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Commentaire de easy

sur Depardieu en Belgique : sur les pas de Victor Hugo


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easy easy 25 décembre 2012 17:45


Oui, comme dit Marx, l’argent inverse (il peut inverser) les images.

Oui, comme dit Péguy, les anciennes puissances temporelles étaient armées d’une moelle spirituelle

Alors que la puissance de l’argent n’est armée que de sa totipotence alfatique, son pouvoir de transmutation, de créer des valeurs ex nihilo, de faire surgir des lapins d’un chapeau, pouvoir très concurrentiel à la transsubstantiation eucharistique.

Toutes les autres puissances que liste Péguy ont effectivement une moelle spirituelle

Mais quelle est quelle est alors la matière de cette moelle spriturelle ?



La puissance du titre de chevalier ne s’est pas faite en un jour. 
Avant même de dégainer son épée, un chevalier portait sur lui une puissance née et grandie à la fois de l’Histoire de la chevalerie et de sa propre histoire. 

Quiconque porte un habit de moine porte sur lui une puissance née et grandie de l’Histoire religieuse et de son histoire personnelle.

Qu’on ait allure d’Ivanhoe, de Cartouche, de Richelieu, on porte sur soi une Historicité et on s’engage moralement dans une direction.

Les puissances de la liste de Péguy sont temporelles au sens où elles s’exercent ici, sur Terre

L’argent est également une puissance temporelle
Mais la puissance temporelle de l’argent est anhistorique et elle est la seule du genre avec la force du muscle nu

Lorsque quelqu’un se présente avec son seul muscle, celui qui est en face voit cette puissance musculaire comme datant certes de quelques années déjà mais comme étant naturelle. Elle n’a pas de contenu historique sauf s’il ressort que ce muscle provient d’un long entraînement.
Lorsque quelqu’un se présente avec un couteau, celui qui est en face voit en ce couteau une historicité. Il y a cent mille ans d’évolution humaine pour en arriver au couteau.
Lorsque quelqu’un se présente avec une armée, celui qui est en face voit en cette armée toute une Histoire. Une Histoire pleine de débats moraux (très vrai avant le XIXème, nettement moins vrai ensuite)

Le muscle nu et l’argent sont des puissances temporelles sans moelle historique.
Les autres puissances temporelles ont de l’historicité comme moelle.

Or la morale est absolument historique, vivante et historique. La morale surgit de nos débats moraux continuels.
Ce qui est anhistorique est sans moralité. Le corps brut (le physis) et l’argent, sont sans moralité consubstantielle ou intrinsèque.

Je dois tempérer cette anhistoricité et amoralité par le fait que très souvent, l’argent qu’ont les gens est d’origine connue. Parfois très clairement (prix Nobel, salaire, Loto...) parfois plus floue.

L’argent le plus anhistorique et le plus amoral est celui dont l’origine est inconnue voire sulfureuse. Comme la banque est la lessiveuse, les enrichissements financiers sont les plus anhistoriques et les plus amoraux.

Cette anhistoricité & amoralité possible de l’argent fait que celui qui en possède peut dire qu’il ne doit rien à personne 

C’est au fur et à mesure que l’homme à refusé de considérer qu’il devait quelque chose à Dieu, à l’Histoire-des-créatures-de-dieu, qu’il a refusé de dire qu’il devait quelque chose à qui que ce soit et qu’il a foncé sur l’argent.

Et c’est donc au XIXème siècle qu’ont surgit des déclamations inédites en « Je me suis fait tout seul » (En s’auto couronnant, Bonaparte avait donné le La). Même Louis XIV n’aurait pas osé dire ça.

Cet auto-engendrement, cette re-création de soi et de toute chose sera la ligne directrice du XIXème siècle européen


Lorsqu’un riche porte sur lui un bijou, une toile de maître, une couronne, une armée il dit tout de même encore « Je dois cela à un bijoutier, à un maître, à un pape, à mes grognards ». Il ne doit alors rien à Dieu mais encore aux hommes.
Alors que quand un individu ne porte sur lui qu’argent brut, il peut dire « Je ne dois absolument rien à personne » 

Le regard amer que nous portons sur les riches vient donc d’une part de leur puissance temporelle certaine puisqu’avec ça ils peuvent écraser bien des pauvres que nous sommes, d’autre part du fait qu’ils peuvent dire, s’ils ne convertissent pas cet argent en autre chose (voitures, palais, bijoux), qu’ils ne nous doivent absolument rien, qu’ils se placent alors hors d’atteinte de tout commerce moral.

La puissance de l’argent procure l’indépendance morale, l’a-dettisme total.



Lorsqu’un riche s’entoure de valeurs à forte d’historicité (tableaux, vignes, châteaux...) nous pouvons le supporter parce qu’il reste en relation morale avec nous. Nous pouvons commercer de moralité avec Pierre Bergé.

Lorqu’un riche n’affiche que de l’argent brut, ou qu’il ne s’entoure que d’objets surgis de concepts non validés par le tractus historico-moral commun, nous le détestons au point de l’ignorer complètement parce qu’il est hors d’atteinte de notre jugement.

Les gens qui ont 90% de biens sous forme d’objets immobilier et mobiliers ne pouvant se liquider que devant un ban public (annonces, salles des ventes) et 10% d’argent brut, sont soumis à 90% au commerce moral (tel Y S Laurent, Depardieu).

Les gens qui ont 90% de biens sous forme d’argent brut sont soumis à 10% au commerce moral.



C’est finalement sa masse liquidités immédiatement convertibles hors tout contrôle moral (biais qu’offrent les salle des marchés financiers), qui sépare moralement une personne riche des gens ordinaires.
Nous ne pouvons tirer l’oreille que des riches qui ont des biens historiques et qui se sont ainsi engagés dans le même tractus moral que le nôtre. Ceux qui n’ont rien à cirer de notre Histoire nous échappent complètement.


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