que j’en lirais peu par la suite car ça m’a épuisé très vite. Simple problème physique.

Je ne comprends pas tout ce que vous écrivez mais je crois deviner une grosse erreur. Si NWO signifie bien dans votre texte New World Order, soit Nouvel Ordre Mondial au sens où on l’entend couramment aujourd’hui, c’est-à-dire supposant une volonté de domination du monde, avec ou sans l’idée de complot, il n’y a aucune raison de faire un rapprochement avec le Nouvel Ordre Mondial des bahaïs, lesquels employaient cette expression plus d’un siècle auparavant. Certes ils pensaient alors déjà qu’il fallait aller vers l’établissement d’un « gouvernement mondial » mais certainement pas mis en place par la guerre ou par les vainqueurs de la compétition économique. Les bahaïs le conçoivent depuis toujours comme le résultat de la sagesse et d’un processus pacifique incluant une plus juste répartition des richesses naturelles et des produits du travail.

J’ai étudié la « Foi bahaïe » et rencontré de nombreux bahaïs durant des années. Beaucoup sont devenus et restés parmi mes meilleurs amis. Je ne connais pas de croyants qui aient des principes de base et un comportement plus pacifiques et pacifiants. Ceci les conduit d’ailleurs à subir une terrible persécution dans les pays à domination islamique. Je considère le « bahaïsme » comme la quatrième grande religion monothéiste et je trouve très superficielle la réaction de nombreux athées du genre « Ah non, pas ça ! C’est déjà assez compliqué avec trois ! » Ce genre de réaction fait partie, selon moi, des refus multiformes de voir la réalité religieuse de notre époque. L’ostracisme dont ils sont victimes ne dérange d’ailleurs pas les bahaïs outre mesure. Ils vont leur petit bonhomme de chemin avec la volonté de construire « à côté », en essayant de n’être jamais « contre ».

J’ai néanmoins avec mes amis bahaïs à peu près le même désaccord qu’avec mes amis chrétiens. Leur prophète leur a annoncé que « la guerre sainte est effacée du Livre ». C’était courageux dans le contexte de violence islamique où l’annonce était faite mais il y avait là la même insuffisance que chez les compagnons de Jésus 18 siècles plus tôt : les uns et les autres n’allaient pas jusqu’à comprendre, dire, affirmer haut et fort que, de toutes façons, la guerre « sainte » ce n’était pas Dieu qui l’avait mise dans le Livre, comme on l’avait enseigné jusque là. La Foi bahaïe, exactement comme le judaïsme et le christianisme dans toute ses composantes, n’a donc toujours pas vraiment, selon moi, rejeté la conception violente de Dieu : comme les autres les bahaïs pensent seulement qu’il ne faut plus l’appliquer. Le fait que leur religion existe seulement depuis un siècle et demi n’est pas pour moi une explication rassurante. Face à la théologie criminogène sacralisée ils sont, eux aussi, « mal partis ».

Ça nous ramène au problème général de la relation religion/violence. On me répète inlassablement que les deux sont indissociables, que mon « entêtement » à ne pas le voir est incompréhensible, voire grotesque. On m’affirme que l’idée de vouloir retirer des croyances religieuses une partie dogmatisée, fut-elle celle qui génère la violence n’a pas de sens, qu’il n’y a pas « des » croyances mais seulement « la » croyance, qu’une religion n’est même pas un ensemble de dogmes mais que c’est le dogmatisme qui est la religion. C’est tout ou rien. C’est franchement risible que de ne pas le voir, etc…

Je ne vois toujours pas en quoi croire en Dieu oblige à croire à la prétendue volonté de violence de Dieu. Parce que le rejet de cette seconde croyance obligerait les religions à changer radicalement le mental de leurs théologiens, de leurs dirigeants (leurs « pasteurs ») et de leurs adeptes ? Oui et alors ? Des prêtres de plus en plus nombreux affirment aujourd’hui que leur désir ou/et leur choix de vivre en couple un amour humain ne change rien à la qualité de leur foi, à leur engagement au service du Dieu auquel ils croient. Ils affirment que la prétendue exigence divine de leur célibat n’est qu’une invention de l’église (l’humaine, donc faillible, institution) mal inspirée. Pourquoi les croyants ne pourraient-ils pas penser la même chose de la prétendue volonté de violence de Dieu ?

Ce qui est certain c’est que ne pas tenter le changement, si l’on est dans les religions, ou ne pas le demander si l’on est à l’extérieur (ne pas l’exiger si l’on a des responsabilités dans la cité) c’est accepter que la violence religieuse continue d’être pratiquée aujourd’hui et demain comme elle a déjà été pratiquée durant 3000 ans.

Moi, ça ne me fait pas rire. Et c’est cet entêtement irrationnel qui me sidère quand il vient de « rationalistes ».


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