Guetta out of a ear...

par Lisa SION 2
mardi 2 mars 2010

Ce soir commence la première émission de l’année, tant attendue chez les habitués, qui porte un nom peut-être un peu m’as-tu-vu, c’est vrai, mais qui recèle tout ce que la France compte de plus neuf en matière de musique, de chant, et d’espoir. Des milliers de jeunes, n°1 sous leur douche, ou seuls au volant, sont si timides parfois, que c’est la sœur, le voisin, ou leur meilleur ami qui les ont inscrits et poussés jusqu’au devant de cette scène acoustique. Celle-ci est la plus difficile, parce que plus personne ne vous soutient, ni orchestre ni sono, et surtout que vous êtes face au jury le plus professionnel qui soit en la matière, au niveau national ou même mondial. L’émotion y est souvent intense, autant chez le chanteur que chez des millions de français qui, comme vous et moi, musiciens ou pas, mais sans doute mélomanes, apprécient. Le jury lui-même, pourtant tous professionnels aguerris, sont parfois les premiers surpris.

Un musicien raté, un peu dans mon genre par exemple, l’est souvent parce qu’il n’a pas su s’introduire dans le monde des radios crochet, des caf’ conc’. Il n’a pas été soutenu par sa propre famille, ou son cercle d’amis, ni n’a croisé la route d’un profileur, ces chasseurs de têtes qui arpentent ces espaces où viennent se frotter les jeunes groupes. Bien sûr, faire carrière ne suffit pas à s’épanouir puisque l’on peut en mourir, drogué et alcoolique noyé dans son vomi, et chanter tout l’été au coin du feu non plus, puisque dès l’arrivée de l’hiver, il faut chanter pour se réchauffer, ce qui remplace l’envie par un besoin nécessaire à la survie, qui est une sorte de sur envie...

Un musicien épanoui est celui qui, même s’il met zéro ou trente ans à accéder au sommet de son art, s’en réjouit chaque jour, même sous sa douche ou au volant. Je ne suis pas là pour raconter ma vie, mais en profite pour glisser cette anecdote explicative à propos du sujet dont j’écris : à l’age de douze ans, j’ai fait mon premier disque à l’initiative d’Alain Etévé, alors professeur de chant à l’école de Sainte Marie à Meaux où j’étais pensionnaire. J’y chantais en soliste dans la chapelle remplie, et n’ai jamais cessé de chanter depuis et suis toujours pleinement épanoui. Chanter n’est pas si simple et peut paraître anodin, pour plusieurs raisons. D’abord, quand on est timide et réservé en privé, on l’est encore plus en public. Lorsque l’on parle déjà debout devant une tablée, cela peut être émouvant, et de là à chanter devant six mille ou cent mille personnes, faut carrément être drogué pour vaincre le trac. Ensuite, si, dire une simple bêtise, un simple mot déplacé, ou une simple phrase exprimée calmement peut déclencher le rire ou l’humeur de l’assemblée, chanter revient à la proférer à haute voix avec parfois, toute la puissance du geste qui fait de votre petit organe buccal, une trompette aigüe ou un baryton sonnant. Chanter, c’est un peu de la folie, car la moindre déviation peut contrarier en une seconde toute l’assemblée des auditeurs. Ces émotions immatérielles qui circulent dans les flux nerveux, transmises par vibrations sonores ondulatoires, sont d’une force étonnante, et si elles peuvent générer des frissons dans le dos de dizaines d’auditeurs, elles provoquent l’équivalent de l’effet de l’alcool chez ceux qui la produisent, jusqu’à un point que seuls les chanteurs peuvent connaître.

Mais l’objet de mon article décliné dans le titre, est la nouvelle comme quoi pour être numéro un des ventes de disques français sur le marché mondial, point n’est besoin d’être, ni chanteur, ni musicien, mais plutôt compositeur, une nouvelle race de charlatans. « David Guetta reste l’artiste français qui vend le plus de disques au monde, plus de 7 millions d’exemplaires ont été écoulés depuis le début de sa carrière. Derniers titres de gloire : son album One Love, a généré 15 millions d’euros de chiffres d’affaires et le titre Chick s’est classé en première position des meilleures ventes de singles dans le monde.  » Comment en est-on arrivé là ?

