Jonas,
Une autre « lettre ouverte » à France culture qu’AgoraVox aura préféré ne jamais publier.
Lettre ouverte à France culture.
C’est avec consternation que j’ai entendu ce matin 24 mars votre
émission « Le secret des sources » à propos des
événements de Toulouse, et de quelques autres. Comme tous ces
derniers jours dans les media, il n’aura été question que de la
« récupération » des faits par les politiques, et de la
vertu singulière des journalistes, ces héros de la Vérité.
S’il fallait s’interroger sur
l’information en ces circonstances, après des crimes d’une violence
atroce, il me semble qu’il serait plus urgent d’examiner la
responsabilité particulière d’une grande partie de la presse
française depuis plus de dix ans. L’assassin voulait « venger
les enfants palestiniens », et il n’est pas le premier à se
couvrir de ce prétexte pour perpétrer des horreurs sans nom. Ceux
qui ont égorgé et décapité le journaliste juif Daniel Pearl
opéraient en video devant une image du petit Al Dura et de son père,
complaisamment diffusée par Antenne 2, et la même image était
aussi en arrière plan dans telle apparition filmée de Ben Laden.
Qui donc est à l’origine, en France et ailleurs, de cette mythologie
manichéenne et grotesque opposant, pour un public naïf, souvent
très ignorant de l’histoire, les pauvres et bons Palestiniens aux
méchants Israëliens, si ce n’est les journalistes ? Toute une
soirée a été consacrée, l’an passé, sur Antenne 2, à
désinformer sur la situation palestinienne ; et France-culture,
à la même date, consacrait une journée entière à illustrer
d’images d’Epinal la même mythologie simpliste ; ad nauseam.
Que des adolescents quelque peu
perturbés, fanatisés par tant de prêcheurs qui appellent
quotidiennement à l’extermination des Juifs et dont on trouve
aisément les videos sur l’Internet se sentent désormais encouragés,
dans des municipalités où on organise complaisamment des messes
pro-palestiniennes, à incendier des synagogues ; qu’ils en
viennent même aujourd’hui au meurtre, cela n’a rien de bien
surprenant : un climat général et une tolérance ignoble
paraissent les y autoriser.
J’évoquais l’affaire Al Dura.
Quiconque aurait pris soin de regarder le film en coupant la bande
son - ce qui devrait être le premier réflexe de tout professionnel
du documentaire -, aurait été bien incapable, à la seule vue
des images, de se prononcer sur ce qu’elles prétendaient montrer :
quand on a le corps criblé de balles, le sang coule, on n’est plus
assis dans la même position qu’avant les impacts, et quand on est un
enfant mort, on ne soulève pas un bras pour regarder vers le
cameraman. Ce reportage avait été mis en doute parce qu’il n’était
pas crédible et paraissait même invraisemblable. L’Avocat Général
de la cour de Cassation, qui recommandait naguère la relaxe d’un
homme qu’on avait traîné devant les tribunaux pour diffamation
parce qu’il avait eu l’honneur de faire preuve d’esprit critique,
devait reconnaître, ayant connaissance du témoignage des experts,
qu’il n’était pas possible de se prononcer clairement en faveur
d’une authenticité du document. Toute l’affaire doit être renvoyée,
à cause d’un vice de forme, devant une cour d’appel qui sera fondée
à se prononcer sur le fond. Que font, depuis le début de cette
affaire, nos vertueux journalistes, face à tant de soupçons
accablants qui devaient à tout le moins les induire au doute et à
la prudence ? Ils ont préféré le réflexe corporatif, ils ont
soutenu massivement par des pétitions leurs confrères d’Antenne 2.
La vérité ou la Pravda ?
Quand les roquettes pleuvent sur les
villes du sud d’Israël, que lit-on dans la plupart des media
français ? Que les Juifs ont riposté, que cela a causé des
morts et des blessés : le seul droit qu’on leur reconnaîtrait
vraiment sans restriction c’est, si j’ose dire, celui de se laisser
massacrer sans réagir. Quand des terroristes palestiniens
s’introduisent il y a à peu près un an dans une maison, la nuit,
égorgent un couple et même leur bébé, on ne lit presque rien dans
la presse française, laquelle tient à souligner que cela se passe
chez des « colons », en Cisjordanie. Quoi de plus normal,
de plus courageux et de plus héroïque en effet, en pareilles
circonstances, que l’égorgement ?
La consternante déclaration de
Catherine Ashton, après le crime de Toulouse, met très bien en
lumière la sourde influence d’un journalisme irresponsable,
fabricateur de mythes, qui souffle sur les braises d’un conflit qui
n’intéresserait pas plus les Français que celui des Tibétains et
des Chinois s’il n’y avait derrière tout cela l’éternelle passion
triste de la haine antisémite.
Christian Labrune
Je me réserve de faire paraître
éventuellement cette lettre ouverte sur l’Internet.