Le milieu de la musique de boite de nuit, afin de ne pas se soumettre à la loi de la sacem, et à la redistribution des droits d’auteurs auprès des chanteurs qui, il y a encore peu, avaient une place de choix dans leur sein, ont entrepris de fabriquer eux mêmes, dans leurs propres studios, de la musique sans musiciens. Comme une église qui aurait décidé de se passer de dieu et de saints, une médecine qui aurait décidé de se passer de médecin et de médocs, dans ces studios usines, aucun instrument acoustique n’a la parole, et ne sévissent que les appareils analogiques et numériques, c’est à dire synthétiques. Ceux-ci n’assemblent entre eux que des bouts de ficelles auxquels sont adjoints et mixés, des portions infimes de morceaux de tubes célèbres des années soixante dix et quatre vingt. Le vol a été quasiment manifeste et le pillage d’autant plus difficile à détecter que la sacem ne peut pas toujours vérifier si, ce cri particulier, cette demi seconde de gimmick, est bien l’original, une copie conforme, ou la propriété de l’auteur. La frontière est si étroite quand il s’agit de simple cris, rifs de guitare ou ports de voix, que le métier de contrôleur devient vite semblable à l’épicier, voire au chipoteur. C’est cette savante faille dans laquelle s’est engouffrée ce monde parallèle, qui fait des millions d’euros avec du vent, sans aucun professionnalisme et qui ne le diffuse que dans des salles obscures. Ce système à l’échelle mondiale est accompagné de commerces souvent douteux que sont les alcools forts parfois frelatés, les belles filles faibles qui finiront gogo-girls, les drogues dures tombées dans leurs verres, et soutenus par des armées de vigiles maintes fois décriés, puisque puissants sélectionneurs discriminatoires.

Mais surtout, ce phénomène participe également à rompre le lien qui était déjà formé entre les clients de cette fête traditionnelle du samedi soir où l’on va danser ensemble, et certains artistes que l’on retrouvait habituellement tous les jours au top cinquante, hors de ces salles. C’est d’ailleurs pour eux qu’est née la loi hadopi, qui sait faire preuve de pression, de répression, et de pénalisation auprès du petit contrevenant, tout en fermant les yeux sur les véritables falsificateurs du système qu’elle est sensée défendre.

Nous vivons une époque contemporaine formidable, où il n’y a plus besoin de savoir écrire pour obtenir le prix médicis, où il n’y a plus besoin d’être musicien pour vendre des disques, où il n’y a plus besoin d’être artiste pour vendre des chefs d’oeuvres, où il n’y a plus besoin d’être plombier ni électricien, mais simple dépanneurs pour faire du fric, où il suffit d’être intermédiaire pour emporter, sans impôts à l’État des sommes occultes considérables, où il n’y a plus besoin de sagesse universelle pour faire prêcheur, où il n’y a plus besoin de travailler pour gagner plus, enfin où n’importe qui peut faire n’importe quoi sur un marché parallèle sans contrôle d’une autorité commune.

En se retournant ainsi, envers et contre le peuple, pour obtenir de celui-ci le manque à gagner, et combler l’absence dans les caisses de l’État, l’on supprime encore des libertés par des lois inapplicables, et au détriment des petits. Pendant ce temps là, cette même génération, formatée au marteau piqueur, avale sans concurrence possible de kilomètres de contrefaçons grossières, que des années de rabaissement de la culture musicale a dissout dans une soupe indigeste, et qui profite allègrement à cette mafia musicale. Celle-ci vous attend tous en fin de semaine pour racler votre paye au moment d’aller vous amuser un peu en ville, et en passant, vous raffler votre plus belle fille, amoureuse fanatique du dieu de la soirée, le D’Jieu, ou de l’un de ses apôtres, sélectionneurs à l’entrée...

L’émission de ce soir, la Nouvelle star, offre la chance à des milliers de jeunes français de se faire connaître par leur talent, et d’obtenir une tribune dignement soutenue par les plus grands professionnels de la musique. Ceux-ci ont entre leurs mains, les clés des plus grands studios de ce monde du son et des ondes musicales qui parviennent parfois jusqu’à nous par les chemins des ondes hertziennes. Ces jeunes pourtant timides et émotionnés, mais souvent méritants, sont notre espoir de voir enfin les vraies personnalités musicales de demain, agrémenter notre quotidien, et s’intégrer dans ce réseau à l’usage du divertissement du public. Ils ont plus besoin de notre soutien que de lois restrictives, car la musique est sensée adoucir les mœurs, dès qu’elle n’est pas armée de breaks à la mitrailleuse automatique et au canon à particules extra-sismiques.

Excusez moi de proposer un sujet léger en cette période difficile, mais la musique aussi a besoin d’être sauvée des pattes de puissants charlatans. Je n’aurai qu’un mot pour ce garçon reconnu internationalement par les sous-représentés, ou sourds représentés, Guetta out of a ear... !

En bon français, fiche le camps de mon oreille.

 

sujet à l’origine de l’article sur envoyé spécial

chuis pas dentiste, je suis plombier...

petits extraits au choix sur trente quatre pages de vingt vidéos

juste derrière les champions, des quantités de brillants sujets

Gregory lemarchal, vingt six pages de vingt vidéo à lui seul...


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